lundi 24 avril 2017

Baux commerciaux : Censure des clauses fixant un plancher à la révision légale !

La Cour de cassation met un terme à la polémique sur les clauses prévoyant une « limite plancher » à la révision du loyer.

Quasiment tous les baux commerciaux contiennent des clauses d’indexation, appelées aussi clause d’échelle mobile, qui prévoient que le loyer variera en fonction de l’évolution d’un indice.

Pour que l’indexation du loyer ne puisse être qu’à leur bénéfice, de nombreux bailleurs notamment institutionnels ont prévu dans les baux que l’indexation ne pourrait jouer qu’à la hausse et non à la baisse.

La question de la licéité de ces clauses était d’une importance considérable car elles sont susceptibles d’impacter très fortement le montant du loyer au bout de quelques années.

Après des arrêts divergents des Cours d’appel, la Cour de cassation affirmait dans un arrêt du 14 janvier 2016 que de telles clauses faussent le jeu normal de l’indexation et violent donc les dispositions de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier. La Haute Cour en concluait que ces clauses doivent être réputées non écrites.

On croyait alors la question des clauses d’échelle mobile à la baisse résolue.

Pourtant, quelques jours après cette décision, un arrêt de la Cour d’appel de Paris venait semer le trouble en validant une clause par laquelle le preneur renonçait, pour les révisions à venir, à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer contractuel, convenu comme un «loyer plancher ». 

La Cour d’appel avait retenu que cette clause « ne fait pas échec aux dispositions de l’article L 145-39 puisqu’elle permet au preneur, dès lors que sont remplies les conditions de la demande de révision d’obtenir une fixation à la baisse du loyer du bail révisé mais dans la limite du loyer « plancher » convenu » (CA Paris, 20 janvier 2016, Pôle 5 Chambre 3, n° 13/23331).

Les auteurs étaient alors partagés sur l’interprétation de cet arrêt. Il paraissait probable que la Cour d’appel de Paris avait rendu ce verdict avant d’avoir eu connaissance de l’arrêt de cassation précité rendu quelques jours auparavant mais certains bailleurs brandissaient cet arrêt pour soutenir que la fixation d’un loyer plancher restait licite.

La Cour de cassation vient de mettre un terme au dernier doute s’il en subsistait : elle vient de censurer l’arrêt d’appel sur le double fondement des articles L 145-15 et L 145-39 du Code de commerce.

L’article L 145-15 dispose que « sont réputés non écrits quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations, et arrangements qui ont pour effet de faire échec (…) aux dispositions des articles L 145-4, L 145-37 à L 145-41 ».

Aux termes de l’article L. 145-39 « si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. La variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ».

La Haute Cour considère que la clause litigieuse est de nature à faire échec au mécanisme de la révision légale institué par l’article L 145-39 du code de commerce et qu’en application de l’article L.145-15 elle est donc réputée non écrite :

« en statuant ainsi alors que la clause avait pour effet de faire échec au réajustement du loyer en vigueur à la valeur locative et que la renonciation par le preneur à son droit d'obtenir la révision ne pouvait valablement intervenir qu'une fois ce droit acquis, soit après le constat d'une augmentation du loyer de plus d'un quart par le jeu de la clause d'échelle mobile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Comme on le voit la Haute Cour a en réalité censuré doublement l’arrêt de la Cour d’appel. En effet, la Cour de cassation rappelle également une règle bien établie selon laquelle une partie ne peut valablement renoncer à un droit que si ce droit est né. En l’espèce, le droit à révision légale naît avec le constat de l’augmentation du loyer de plus d’un quart par le jeu de la clause d’échelle mobile

Par conséquent, toute renonciation au mécanisme d’ordre public de révision légal opérée par « clauses, stipulations ou arrangements » avant ce constat est réputée non écrite. 

Cass. civ. 3ème, 30 mars 2017, FS-P+B, n°16-13.914

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