De l’importance pour un preneur de prévoir la zone de chalandise dans son bail commercial.
jeudi 3 mai 2018

De l’importance pour un preneur de prévoir la zone de chalandise dans son bail commercial.

Dans un arrêt rendu le 11 avril 2018, la cour d’appel de Paris a rejeté l’argumentation d’un preneur visant à obtenir la nullité d’un bail commercial pour erreur ou tromperie sur la nature de la zone de chalandise sur le fondement des articles 1110 et 1116 du code civil (dans leur version antérieure à la réforme issue l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016).

Un ensemble commercial est vendu en état futur d’achèvement. L’acquéreur consent à un preneur un bail commercial prenant effet le jour de la date de livraison des locaux. Six mois après cette date, le bailleur fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire et saisit le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny qui constate l’acquisition de la clause résolutoire, ordonne l’expulsion, et condamne le preneur à payer au bailleur une provision au titre des arriérés. Les clefs des Locaux sont restituées au bailleur, lequel fait pratiquer des saisies-attributions qui se révèlent infructueuses. 

Dans ce contexte, le preneur assigne le bailleur aux fins d’obtenir la nullité du bail et le remboursement des sommes engagées pour lancer son activité, notamment les frais liés aux emprunts souscrits.

Sur la question du vice du consentement

Le preneur considère que son consentement a été vicié pour erreur sur les qualités substantielles des locaux loués, notamment la fréquentation du quartier liée à l’ouverture d’une base de loisirs, que le bailleur avait présenté comme étant acquise.

Par ailleurs, il soutient que le catalogue de présentation du projet et le plan y figurant ont été déterminant dans son  consentement et estime avoir été trompé dès lors que les Locaux ne donne sur aucune base de loisir et que celle-ci n’a jamais été ouverte.

L’argumentation du preneur est rejetée par la cour d’appel de Paris pour les motifs suivants : 

  • la plaquette de présentation du projet de construction immobilier n’est pas jointe au bail et ne fait donc pas partie du champ contractuel
  • aucune clause du bail ne fait obligation au bailleur d’assurer au locataire un environnement commercial propice à attirer la chalandise,
  • le preneur n’ignorait pas que la construction de la base de loisirs n’était encore qu’en projet à la date de prise d’effet du bail, et avait toute possibilité avant de contracter de se renseigner auprès des services compétents,
  • l’ouverture de la base de loisirs n’avait pas été érigée au nombre des conditions suspensives du bail et n’était pas entrée dans le champ contractuel, en l’absence de la moindre disposition expresse sur ce point.

La Cour considère en outre qu’il ne peut être reproché au bailleur d’avoir trompé son locataire sur la nature de la zone de chalandise présentée ni violé ses engagements visant à délivrer un local commercial entouré exclusivement de commerces.

Elle estime que l’appréciation erronée par le bailleur sur la rentabilité économique d’une opération immobilière, et la mauvaise perception par le preneur de l’économie du contrat ne peuvent caractériser l’existence de manœuvres dolosives.

Sur la question du défaut de délivrance conforme :

Le preneur invoque, à titre subsidiaire, le manquement du bailleur à son obligation de délivrance des locaux loués, en infraction aux dispositions de l’article 1719 du code civil, en raison :

  • (i) d’un raccordement électrique tardif, de sorte que l’activité n’a pu démarrer qu’après la période des fêtes où l’activité est la plus importante,
  • (ii) d’un aménagement (allée pavée) jamais mis en œuvre par le bailleur.

Sur le premier point (i), la cour juge que :

  • la livraison des locaux n’était pas conforme aux termes du bail puisque le raccordement aux fluides d’électricité et de téléphonie alimentant les commerces avaient trois mois de retard,
  • le manquement à l’obligation de délivrance durant trois mois est insuffisamment grave pour entraîner la résiliation du bail, 
  • mais constitue une faute susceptible d’entraîner des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Sur le deuxième point (ii), elle considère que :

  • le descriptif des prestations joint au bail prévoit que la rue piétonne sera aménagée par le bailleur ou la ville, revêtements au sol, éclairage extérieur, plantations,
  • mais qu’un procès-verbal d’huissier a présenté l’allée, propre et bitumée.

Elle a, dans ces conditions, alloué une somme à titre de dommages et intérêts (somme cependant très éloignée de son investissement global).

Afin de prévenir les mésaventures auxquelles le preneur de l’espèce commentée a été exposé, nous invitons les utilisateurs de surfaces commerciales à la plus grande prudence lors de la conclusion de leur bail commercial.

Une étude sérieuse de la zone de chalandise et l’établissement de clauses spécifiques, faisant entrer ladite zone dans le champ contractuel du bail commercial, auraient certainement permis de protéger le preneur, éviter l’état d’insolvabilité, et agir avec davantage d’efficacité à l’égard du bailleur.

Notre cabinet se tient naturellement à la disposition des preneurs pour les accompagner au mieux de leurs intérêts dans la négociation et la conclusion de leurs baux.

Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 11 avril 2018, n° 16/16963 

Nos solutions

Le cabinet assiste les enseignes preneuses dans l’ensemble des contentieux liés à l’exécution ou à l’inexécution des baux commerciaux.


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