Suites de l’affaire Wish :  le Conseil Constitutionnel valide les pouvoirs de la DGCCRF
jeudi 24 novembre 2022

Suites de l’affaire Wish : le Conseil Constitutionnel valide les pouvoirs de la DGCCRF

Le Conseil Constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a rendu une décision en date du 21 octobre 20221confirmant les pouvoirs d’injonction numérique de la DGCCRF2 ayant procédé au déréférencement du site wish.com des moteurs de recherche en ligne. 

En novembre 2021, les services de la DGCCRF ont procédé au déréférencement du site wish.com des moteurs de recherche en ligne Google, Bing et Qwant en raison du maintien de la commercialisation de produits considérés par la Répression des Fraudes comme dangereux et/ou non conformes. 

Depuis la loi n°2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne en matière économique et financière (dite « loi DDADUE ») qui vise à renforcer la protection des consommateurs français, l’article L. 521-3-1 du Code de la Consommation dispose que : 

« Lorsque les agents habilités constatent, avec les pouvoirs prévus au présent livre, une infraction ou un manquement aux dispositions mentionnées aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7 ainsi qu'aux règles relatives à la conformité et à la sécurité des produits à partir d'une interface en ligne et que l'auteur de la pratique ne peut être identifié ou qu'il n'a pas déféré à une injonction prise en application des articles L. 521-1 et L. 521-2, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut :

Ordonner aux opérateurs de plateformes en ligne au sens du I de l'article L. 111-7, aux personnes mentionnées au 1 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ou à celles exploitant des logiciels permettant d'accéder à une interface en ligne l'affichage d'un message avertissant les consommateurs du risque de préjudice encouru lorsqu'ils accèdent au contenu manifestement illicite ;

Lorsque l'infraction constatée est passible d'une peine d'au moins deux ans d'emprisonnement et est de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l'intérêt des consommateurs :

a) Notifier aux personnes relevant du I de l'article L. 111-7 du présent code les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites pour qu'elles prennent toute mesure utile destinée à faire cesser leur référencement ;

b) Notifier aux opérateurs et personnes mentionnés au 1° du présent article ou au 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites afin qu'ils prennent toute mesure utile destinée à en limiter l'accès ;

c) Ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d'enregistrement de domaines de prendre une mesure de blocage d'un nom de domaine, d'une durée maximale de trois mois renouvelable une fois, suivie, si l'infraction constatée persiste, d'une mesure de suppression ou de transfert du nom de domaine à l'autorité compétente.

Ces mesures sont mises en œuvre dans un délai, fixé par l'autorité administrative, qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures.

Une interface en ligne s'entend de tout logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finals d'accéder aux biens ou aux services qu'il propose ».

A la suite du déréférencement du site de vente en ligne wish.com, la société ContextLogic Inc, exploitant ledit site, a d’abord sais le Tribunal Administratif de Paris qui l’a débouté de l’intégralité de ses demandes, puis le Conseil d’Etat et enfin le Conseil Constitutionnel d’une QPC en estimant que les pouvoirs conférés aux services de la DGCCRF méconnaitraient plusieurs droits et libertés garantis par la Constitution.

a) La liberté d’expression et de communication

La société ContextLogic Inc estimait que l’article L. 521-3-1 du Code de la Consommation méconnaitrait la liberté d’expression et de communication, garantie par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789(DDHC).  

Le Conseil Constitutionnel rappelle qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution4, le législateur peut instituer des restrictions aux libertés afin de protéger l’ordre public, l’intérêt général et/ou les droits des tiers, sous réserve que ces mesures soient nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. 

Le Conseil Constitutionnel rejette toute violation de la liberté d’expression et de communication sur quatre motifs. 

Elle estime tout d’abord que la restriction à la publication du contenu en ligne est justifiée puisqu’elle poursuit un objectif d’intérêt général visant à « renforcer la protection des consommateurs et assurer la loyauté des transactions commerciales en ligne » et donc, de lutte contre la commercialisation de produits dangereux et/ou non conformes. 

Le Conseil estime ensuite que la violation à la liberté d’expression et de communication n’est pas caractérisée puisque cette mesure ne peut être ordonnée qu’à l’encontre de contenus manifestement illicites sanctionnés par des peines d’au moins deux ans d’emprisonnement et que par conséquent, cette restriction est nécessaire et proportionnée à la protection des consommateurs et au principe de loyauté commerciale

Le Conseil Constitutionnel ajoute que cette mesure n’est réalisée par la DGCCRF que si l’exploitant du site n’est pas identifié ou identifiable ou, si l’exploitant de ce site n’a pas donné suite à une injonction de mise en conformité qui lui a été signifiée et que cette dernière peut être contestée devant les tribunaux compétents. 

Enfin, le Conseil réfute toute violation de la liberté d’expression et de communication au motif que la mesure ne peut être mis en œuvre qu’après l’écoulement d’un délai 48 heures suivant la demande. 

b) La liberté d’entreprendre

Par ailleurs, la société requérante estime que l’article L. 521-3-1 du Code de la Consommation viole la liberté d’entreprendre édictée par l’article 4 de la DDHC de 1789au motif que cette mesure serait une atteinte disproportionnée à l’exercice du commerce. 

Le Conseil Constitutionnel estime que cette liberté n’est pas violée au motif que seul le déréférencement est ordonné et que ces mesures « n’ont pas pour effet d’empêcher les exploitants de ces interfaces d’exercer leurs activités commerciales, leurs adresses demeurant directement accessibles en ligne ». 


c) Les droits de la défense, le droit à un recours juridictionnel effectif, le principe de sécurité juridique et le droit à une « bonne administration »

Enfin, il a été soulevé par la société ContextLogic Inc que les pouvoirs de la DGCCRF seraient contraires aux droits de la défense, au droit à un recours juridictionnel effectif et au principe de sécurité juridique et au droit à une bonne administration. Le Conseil Constitutionnel a estimé que l’injonction de la DGCCRF de mise en conformité est prise après un débat contradictoire préalable, en prenant contact avec l’exploitant du site en ligne, et que cette mesure peut être contestée par un recours exercé en référé devant le juge compétent. De plus, la mise en œuvre de la mesure de déréférencement ne peut intervenir que sous le délai de 48 heures et la décision prise peut également être contestée par un recours en référé.

En conséquence, au regard de l’objectif d’intérêt général principalement tiré de la protection des consommateurs et de la loyauté du commerce, le Conseil Constitutionnel déclare conforme à la Constitution les pouvoirs d’injonction numérique de la DGCCRF tirés de l’article L. 521-3-1 du Code de la Consommation et affirme au surplus, que les mesures prises ne violent pas les droits de la défense. 


1 Décision n°2021-1016 QPC du 21 octobre 2022
2 Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes
3 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 - Article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».
4 Constitution du 4 octobre 1958 – Article 34 : « La loi fixe les règles concernant : […] les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».
5 DDHC de 1789 – Article 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi ».

Chloé Ricaud,
Avocate

Guillaume Gouachon,
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