Combien de signatures pour un contrat de distribution ?
mardi 29 mai 2018

Combien de signatures pour un contrat de distribution ?

La question peut se poser lorsqu’il y a plus de deux parties au contrat. 

Dans les contrats de distribution il peut être fréquent qu’il y ait plus de deux parties au contrat. 

En effet, dès lors que le distributeur est une société, il est usuel que la personne physique qui contrôle, et le plus souvent dirige, la société distributeur, soit également partie au contrat. 

Ces personnes physiques sont alors parties au contrat afin de souscrire personnellement certains engagements (confidentialité, non-concurrence notamment) voire afin de s’engager solidairement avec la société créée au titre du contrat dans son ensemble. C’est en effet le plus souvent en considération de cette personne physique que le contrat a été conclu : son expérience, son profil, ses qualités personnelles ont déterminé le choix de l’enseigne. Ils sont dit alors « intuitu personae ». Il peut parfois arriver que ce soit non pas une seule mais plusieurs personnes physiques qui soient parties au contrat, en cas de contrôle conjoint de la société qui agira comme distributeur.  

Il se pose alors la question pratique des signatures à apposer sur le contrat. Dès lors que cette (ou ces personnes) sont dirigeants de la société de distribution, elles peuvent en effet agir à deux titres : en leur nom personnel et en tant que représentant de la société de distribution. Faut-il alors les faire signer deux fois ?  

Un arrêt de la cour de cassation  apporte une réponse à cette question, même si le contrat concerné n’était pas un contrat de distribution mais contrat d’entretien d’un parcours de golf. Le contrat avait été signé par une personne qui était désignée en tête de celui-ci comme agissant tant en son nom personnel qu’au nom d’une société dont elle était dirigeant. Mais cette personne n’a apposé qu’une signature en fin de contrat en tant que représentant de la société et avec le tampon de celle-ci. La société ayant été mise en liquidation, le cocontractant qui demeurait impayé a assigné la personne physique en paiement des sommes dues, en qualité de codébiteur solidaire. La personne physique arguait que n’ayant pas signé l’acte à titre personnel, il n’avait pas la qualité de cocontractant. 

La Cour de cassation énonce « que la double qualité en laquelle intervient le signataire d’un acte juridique, d’une part à titre personnel et, d’autre part, en qualité de représentant d’un tiers, n’impose pas la nécessité d’une double signature comme condition de validité de cet acte ». Autrement dit, quand bien même il n’avait effectivement signé l’acte qu’en tant que représentant de la société, il était également engagé à titre personnel.  

Cette solution serait transposable en matière de contrat de distribution pour lesquels, n’étant pas des contrats solennels, l’écrit n’est pas une condition de validité.  

Toutefois, suivant les éléments de fait de chaque situation, et compte tenu du fait que le juge doit rechercher l’intention des parties, la solution pourrait être différente. 

Ainsi par exemple, si lors des discussions précédents la signature du contrat la personne physique demandait la suppression de certaines obligations spécifiquement mises à sa charge (ex : non-concurrence) mais que celles-ci figuraient finalement dans le contrat final alors même qu’elle ne signait ce dernier qu’en tant que représentant de la personne morale : il pourrait être considéré qu’elle a finalement refusé de souscrire ces obligations à titre personnel. 

Nous ne pouvons donc, en pratique, que recommander qu’il y ait autant de signatures qu’il y a de parties désignées au contrat, même si une seule et même personne agit tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte d’autres parties. Cela évitera en effet de donner prise à des arguments visant à contester la qualité de contractant de l’une ou l’autre des parties, qu’il s’agisse de signatures physiques ou électroniques. 

D’une manière générale il convient, au-delà de cette question, d’être très vigilant lors des signatures. 

Ainsi notamment sur les pouvoirs des signataires, la question des sociétés en cours de formation et la reprise des engagements par la société une fois constituée. On le voit avec la présente affaire, les cinq minutes de gagnées lors de la signature du contrat ont finalement aboutit à plusieurs années de contentieux. 

Cass. com., 9 mai 2018, n° 16-28.157