lundi 19 juin 2017

Plan de développement et loyauté

Un franchiseur peut-il engager sa responsabilité s’il refuse de renégocier un plan de développement difficile à réaliser ? 

Il s’agit en l’espèce d’un arrêt de la cour de cassation rendu dans le cadre d’une affaire dont nous avions précédemment commenté la décision rendue en appel.

Pour rappel, la société Holder (réseau Paul) conclut avec une société Ginvest un protocole d’accord confiant à celle-ci l’exclusivité de l’ouverture de points de vente en franchise pour trois départements. Ginvest s’est engagé dans ce cadre sur un plan de développement prévoyant l’ouverture de 18 points de vente sur une période de 5 ans. Ginvest ouvre 5 premiers points de vente par l’intermédiaire de deux sociétés franchisées. 

Ces premiers points de vente rencontrant des difficultés, elles sollicitent le franchiseur qui suspend l’exécution du plan de développement et propose une transaction, refusée par la société Ginvest. Le franchiseur met en demeure Ginvest de respecter les termes du plan de développement puis résilie finalement le protocole d’accord, le plan de développement n’étant toujours pas respecté. Les contrats de franchise ayant déjà été conclus ne sont pas renouvelés à leur terme. Il assigne Ginvest et les sociétés franchisées en réparation du préjudice subi.

A titre reconventionnel les sociétés franchisées invoquent un manquement à l’obligation d’information précontractuelle (que nous n’aborderons pas ici). Ginvest et les sociétés franchisées invoquent par ailleurs le fait que la résiliation était abusive du fait d’un manquement à l’obligation de loyauté. C’est ce point que nous aborderons ici.

Alors que la société Holder faisait valoir que le contrat de développement s’impose aux parties, la Cour de cassation considère sur cette question « qu’après avoir relevé que le plan de développement convenu ne pouvait être réalisé qu’avec la collaboration étroite et loyale des parties et que l’ouverture de nouveaux magasins sous franchise restait nécessairement associée à la réussite des exploitations, la société Holder, franchiseur, ayant le pouvoir de vérifier les conditions d’implantation à cette fin et de refuser un projet, s’il ne répondait pas à cet objectif, la cour d’appel, sans obliger la société Holder à renégocier le protocole, a pu retenir que la loyauté imposait de négocier, si le protocole d’accord s’avérait difficilement réalisable, et de proposer des conditions acceptables ». Elle confirme donc sur ce point l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.

Il convient de souligner qu’en l’espèce, le protocole d’accord prévoyait que le franchiseur pouvait valider ou non les emplacements ainsi que l’étude de faisabilité. Le franchiseur avait en l’espèce un rôle d’agrément ainsi que d’assistance dans le cadre du plan de développement. Le protocole d’accord impliquait « une collaboration étroite et loyale des parties ». Il allait donc au-delà de l’obligation générale de loyauté.

Le fait de ne pas renégocier ne peut être fautif en soi, sauf à ce qu’une telle obligation ait été spécifiquement contractualisée. Par contre, au regard des circonstances de l’espèce et du principe de bonne-foi, les tribunaux considèrent que la faute engageant la responsabilité du franchiseur réside dans les « circonstances du refus » (JCPE n°21-22, 25 mai 2017, 1279).

Il est à noter que cet arrêt a été rendu sur la base du Code civil dans sa version antérieure à la réforme du droit des obligations entrée en vigueur en octobre dernier. Or à la suite de celle-ci, l’article 1195 du Code civil dans sa nouvelle rédaction introduit le mécanisme de l’imprévision puisqu’il dispose que « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. »

Dans le cas où les parties échouent à trouver un accord, elles peuvent :

  • Convenir de la résolution du contrat ; ou
  • Demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation ;
  • A défaut d’accord des parties dans un délai raisonnable, l’une des parties peut saisir le juge pour qu’il en révise les conditions ou y mettre fin.

Cet article n’étant toutefois pas considéré comme d’ordre public, les parties prendront soin soit d’en écarter la mise en œuvre dans leurs contrats, soient a minima d’organiser les conditions de renégociation des contrats et les conséquences en cas d’échec de celle-ci.

(Cass. com. 15 mars 2017, n°15-16.406)

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