lundi 9 janvier 2017

Précisions de la CEPC sur la rupture brutale partielle de relations commerciales

Saisie d’une demande d’avis sur les relations commerciales entre des fournisseurs MDD et un distributeur, la Commission d’Examen des Pratiques commerciales (CEPC) vient apporter des précisions sur la rupture brutale partielle de relations commerciales.

Avis n° 16-19 du 14 décembre 2016 relatif à une demande d’avis sur les relations commerciales de fournisseurs de produits MDD avec un distributeur.

1. La Commission d’Examen des Pratiques commerciales (CEPC) a été saisie par un groupement d’intérêt économique de vignerons afin de recueillir son avis sur les relations commerciales qu’il entretient avec un distributeur, avec lequel il était en partenariat afin de lui fournir un vin AOC sous sa marque distributeur.

La relation était basée sur un système de réservation de volume de vin en début d’année avec des enlèvements échelonnés et un complément de volume éventuel en fin d’année. 

De 2000 à 2007, le volume vendu a régulièrement progressé. Par la suite, les volumes ont diminué. Parallèlement, le distributeur s’est approvisionné en vin AOC de même marque auprès d’autres fournisseurs.

2. Le groupement d’intérêt économique demande ainsi à la CEPC si une telle baisse de volume peut être assimilée à une rupture brutale partielle d’une relation commerciale établie, pratique restrictive de concurrence sanctionnée par l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce.

La CEPC indique dans un premier temps que pour qu’une baisse des volumes puisse être qualifiée de rupture brutale d’une relation commerciale établie, cette baisse ne doit pas :

- soit, « résulter  d’une application d’une clause contractuelle organisant la variation des volumes » ;
- soit « avoir fait l’objet d’une information préalable ayant permis au fournisseur d’anticiper la baisse des volumes » ;
- soit « pouvoir être justifiée par des critères objectifs tels que le désintérêt du consommateur pour le produit en cause ou une baisse de qualité des produits, sous réserve que ces critères ne soient pas contraires au contenu des clauses du contrat liant les parties ».

Après avoir rappelé que la jurisprudence a déjà considéré que la baisse de volumes entrainant une baisse du chiffre d’affaires pouvait constituer une rupture partielle de la relation commerciale établie (Cass. com. 7/07/2014, n°03-11.472 ; Cass. com. 23/01/2007, n°04-16.779) et qu’une rupture est considérée comme brutale si elle a été effectuée sans préavis écrit ou selon une durée de préavis trop courte, la CEPC vient apporter plusieurs précisions intéressantes.

Elle indique en effet que :

- les juges prennent en compte le « contexte d’exclusivité de la relation commerciale établie » pour apprécier l’existence d’une rupture brutale (Cass.com. 20/05/2014, n°13-16.398) et la durée du préavis à respecter ;

- la prise en compte de ce critère est  conditionnée au fait que cette exclusivité ne soit pas un choix délibéré de la part de la partie subissant la rupture (CA Paris, 14/09/2012, n° RG : 11/05373 ; Cass. com. 4/11/2014, n°13-22.726).

Elle ajoute par la suite qu’en « cas de clause d’engagement contractuel sur les volumes achetés, une baisse non conforme aux conditions définies au sein de cette clause pourrait engager la responsabilité contractuelle de la partie responsable de la baisse (sauf cas de force majeure) sans pour autant que la qualification de rupture brutale au sens de l’article L.442-6, I, 5° puisse être retenue ».

La CEPC déduit de ces éléments que les modifications importantes de réservation de volume au regard des années précédentes pourraient être, sans respect de préavis, considérées comme une rupture brutale partielle des relations commerciales au sens de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

La CEPC recommande ainsi d’anticiper d’éventuelles variations significatives de volumes de commande ou de volumes achetés, notamment en cas de relation commerciale s’inscrivant dans la durée, et de prévoir des délais de prévenance permettant au vendeur, d’anticiper et d’optimiser sa production et ses circuits de distribution.

En complément, la CEPC ajoute que ces éléments pourraient également contribuer à caractériser un abus de dépendance économique,  qui doit réunir 3 conditions :

- l’existence d’une situation de dépendance économique (le GIE indiquait que certains producteurs du GIE commercialisaient plus de 70% de leur production sur ce marché) ;

- une exploitation abusive de cette situation (une demande d’alignement des prix sous peine de blocage des enlèvements et une modification importante des volumes réservés et/ou enlevés auraient été faits selon l’auteur de la saisine) ;

- une affectation, réelle ou potentielle du fonctionnement ou de la structure de la concurrence sur le marché.

3. On précisera que le GIE demandait également l’avis de la CEPC, notamment sur deux autres points : 

- Le GIE souhaitait savoir si l’obligation d’assurer la disponibilité permanente d’un volume de bouteilles étiquetées MDD à l’avance, sous peine de pénalités, sans échéance ni délai d’enlèvement par l’acheteur, sans pour autant assurer au fournisseur un enlèvement de tout le volume ou sans autre justification contractuellement prévue assurant au distributeur un approvisionnement, pourrait être constitutive d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.

La CEPC indique qu’à défaut de clause ou d’un ensemble de clauses permettant de justifier cette obligation ou de la rééquilibrer, tel serait le cas (CA Paris, 23/05/2013, n°12/01166 ; Cass. com. 3/03/2015, n° 14-10.907 ; Cass. com. 29/09/2015, n° 13-25.043 : clause prévoyant un délai pour acheter le volume réservé au-delà duquel cette réservation devient caduque et aucune pénalité applicable). Elle conclut qu’une appréciation in concreto des clauses en prenant en compte le contrat dans sa globalité serait nécessaire pour confirmer une telle analyse.

- Le GIE souhaitait également connaître l’avis de la CEPC sur l’exigence d’un alignement concurrentiel par le distributeur sous peine de blocage des enlèvements au regard des réservations réalisées. 

La CEPC indique : 

o qu’à l’oral, cette exigence ne peut être sanctionnée que par la nullité de la clause d’alignement au regard de l’article L.442-6 II, d) du Code de commerce qui sanctionne le fait « de bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant » ;

o qu’une telle pratique pourrait être considérée comme une pratique restrictive de concurrence au sens de l’article L.442-6 I 4° du Code de commerce qui sanctionne le fait « d'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix […] » : « le fait de menacer de bloquer les enlèvements des volumes réservés (et déjà étiquetés MDD donc sans possibilité de revente selon un autre circuit ou auprès d’un autre acheteur) afin d’obtenir un alignement des prix peut être analysé comme une menace de rupture brutale partielle. En effet, l’enlèvement des bouteilles réservées correspond au réel volume vendu par le fournisseur. Si l’on considère que le volume vendu est une des obligations essentielles de la relation entre l’acheteur et le vendeur, alors toute modification de cette obligation pourrait être analysée comme une rupture brutale. Exiger un alignement concurrentiel, qui par écrit serait une clause frappée de nullité, est un comportement qui pourrait être analysé comme une condition manifestement abusive sur le prix, condition posée sous menace de rupture brutale. Il y aurait donc pratique restrictive de concurrence ».

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