Distribution sélective dans plusieurs Etats membres: quel tribunal compétent?
lundi 11 septembre 2017

Distribution sélective dans plusieurs Etats membres: quel tribunal compétent?

Quel tribunal est compétent en cas de revente hors réseau?

Nous avions précédemment commenté une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 21 décembre 2016, qui avait été saisie d’une question préjudicielle de la Cour de cassation française dans le cadre d’un litige lié à une problématique de revente hors réseau dans un réseau de distribution sélective. La question portait sur le tribunal compétent, lorsque la revente intervient sur des sites web exploités hors de France.

Dans cette affaire, une société française reprochait à Samsung Electronics France SARL et Amazon Services Europe SARL, société de droit luxembourgeois, d’avoir violé une telle interdiction. La Cour d’Appel de Paris avait estimé les juridictions françaises incompétentes pour les sites d’Amazon qui opéraient hors du territoire français (Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne et Italie), même si ceux-ci étaient accessibles en France.

Dans un tel cas, il convient de se référer aux règles de droit international privé. Au niveau européen, celles-ci résultent du règlement dit Rome I (règlement européen n° 44/2001 du 22 décembre 2000, refondu par le règlement n°1215/2012 du 12 décembre 2012).
Les principes posés par ce règlement sont les suivants :
Les personnes domiciliées sur le territoire d’un état membre sont attraites devant les juridictions de cet état membre ;
Toutefois, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, elles peuvent être attraites devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

Au niveau français il existait jusqu’à présent une différence d’appréciation suivant les chambres de la cour de cassation. La chambre commerciale estimait les juridictions françaises compétentes dès lors que le site web étranger s’adressait directement au public français (théorie du site dit actif). La première chambre civile pour sa part justifiait la compétence des tribunaux français à la présence en France d’un dommage consécutif à l’activité du site étranger, même passif, dès lors qu’il était accessible depuis la France.

Dans sa décision de décembre 2016, la CJUE avait adopté le raisonnement suivant : le demandeur qui s’estime victime, peut choisir d’engager l’action devant le tribunal du lieu du domicile de l’auteur du dommage ou du lieu de matérialisation du dommage pourvu que le droit du pays protège le droit dont la violation est alléguée. Or, l’article L.442-6, I, 6° du Code de commerce français sanctionne la violation d’une interdiction de revente hors réseau. Le dommage se matérialise par ailleurs sur le territoire de l’état du demandeur dans la mesure où la violation de cette interdiction de revente hors réseau entraine la réduction des ventes du demandeur. 

Dans sa décision du 5 juillet 2017 (n°14-16.737) la Cour de cassation a repris ce raisonnement : « Attendu que par un arrêt du 21 décembre 2016 (C-618-15), la CJUE a dit pour droit que l’article 5, point 3 de ce règlement [n°44/2001 du 22 décembre 2000] doit être interprété, aux fins d’attribuer la compétence judiciaire conférée par cette disposition pour connaitre d’une action en responsabilité pour violation de l’interdiction de vente en dehors d’un réseau de distribution sélective résultant de l’offre, sur des sites internet opérant dans différents Etats membres, de produits faisant l’objet dudit réseau, en ce sens que le lieu où le dommage s’est produit doit être considéré comme étant le territoire de l’Etat membre qui protège ladite interdiction de vente au moyen de l’action en question, territoire sur lequel le demandeur prétend avoir subi une réduction de ses ventes. »

La Cour de cassation reproche alors à la Cour d’appel de n’avoir considéré que les tribunaux français n’étaient compétents « que si le site sur lequel la distribution est assurée vise le public de France ». Elle casse donc la décision d’appel sur cette question de compétence.

Cette solution est plus protectrice des victimes française de revente hors réseau réalisées sur des sites étrangers, puisqu’elles peuvent ainsi agir devant les tribunaux français. Les exploitants français de sites internet devront pour leur part bien veiller à ne pas violer des interdictions de revente hors réseau, même si elles concernent des réseaux de distribution localisés hors de France, dès lors que le droit du pays concerné sanctionne la revente hors réseau

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