Loi Travail : le décret relatif à l'instance de dialogue dans les réseaux de franchise est paru
mardi 9 mai 2017

Loi Travail : le décret relatif à l'instance de dialogue dans les réseaux de franchise est paru

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Initialement envisagée pour le mois de décembre 2016, la publication du décret relatif à l'instance de dialogue social devant être mise en place dans les réseaux d'exploitants d'au moins trois cents salariés en France liés par un contrat de franchise, est finalement intervenue au Journal Officiel du 6 mai 2017.

Pris pour l'application de l'article 64 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, le décret n°2017-773 du 4 mai 2017 fixe ainsi les modalités de négociation et les caractéristiques de l'instance de dialogue social en l'absence d'accord mettant en place cette instance.

1.    La négociation d’un accord

En premier lieu, le Décret précise donc les conditions dans lesquelles le franchiseur engage une négociation visant à mettre en place une instance de dialogue social commune à l'ensemble du réseau, comprenant des représentants des salariés et des franchisés et présidée par le franchiseur, et notamment le délai dans lequel le franchiseur doit engager la négociation.

Au commencement, l’organisation syndicale représentative au sein de la branche ou de l'une des branches dont relèvent les entreprises du réseau ou ayant constitué une section syndicale au sein d'une entreprise du réseau, qui demande au franchiseur d'engager la négociation de l'accord tendant à déterminer les caractéristiques de l'instance, doit notifier sa demande, par tout moyen de nature à conférer date certaine à sa réception, et joindre les documents de nature à justifier sa qualité pour présenter cette demande.

Il appartient alors au franchiseur d’informer de cette demande les employeurs des entreprises du réseau de franchise employant au moins un salarié, lesquels en retour doivent lui communiquer, par tout moyen et dans un délai de quinze jours, la moyenne sur l'année écoulée de leurs effectifs au sens de l'article L. 1111-2 du Code du travail.

Ici se pose inévitablement la question des conséquences de l’absence de réponse des franchisés dès lors que c’est au regard de ces informations que le franchiseur sera en mesure d’apprécier si une ou plusieurs conditions de mise en place de l'instance, et notamment l'emploi en France de trois cents salariés au moins dans les entreprises relevant du réseau, ne sont pas réunies…

Lorsque les conditions de mise en place de l'instance sont satisfaites, le franchiseur sollicite dans un délai de deux mois les organisations syndicales de salariés représentatives au sein de la branche ou, lorsque les entreprises du réseau relèvent de différentes branches, chacune des organisations syndicales de salariés représentative au sein de l'une de ces branches au moins, ainsi que l'ensemble des employeurs des entreprises du réseau employant au moins un salarié.

Il appartient ensuite au franchiseur de réunir, dans un délai d'un mois à compter de la date de cette sollicitation un groupe de négociation constitué de deux collèges composés d'un nombre égal de membres, qu'il fixe en tenant compte du nombre des organisations syndicales de salariés représentatives au sein de la branche ou, lorsque les entreprises du réseau relèvent de différentes branches, du nombre des organisations syndicales de salariés représentatives au sein de l'une de ces branches au moins.

Le collège des salariés est composé de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au sein de la branche ou des branches dont relèvent les entreprises du réseau. Quant au collège des employeurs, il est composé de représentants du franchiseur et de représentants de plusieurs employeurs des entreprises du réseau.

Le Décret est donc relativement taisant sur les modalités pratiques d’organisation de la négociation. Surtout, alors même que selon le Conseil constitutionnel, les entreprises franchisées doivent participer à cette négociation (Décision n°2016-736 DC du 4 août 2016), rien n’est dit sur les modalités de désignation des représentants de ces entreprises !

À noter par ailleurs que les employeurs des entreprises du réseau informent par tout moyen de nature à conférer date certaine leurs salariés de l'ouverture de la négociation, de son objet et de la composition du groupe de négociation.

Si la négociation aboutit à un accord, la validité de celui-ci est subordonnée à sa signature :

-    par le franchiseur,
-    par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau de la branche ou des branches dont relèvent les entreprises du réseau de franchise ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés aux élections prises en compte pour la mesure de leur audience ;
-    par des employeurs dont les entreprises représentent au moins 30 % des entreprises du réseau de franchise et emploient au moins 30 % des salariés du réseau.

En outre, la validité de l’accord est conditionnée par l'absence d'opposition notifiée dans un délai de huit jours à compter de la date de signature, d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives majoritaires au niveau de la branche ou des branches dont relèvent les entreprises du réseau.

L’accord est ensuite déposé par la partie la plus diligente auprès de la DIRECCTE.

En revanche, si la négociation n'a pas abouti durant les six mois suivant la première réunion du groupe de négociation, le franchiseur établit un constat de désaccord (sauf décision de prolongation de la négociation) qu’il transmet à l'ensemble des membres du groupe de négociation.

Enfin, le franchiseur procède à la convocation à la première réunion de l'instance dans les deux mois suivant le dépôt de l'accord ou, le cas échéant, l'établissement du constat de désaccord. Les caractéristiques de l’instance sont alors celles fixées par le Décret.

2.    Les caractéristiques de l’instance en l’absence d’accord

En second lieu, le Décret détermine les caractéristiques de l’instance de dialogue social en l'absence d'accord, soit : sa composition, le mode de désignation de ses membres, la durée de leur mandat, les heures de délégation octroyées pour participer à cette instance et leurs modalités d'utilisation, étant rappelé que la Loi elle-même a prévu que le nombre de réunions de l'instance est alors fixée à deux par an.

