mercredi 24 février 2016

L’application du droit européen de la concurrence dans un contentieux ne fait pas échec à l’applicabilité du droit français des pratiques restrictives

Le 30 juin 2004, un contrat d’importation à durée indéterminé est conclu entre un distributeur et un fournisseur. En vertu de ce contrat, le distributeur importait et distribuait des véhicules neufs et des pièces de rechange sur le territoire de la Réunion.  Une filiale du distributeur intervenait en qualité de concessionnaire agréé, laquelle au moyen d’un apport partiel d’actifs avait transféré son activité à une autre filiale du groupe.

Le 20 mai 2009, le fournisseur prend la décision de rompre le contrat en raison d’une «nouvelle politique de développement et de croissance portée par la marque », laissant néanmoins un préavis de deux ans afin de permettre au distributeur de se réorganiser.

Le distributeur et les deux concessionnaires assignent le fournisseur en réparation du préjudice subit au titre de la résiliation du contrat et de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Le distributeur arguait que le motif justifiant la résiliation n’était pas conforme au règlement CE n°1400/2002 concernant les pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de l’automobile applicable en l’espèce. Le contrat reprenant l’article 3-4 du règlement n°1400/2002 mettait à la charge de la partie à l’initiative de la résiliation une obligation de justification objective et claire des motifs de la rupture, afin d’éviter que l’accord ne soit résilié pour des raisons constituant en réalité une pratiques anticoncurrentielles.

La Cour relève néanmoins que la résiliation ordinaire d’un contrat de concession fondée sur la mise en œuvre d’une nouvelle politique de développement et de croissance constitue est suffisamment précis et objectifs conformément à l’article 3-4 du règlement 1400/2002.

Les appelants prétendaient également que le préavis de deux ans accordé par le fournisseur était d’une durée insuffisante et constituait une rupture brutale des relations commerciales sur le fondement de l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce. 

Cet arrêt est l’occasion pour la Cour de clarifier les contours de l’application de l’article L.442-6 en présence du contentieux soumis au droit européen de la concurrence. 

L’intimé invoquait au titre de sa défense que le délai de préavis de deux ans était conforme au règlement 1400/2002 applicable en l’espèce, et invoquait l’inapplicabilité de l’article L.442-6 I 5° en raison de la primauté des impératifs du droit communautaire sur les règles générales et spéciales du droit français. 

La Cour rappelant le principe de l’article 3§3 du règlement 1/2003 affirme que les dispositions du droit national sont applicables dans un contentieux soumis au droit européen de la concurrence dès lors que l’objectif de ce texte est différent de celui visé aux articles 81 et 82 CE. 

Elle démontre ensuite que l’article L.442-6 poursuit un objectif de "protection du fonctionnement du marché et de la concurrence" grâce à la protection des concurrents, alors que les articles 81 et 82 CE poursuivent un objectif de protection du fonctionnement concurrentiel du marché dans son ensemble. 

Elle poursuit en arguant que le considérant 9 du règlement 1/2003 n’exclut pas l’application simultanée du droit communautaire et des pratiques restrictives de concurrence prévues à l’article L.446-2 du code de commerce. 

Néanmoins, en l’espèce, elle rejette la demande des appelants considérant que le préavis de deux ans accordé par le fournisseur était raisonnable, en relevant notamment que le distributeur avait retrouvé un repreneur pour son fonds dans ce laps de temps. 

Elle affirme donc de manière explicite que l’application, dans un contentieux, du droit européen de la concurrence ne fait pas échec à l’applicabilité du droit français des pratiques restrictives. Quoique le règlement de l’espèce ait concerné l’automobile, on peut tout à fait imaginer l’extension d’une telle solution à d’autres règlements et notamment au règlement 330/2010. 

Décision de la Cour d’appel de Paris du 24 juin 2015 RG n°13/05110.

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