vendredi 29 mars 2024

Développement d’un réseau bis : le savoir-faire doit-il avoir été expérimenté par un pilote ? (Mai 2015)

Deux franchisés, dont les contrats de franchise avaient été résiliés par le franchiseur Guy Hoquet suite au non-paiement de leurs redevances contractuelles, sont déboutés de leur demande en nullité de leur contrat de franchise fondée sur l’absence de savoir-faire.

L’enseigne Guy Hoquet avait créé un premier réseau de franchise sous l’enseigne Guy Hoquet Immobilier destiné à une clientèle de particuliers. Elle décide par la suite d’étendre son activité aux transactions relatives aux fonds de commerce, sous l’enseigne Guy Hoquet Entreprises et Commerces.

Deux franchisés, après avoir signé un contrat de franchise pour exploiter une agence sous l’enseigne Guy Hoquet Entreprises et Commerces, ont cessé de payer leurs redevances contractuelles. Le franchiseur a donc résilié leurs contrats de franchise pour inexécution de leurs obligations contractuelles.

Les franchisés assignent le franchiseur en nullité du contrat de franchise pour défaut de cause fondé sur l’absence de savoir-faire -leur demande en nullité était par ailleurs fondée sur le vice du consentement pour défaut d’information précontractuelle-. Pour les franchisés, il n’existait aucun savoir-faire spécifique Guy Hoquet Entreprises et Commerces pouvant fonder leurs contrats de franchise - seul existait un savoir-faire Guy Hoquet Immobilier.

La Cour d’appel de Paris, par deux décisions du 12 novembre 2014, après avoir rappelé que le savoir-faire « est défini comme un ensemble finalisé de connaissances pratiques, transmissibles, non immédiatement accessibles, non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur, testées par lui et conférant à celui qui le maîtrise un avantage concurrentiel », constate la validité du savoir-faire Guy Hoquet Entreprises et Commerces.

Pour la juridiction, il existait bel et bien un savoir-faire dès lors que :


- le savoir-faire  des deux réseaux Guy Hoquet était en partie identique ;
- le savoir-faire avait été transmis aux franchisés par la remise de la bible mais également dans le cadre de formations assurées auprès des franchisés ;
- l’absence de site pilote Guy Hoquet Entreprises et Commerces ne démontre pas en soi l’absence de savoir-faire dans la mesure où ce savoir-faire avait été expérimenté et était transmis par les premiers franchisés du réseau.
 

La Cour d’appel valide clairement, par ces deux décisions, la création, par un franchiseur, d’un réseau bis, sous une enseigne différente du premier réseau, mais basé sur un savoir-faire en partie identique au premier.

Elle se fonde à ce titre sur la définition contractuelle qui était faite du savoir-faire Guy Hoquet Entreprises et Commerces et qui se limitait aux compétences acquises en matière immobilière. Pour la Cour d’appel en effet, le réseau Guy Hoquet Entreprises et Commerces ne constituait qu’une « déclinaison, au secteur des fonds de commerce, de l’expérience acquise en matière de transactions immobilières. »

Le savoir-faire n’est donc pas lié à une expérimentation sous une enseigne ou auprès d’ une clientèle spécifique mais résulte de méthodes et de connaissances pratiques résultant de l’expérience générale du franchiseur y compris acquise à l’occasion d’exploitation d’autres enseignes.

On notera l’importance qu’a eue la définition contractuelle du savoir-faire dans la prise de position des juges. Il appartient dès lors au franchiseur de veiller à définir cette notion dans le contrat de franchise afin de réduire les risques d’interprétation des juges quant à son contenu et ses qualités juridiques.

Cette décision, pour importante qu’elle soit pour le développement d’un réseau bis, ne doit pas faire perdre de vue l’intérêt de l’expérimentation in situ du savoir-faire à franchiser.

 

(CA Paris, 12 novembre 2014 RG n° 15/12.178 et 15/12.179)