Tout d’abord, il est important de retenir que la désignation des représentants des salariés et des employeurs des entreprises du réseau de franchise a lieu tous les quatre ans étant précisé que l'instance est composée de deux collèges représentant respectivement les salariés et les employeurs (3 titulaires et 3 suppléants pour chacun des collèges si le réseau compte 300 à 1.999 salariés, 4 titulaires et 4 suppléants pour chacun des collèges si le réseau compte au moins 2.000 salariés).

La constitution du collège employeur peut sembler quelque peu déroutante sachant qu’il est prévu que les employeurs qui souhaitent siéger au sein de l'instance transmettent au franchiseur leur nom (ou celui d'un ou plusieurs salariés ayant qualité pour les représenter), mais que les titulaires puis suppléants, sont désignés par le franchiseur en suivant l'ordre d'une liste de ces noms, établie en alternant entre un représentant issu de l'entreprise qui compte le plus de salariés et un représentant issu de l'entreprise qui compte le moins de salariés, jusqu'à l'attribution de l'ensemble des sièges (sauf – rare – exception, une entreprise ne devrait pas compter plus d'un représentant au sein de l'instance).

De leur côté, les organisations syndicales de salariés représentatives dans la ou les branches dont relèvent les entreprises du réseau désignent, parmi les salariés des entreprises du réseau, un nombre de représentants proportionnel à leur audience dans cette ou ces branches, selon la règle de la plus forte moyenne. Elles informent le franchiseur du nom des représentants qu'elles désignent et de leur qualité de titulaire ou de suppléant.

À noter enfin que la transmission par les employeurs et la désignation par les organisations syndicales interviennent dans un délai de quarante-cinq jours à compter du dépôt de l'accord lorsque ce dernier n'a pas défini la composition de l'instance et le mode de désignation de ses membres ou, en l'absence d'accord, à compter de l'établissement du constat de désaccord.

Par ailleurs, les articles 6 et 7 du Décret assurent le remplacement des membres titulaires (collège représentant les employeurs ou collège représentant les salariés) dont l’entreprise quitte le réseau, remplacement devant intervenir dans le délai d'un mois après cette sortie.

Enfin, s’agissant de la question - essentielle - des dépenses et frais de fonctionnement de l’instance, le Décret prévoit d’une part sans surprise que lorsque les représentants des salariés ont la qualité de représentants du personnel dans leur entreprise, le temps de leur trajet pour se rendre aux réunions de l'instance et le temps de réunion de cette instance ne sont pas imputés sur le crédit d'heures dont ils disposent au titre de leur mandat.

Sans plus de surprise, il est prévu d’autre part que le temps passé par les représentants des salariés au sein de l'instance est rémunéré comme du temps de travail effectif. C’est peu dire que c’est assez léger pour un Décret sensé définir « les heures de délégation octroyées pour participer à cette instance et leurs modalités d'utilisation » !

Quant aux frais de séjour et de déplacement des représentants des salariés et des employeurs à l'instance et autres dépenses de fonctionnement de l'instance et d'organisation des réunions, on se souvient que le Conseil constitutionnel avait invalidé le fait que la Loi impose leur prise en charge par le seul franchiseur. Aux termes du Décret, ils sont « engagés par le franchiseur », lequel pourra néanmoins demander aux entreprises du réseau d'y contribuer à hauteur de la moitié des frais supportés. Les entreprises du réseau versent cette contribution au prorata de leurs effectifs dans le délai fixé par le franchiseur (au moins égal à un mois).

3.    Le règlement des conflits

En troisième et dernier lieu, le décret du 4 mai 2017 précise enfin les modalités de contestations relatives tant à la mise en place qu’au fonctionnement de l'instance de dialogue social prévue à l'article 64 de la loi du 8 août 2016 susvisée.

En effet, ce dernier était muet sur la gestion et le règlement des conflits susceptibles de naître à l’occasion de la mise en place et du fonctionnement de la nouvelle instance.

Par exception à la compétence de droit commun du tribunal de grande instance (TGI), toutes les contestations relatives à l’instance de dialogue social relèvent de la compétence du tribunal d'instance (TI), lequel est appelé à statuer « dans les trente jours de sa saisine sans frais ni forme de procédure et sur avertissement qu'il donne trois jours à l'avance à toutes les parties intéressées » et  ce en dernier ressort (son jugement est seulement susceptible d'un pourvoi en cassation dans un délai de dix jours).

Saisi par voie de simple déclaration au greffe, le tribunal d'instance compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège social du franchiseur étant précisé que s’agissant des franchiseurs ayant leur siège social à l'étranger, le tribunal d'instance du 15ème arrondissement de Paris est seul compétent.

D’une manière générale, la déclaration du Tribunal est recevable dans un délai relativement bref de quinze jours suivant chacune des étapes susceptibles de donner lieu à contestation : ouverture de négociation (sauf si le franchiseur ne sollicite pas la constitution d'un groupe de négociation ; l’action est alors recevable dans un délai de deux mois suivant la date de notification de la demande d’une organisation syndicale d’engager la négociation d’un accord), composition du groupe de négociation, validité de l'accord, composition de l'instance…

Au vu des difficultés que ne devrait pas manquer de soulever l’application d’un texte aux lacunes significatives, il est probable que les tribunaux ne devraient pas tarder à être saisis sitôt les premières demandes d’ouverture de négociation notifiées aux franchiseurs concernés, si tant est toutefois que les organisations syndicales s’emparent de ce nouveau dispositif dit « de dialogue social » qui présente un intérêt somme toute assez limité.


Auteurs, à la suite du petit déjeuner organisé le 15 septembre 2016 :
 
Jean-Christophe GOURET, Barthélémy Avocats
Jean-Baptiste GOUACHE, Gouache Avocats

Le compte rendu du petit déjeuner sur le volet franchise de la Loi El Khomri est mis à jour suite à la parution de ce décret.