Entente dans le secteur pharmaceutique entre deux laboratoires, parties à un accord de licence.
lundi 5 février 2018

Entente dans le secteur pharmaceutique entre deux laboratoires, parties à un accord de licence.

Le 23 janvier 2018, la Cour de justice de l’Union européenne dit pour droit que constitue une restriction de la concurrence par objet, la pratique mise en place par deux laboratoires, parties à un accord de licence, consistant en la diffusion d’informations trompeuses en vue de se répartir le marché. 

La présente affaire, issue d’une demande préjudicielle introduite par le Conseil d’État italien, porte sur la caractérisation d’une pratique concertée d’entreprises visant à instaurer une répartition du marché entre les différents produits qu’elles commercialisent.  

En l’espèce, le groupe Roche a fabriqué deux médicaments pour le traitement de deux pathologies distinctes. Il a décidé de commercialiser  lui-même l’un de ces médicaments, l’Avastin, et a confié la commercialisation du second, le Lucentis, à Novartis, au moyen d’un accord de licence. 

 Le groupe Roche et Novartis ont observé que l’Avastin était beaucoup plus prescrit que le Lucentis, notamment parce que les médecins administrent à leurs patients l’Avastin, (reconditionné en doses plus faibles) pour traiter des pathologies pour lesquelles le Lucentis a reçu une autorisation de mise sur le marché. Cette utilisation « off-label » de l’Avastin s’explique par l’écart de prix considérable entre les deux thérapies.  

Face à ce constat, le groupe Roche et son licencié Novartis ont diffusé des avis de nature à engendrer des préoccupations dans le public quant à la sécurité des utilisations « off-label » de l’Avastin  pour traiter des pathologies pour lesquelles le Lucentis a été autorisé, tout en dépréciant les connaissances scientifiques en sens contraire. 

L’autorité de concurrence italienne a alors condamné les entreprises en cause  pour avoir mis en place « une entente horizontale unique et complexe concrétisée par un ensemble de pratiques concertées » visant à créer une « différence artificielle » entre les médicaments Avastin et Lucentis en manipulant la perception des risques de l’utilisation « off-label » de l’Avastin pour influencer la demande en faveur du Lucentis. 

Déboutés de leurs recours en première instance contre cette décision, les deux laboratoires pharmaceutiques ont interjeté appel devant le Conseil d’État italien. C’est dans ce contexte que celui-ci a décidé de surseoir à statuer et d’interroger la Cour de justice de l’Union notamment sur les interactions entre le cadre réglementaire concernant la mise sur le marché des médicaments et le droit de la concurrence de l’Union, en posant 5 questions préjudicielles portant sur les sujets suivants. 

Sur le marché pertinent.

 
Selon  la Cour de justice de l’Union européenne,  l’article 101 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il permet à une autorité nationale de la concurrence d’inclure dans le marché pertinent, outre les médicaments autorisés pour le traitement des pathologies concernées, un autre médicament dont l’autorisation de mise sur le marché ne couvre pas ce traitement, mais qui est utilisé à cette fin et présente ainsi un rapport concret de substituabilité avec les premiers.  

Les dispositions réglementaires régissant la mise sur le marché de médicaments ne s’opposent donc pas à la substituabilité entre deux médicaments dont l’autorisation ne porte pas sur les mêmes pathologies, qui peuvent donc appartenir à un même marché de produits. 

La Cour rappelle que, compte tenu des spécificités que présente la concurrence dans le secteur pharmaceutique, le marché pertinent aux fins de l’application de l’article 101 § 1, TFUE comprend les médicaments qui peuvent servir aux mêmes indications thérapeutiques. 

Application de l’article 101 §1 TFUE aux restrictions de la concurrence convenues entre les parties à un accord de licence. 

Les entreprises en cause faisaient valoir que dans la mesure où la pratique qui leur est reprochée n’est pas prévue par l’accord de licence les liant, les restrictions de concurrence qui en découlent ne peuvent être qu’accessoires audit accord, leur permettant d’échapper à la qualification d’entente

 
Pour écarter cet argument et retenir l’existence d’une entente entre les les groupes Roche et Novartis, la Cour retient que : 

  • les informations diffusées par ces groupes, sur les effets indésirables de l’Avastin en cas d’administration pour le traitement de pathologies pour lesquelles le Lucentis a reçu une AMM, avaient pour objectif de limiter non pas l’autonomie commerciale des parties à l’accord de licence relatif au Lucentis, mais les comportements de tiers, notamment de professionnels de la santé,  
  • qu’un tel comportement ne saurait être considéré comme objectivement nécessaire à la mise en œuvre de cet accord, ainsi que l’exige la jurisprudence de la Cour pour la constatation d’une restriction accessoire, 
  • en effet, ce comportement ne fait pas l’objet de l’accord de licence mais a été convenu postérieurement à cet accord afin d’enrayer la substituabilité résultant des prescriptions médicales.  

En conséquence, la Cour dit pour droit que l’article 101, § 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une entente convenue entre les parties à un accord de licence relatif à l’exploitation d’un médicament, qui, afin de réduire la pression concurrentielle sur l’utilisation de ce médicament pour le traitement de pathologies données, vise à limiter les comportements de tiers consistant à encourager l’utilisation d’un autre médicament pour le traitement de ces mêmes pathologies, n’échappe pas à l’application de cette disposition au motif que cette entente serait accessoire audit accord. 

La caractérisation d’une restriction de la concurrence  « par objet » 

La Cour de Justice se penche également sur la question de savoir si le comportement en cause constitue une restriction de la concurrence « par objet ».  

La Cour de Justice considère que, eu égard : 

  • au système de pharmacovigilance auquel sont soumis les médicaments tels que l’Avastin, ainsi 
  • qu’à l’incertitude scientifique sur ce sujet,  

La pratique consistant en la diffusion  auprès des professionnels de la santé et du grand public d’informations trompeuses sur les effets indésirables de l’utilisation d’un médicament pour le traitement de certaines pathologies, en vue de favoriser la commercialisation d’un médicament concurrent, doit être considérée comme présentant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour rendre superflu l’examen de ses effets, et partant, constitue une restriction de la concurrence « par objet ».

Inapplicabilité du bénéfice de l’exemption prévue au paragraphe 3 de l’article 101 TFUE 


Enfin, les parties revendiquant l’application  de l’exemption individuelle prévue au paragraphe 3 de l’article 101 TFUE, la Cour de justice a rappelé que dans la mesure où la pratique en cause constitue une restriction de la concurrence par objet, elle ne peut bénéficier de cette exemption. 


CJUE 23 janvier 2018, C-179/16, F. Hoffmann-La Roche Ltd e.a. contre Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (AGCM)

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