lundi 12 décembre 2016

Action en contrefaçon de marque : veillez à choisir la juridiction compétente !

Une action en contrefaçon de marque ne peut exister que dans les limites territoriales définies par les effets de l’enregistrement de la marque. Dès lors, les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour juger d’actes de contrefaçon non rattachables au territoire français.

Dans un arrêt du 25 octobre 2016, la Cour d’appel de Paris a réaffirmé le principe de territorialité attaché à l’enregistrement des marques et son incidence en matière d’action en contrefaçons de marque.

En l’espèce, trois sociétés se présentaient comme cotitulaires de droits sur plusieurs marques « Bayahibe », à savoir de marques françaises, d’une marque internationale désignant l’Union Européenne, les USA, le Mexique, le Maroc et la Chine, enregistrées pour la fabrication de shorts de bain et de vêtements liés à l’univers de la plage. Une marque « Bayahibe » était également enregistrée en République Dominicaine. Cependant aucune des trois sociétés précitées n’étaient titulaires de droits sur la marque dominicaine.

Ces sociétés assignent en contrefaçon de marque devant le TGI de Paris à l’encontre de la société Club Méditerranée et de la société CLUB MED Amérique du Nord, filiale de la première. Ces dernières commercialisaient en République Dominicaine des produits similaires comportant la marque « Bayahibe ».

Le TGI de Paris s’est déclaré territorialement incompétent. Les trois sociétés titulaires de droits sur les marques Bayahibé ont interjeté appel de cette décision.

La Cour d’appel confirme l’ordonnance rendue en référé par le Président du TGI de Paris.

Pour rappel, l’action en contrefaçon de marque est une action en responsabilité délictuelle. Dès lors, les règles de compétence des juridictions applicables en matière délictuelle sont applicables à l’action en contrefaçon de marque. 

En matière délictuelle, et en application des articles 42 et 46 du Code de procédure civile, le tribunal territorialement compétent est soit celui du lieu où demeure le défendeur, soit celui du lieu du fait dommageable, soit celui du ressort dans lequel le dommage a été subi.1

En matière de marque, il est considéré que le fait dommageable est subi « dans l’ensemble des lieux dans lesquels la marque dont l’annulation est recherchée est diffusée et commercialisée. » (Com., 7 juillet 2009, pourvoi n°08-17135, Périssé Père et fils c/ Château Malartic-Lagravière).

En l’espèce, pour la Cour d’appel, le juge français n’était pas compétent.

La Cour d’appel rappelle qu’en application du principe de territorialité qui régit le droit des marques, l’enregistrement d’une marque ne produit d’effet que sur le territoire pour lequel il a été accordé. C’est-à-dire que pour une marque française, son enregistrement ne produit d’effet qu’en France.

Ainsi, une action en contrefaçon de marque ne peut exister que dans les limites territoriales définies par l’enregistrement d’une marque. Par conséquent, tout acte de contrefaçon qui est commis en dehors du territoire français et n’y produisant pas ses effets n’affecte pas la marque française.

Les sociétés titulaires des marques Bayahibé invoquaient à l’appui de leur demande trois marques françaises et une marque internationale ne désignant pas la République Dominicaine. Or, les faits allégués de contrefaçon – la commercialisation des produits – se situaient en République Dominicaine.

Les actes de contrefaçon n’ont pas été constatés sur le territoire français. Les sociétés titulaires des marques Bayahibé, pour rattacher les actes de contrefaçon au territoire français et donc justifier la compétence des juridictions françaises, indiquaient que l’atteinte portée à la marque se situait sur le territoire français dès lors que les sociétés Club Méditerranée et Club Med Amérique du Nord avaient leurs sièges sociaux en France et que les décisions de commercialisation des produits contrefaisants avaient été prises en France. Cet argument n’emporte pas la conviction des juges. D’une part, la perte d’exploitation alléguée comme étant subie en France ne peut trouver sa cause dans la vente de produits en dehors du territoire français. D’autre part, il n’était pas démontré que les produits contrefaisants étaient fabriqués en France.

Finalement, la commercialisation des produits contrefaisants ne portait pas atteinte à une marque française mais à la marque Bayahibé enregistrée en République Dominicaine.

Aucune contrefaçon des marques françaises n’étant caractérisée, les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour statuer sur ces actes.

Ces sociétés auraient donc dû agir devant les juridictions dominicaines. Encore aurait-il fallu qu’elles soient titulaires de droits sur la marque dominicaine « Bayahibé », ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Cette décision est classique.

Elle a le mérite de rappeler que la marque n’est protégée que pour le territoire pour lequel elle a été enregistrée. Cela emporte deux conséquences :

- il n’est pas possible d’agir en contrefaçon de marque à l’encontre d’un tiers qui réaliserait des actes contrefaisants de votre marque sur un territoire pour lequel votre marque n’est pas protégée ;

- si vous disposez d’une marque enregistrée sur le territoire auquel les actes contrefaisants peuvent être rattachés, vous pourrez agir en contrefaçon de marque. Dans ce cas toutefois, cette action doit être fondée sur la marque enregistrée sur le territoire concernée, d’une part, et être intentée devant les juridictions du territoire sur lequel la marque est enregistrée, d’autre part.

A défaut, votre action risquerait d’être déclarée irrecevable par les juridictions.

(CA Paris, 25 octobre 216, RG n°16/02746)

1) Cette règle est cumulative avec le règle de compétence d’attribution édictée par l’article L.716-3 du Code de la propriété intellectuelle qui attribue, pour les actions civiles et les demandes relatives aux marques, une compétence exclusive à une liste de tribunaux de grande instance déterminée par le Code de l’organisation judiciaire.

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