lundi 12 septembre 2016

Mandat d’intérêt commun : rejet d’une action en requalification en contrat d’agent commercial et indemnité de fin de contrat

Le mandat d’intérêt commun se distingue du contrat d’agent commercial par deux éléments principaux : l’absence de pouvoir de négociation du mandataire d’intérêt commun, et la faculté de prévoir dans le mandat d’intérêt commun une clause excluant toute indemnité de fin de contrat.

Une société a eu recours pendant trois ans aux services d’une entreprise pour assurer la représentation de ses produits, sans qu’aucun contrat ne soit signé. Après trois ans, la société rompt les relations contractuelles, avec un préavis de 3 mois.

Estimant qu’il était lié avec la société par un contrat d’agent commercial, le représentant assigne alors la société en paiement de l’indemnité de fin de contrat de l’agent commercial, prévue à l’article L.134-12 du Code de commerce.

Il faisait notamment valoir qu’il disposait d’un pouvoir de négociation de 5 à 10% sur l’offre de prix établie par la société, et qu’il était en charge du service après-vente et des relances sur les impayés.

Pour sa part, la société contestait l’existence de tout contrat d’agent commercial, et considérait que le contrat était un contrat de courtage en faisant notamment valoir que les offres de prix et les factures étaient émises par ses soins, que les commandes étaient passées directement par les clients auprès de ses services, que le rôle du représentant était limité au stade précontractuel et qu’elle conservait quant à elle le choix final de donner suite ou non à la mise en relation organisée par le représentant.

La Cour constate que l’activité du représentant n’était pas indépendante, mais au contraire encadrée par un ensemble de documents établis par la société, portant par exemple sur la grille de prix, les relances et les modalités de règlement, et que le représentant avait l’obligation d’assister à des réunions organisées par la société destinées à définir les stratégies commerciales ou à améliorer la qualité des services.

La Cour relève également qu’il est démontré que les demandes de devis de la clientèle comme les commandes transitaient certes par le représentant, mais que celui-ci les transférait immédiatement à la société pour leur établissement.

Elle observe par ailleurs que la société établissait les offres de prix, sans qu’il ne soit démontré qu’elles aient été déterminées en fonction d’une négociation menée par le représentant ou qu’elles aient ensuite fait l’objet d’une négociation menée par ce dernier.

La Cour relève enfin que le représentant ne démontre aucun acte concret de démarchage de la clientèle.

Ecartant la qualification de contrat de courtage, au motif que le représentant ne s’est pas limité à mettre les clients et la société en relation, mais intervenait effectivement directement auprès des clients, la Cour écarte également la qualification de contrat d’agent commercial compte tenu de l’absence de pouvoir de négociation des prix du représentant et retient la qualification de mandat d’intérêt commun :

« Il apparaît donc que [le représentant] a effectivement représenté la [société] dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun visant à contribuer à l'essor de [société] par création et développement de la clientèle, sans qu’ [il] ne puisse cependant négocier et conclure de vente au-delà des consignes fixées, avec mission de représenter la [société] des clients dont elle était indiscutablement le correspondant et l'interlocuteur ».

La Cour rappelle ainsi l’un des grandes différences entre l’agent commercial et le mandataire d’intérêt commun, tenant au pouvoir de négociation des prix : le mandataire d’intérêt commun, au contraire de l’agent commercial, ne dispose pas d’une capacité de négocier les prix au nom et pour le compte du mandat.

Rappelant ensuite, conformément à une jurisprudence constante, que le mandant n’est pas libre de révoquer unilatéralement le mandataire, et que dans le cadre d’un mandat d’intérêt commun le mandant doit établir une cause légitime de révocation rendant impossible la poursuite du lien contractuel, la Cour constate que le mandant n’invoquait aucun motif pour justifier de la résiliation.

Elle considère donc que la rupture est imputable au mandant et que ce dernier doit indemniser le mandataire du préjudice subi de ce fait.

Bien que la Cour n’ait pas constaté que le mandant n’avait pas renoncé à son indemnité de fin de contrat, il convient ici de rappeler une seconde grande différence entre le mandat d’intérêt commun et le contrat d’agent commercial : à la différence du statut légal de l’agent commercial, qui rend l’indemnité de fin de contrat impérative sauf faute grave du mandataire, le mandat d’intérêt commun ne relève pas d’un régime d’ordre public, de sorte qu’il peut être parfaitement stipulé dans un tel mandat une clause excluant toute indemnité de fin de contrat au profit du mandataire.

La Cour estime en l’espèce que le préjudice du mandataire doit être évalué en considération d’une part de la perte de chance de réaliser un chiffre de commissions en constante progression depuis 3 ans, d’un montant total de 103.124 euros sur cette période, et en considération d’autre part de l’absence de clause de non concurrence susceptible d’entraver ses difficultés.

Elle fixe en conséquence le montant de l’indemnité du mandataire d’intérêt commun à 20.000 euros.

Cet arrêt rappelle l’importance de bien définir au mandat les droits et obligations du mandataire d’intérêt commun, à peine de requalification en contrat d’agent commercial, et de bien définir les conséquences de la fin du mandat.  

CA Nîmes, 2 juin 2016, n°15/02087

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