Le système de réparation sélective des montres de prestige ne constitue pas une pratique anticoncurrentielle
mardi 21 novembre 2017

Le système de réparation sélective des montres de prestige ne constitue pas une pratique anticoncurrentielle

La mise en place d’un réseau de réparation sélective ne constitue pas une pratique anticoncurrentielle dès lors qu’il respecte les conditions prévues pour les réseaux de distribution sélective qualitative.

Par un arrêt en date du 23 octobre 2017, le Tribunal de l’Union européenne s’est prononcé dans le cadre du recours introduit par la Confédération européenne des associations d’horlogers-réparateurs (ci-après « CEAHR ») contre la décision rendue par la Commission européenne le 29 juillet 2014 par laquelle elle a rejeté sa plainte contre les sociétés LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, Rolex et The Swatch Group (ci-après les « fabricants de montres suisses »). 

Les fabricants de montres suisses ont mis en place des systèmes de réparation sélective pour les montres dites de prestige (dont le prix de vente est supérieur à 1000 euros). Cette organisation en réseaux sélectifs permet à des réparateurs indépendants de devenir des réparateurs agréés, à condition de respecter les exigences posées par le fabricant à la tête du réseau. Ces exigences sont relatives à leur formation, expérience, équipement ainsi qu’au caractère approprié de leur local. 

Une fois agréés, les réparateurs ont accès aux pièces détachées et aux outils spécifiques à la marque de la montre, ainsi qu’aux informations techniques nécessaires. Il leur est interdit de revendre les pièces détachées à des réparateurs non agréés. 

Dénonçant le refus d’approvisionnement en pièces détachées aux réparateurs indépendants, la CEAHR a déposé une plainte auprès de la Commission européenne afin de voir condamner les fabricants de montres suisses : 
- Pour entente, sur le fondement de l’article 101 §1 TFUE du fait de la mise en place d’une organisation sélective des services de réparation (1) ; 
- Pour abus de position dominante, sur le fondement de l’article 102 TFUE du fait du refus de fourniture en pièces détachées aux réparateurs non agréés (2). 

1. Appréciation de la licéité du système de réparation sélective par rapport à l’article 101 du TFUE

Le Tribunal de l’Union européenne confirme l’analyse de la Commission européenne selon laquelle un système de réparation sélective échappe à l’application de la réglementation de l’Union européenne sur les ententes dès lors qu’il est objectivement justifié, non discriminatoire et proportionné. 

 Le Tribunal valide ainsi l’application par analogie des règles posées par la réglementation et la jurisprudence européennes en matière de distribution sélective aux systèmes de réparation sélective

Concernant le caractère objectivement justifié du système de réparation sélective, le Tribunal relève que la préservation de la qualité des produits et de leur bon usage ainsi que la prévention de la contrefaçon sont autant d’exigences légitimes qui justifient la mise en place d’un système de réparation sélective. 

Cette position s’inscrit dans la droite lignée de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne selon laquelle le maintien d’un commerce spécialisé capable de fournir des prestations spécifiques pour des produits de haute qualité et technicité est une exigence légitime. 

Il n’en demeure pas moins que pour qu’un réseau de réparation sélective soit conforme à l’article 101§1 du TFUE, il est impératif que le choix des réparateurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif appliqués de façon non discriminatoire et n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire. 

En l’espèce, les critères requis pour accéder au système de réparation sélective concernent la formation, l’expérience, l’équipement et le local des candidats. 

La CEAHR ne conteste pas le caractère objectif de ces critères de sélection.

 
Par ailleurs, le Tribunal relève que le seul fait que l’accès à ces systèmes nécessitent des réparateurs candidats qu’ils réalisent d’importants investissements n’est pas suffisant pour considérer que ces critères sont appliqués de manière discriminatoire. 

Enfin, le fait que les systèmes de réparation sélective comportent des degrés d’exigences et d’investissements, qui varient en fonction des modèles de montres et des types de réparation, de sorte que les différences entre les modèles et les niveaux de services proposés sont prises en compte, atteste de leur caractère proportionné. 

Le Tribunal rejette par ailleurs l’argument de la CEAHR selon lequel il convient de vérifier que ces réseaux de réparation n’ont pas pour effet d’éliminer toute concurrence afin de se prononcer sur leur conformité à l’article 101§1. Il suffit en effet que ces réseaux de réparation sélective remplissent les conditions rappelées ci-dessus. 

En conséquence, le Tribunal considère que les systèmes de réparation sélective mis en place par les fabricants de montres suisses pour les montres de prestige est conforme à l’article 101§1 TFUE. 

2. Appréciation de la licéité du système de réparation sélective par rapport à l’article 102 du TFUE

La Tribunal approuve la Commission européenne d’avoir considéré qu’un refus de fourniture ne pouvait être constitutif d’un abus au sens de l’article 102 TFUE que s’il était de nature à éliminer toute concurrence, la seule absence d’une justification objective ne constituant pas un motif suffisant pour établir un comportement abusif en vertu de l’article 102 TFUE. 

Pour rejeter le grief d’abus de position dominante, le Tribunal et la Commission se sont fondés sur les éléments suivants : 

- la compatibilité du système de réparation sélective avec l’article 101§1, excluant de ce fait l’existence d’une restriction de concurrence ;

- l’existence d’une concurrence entre les réparateurs agréés sur le marché en cause ainsi qu’entre les fabricants de montres suisses dans la mesure où ils sont sélectionnés sur la base de critères qualitatifs ;

- le caractère ouvert des réseaux de réparation sélective aux réparateurs souhaitant les rejoindre. 

Ces considérations démontrent qu’il existe une pression concurrentielle potentielle, permettant au Tribunal et à la Commission de conclure à l’absence de risque d’élimination de toute concurrence effective dans le fonctionnement des systèmes de réparation. 
Le Tribunal a par ailleurs écarté l’argument de la CEAHR selon lequel la diminution du nombre de réparateurs indépendants affiliés à son association nationale serait de nature à démontrer l’élimination de toute concurrence effective. 

En effet, la nécessité de préserver une concurrence non faussée n’implique pas la nécessité de protéger les intérêts directs des concurrents mais la structure du marché, et ce faisant, la concurrence en tant que telle. 

Tribunal de l’UE, 23 octobre 217, affaire T-712/14, CEAHR c/ Commission

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