La Cour de cassation enfonce le clou de l’exigibilité des loyers Covid
lundi 13 février 2023

La Cour de cassation enfonce le clou de l’exigibilité des loyers Covid

Les loyers relatifs à la période du Covid sont dus par la société locataire, exploitante d’une résidence de tourisme 


Une société est titulaire de trois baux commerciaux dans une résidence de tourisme.

En raison de mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid 19, elle cesse l’exercice de son activité du 14 mars au 2 juin 2020 et informe les bailleurs de sa décision d’interrompre le paiement du loyer et des charges pendant cette période.

Les bailleurs assignent la société locataire en paiement de provisions correspondant à l’arriéré locatif.

La Cour d’appel de Chambéry, statuant en référé, condamne la société locataire à payer à chacun des bailleurs une provision correspondant à l’arriéré locatif.

Concernant l’exception d’inexécution invoquée par la locataire, elle considère qu’aucune perte des lieux loués n’est survenue à compter de l’interdiction gouvernementale, seuls les exploitants s’étant vu interdire de recevoir leurs clients dans les locaux pour des raisons étrangères à ceux-ci. Elle en déduit que l’obligation au paiement des loyers n’est pas sérieusement contestable.

Concernant la perte partielle de la chose louée invoquée par la locataire, elle juge que les locaux ne sont pas en cause. C’est la nature de la destination (résidence de tourisme) qui serait à l’origine de la privation. 

Concernant la clause du bail commercial invoqué par la locataire :
« Dans le cas où l’indisponibilité du bien loué résulterait :
- soit du fait ou d’une faute du bailleur,
- soit de l’apparition de désordres de nature décennale soit de la survenance de circonstances exceptionnellement graves ( telles qu’incendie de l’immeuble , etc.) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale après la date de livraison, le versement du loyer défini ci-avant sera suspendu , ledit loyer ne redevenant exigible qu’à l’issue du mois suivant la fin du trouble de jouissance mais serait couvert soit par le garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l’immeuble dans le contrat multirisques immeuble soit par la garantie perte d’exploitation souscrite par le preneur »

Elle relève que cette clause ne vise que des manquements personnels du bailleur ou des circonstances affectant le bien. Par ailleurs, elle observe que cette clause conditionne la suspension du paiement des loyers à leur couverture par les assureurs.

La société locataire se pourvoit en cassation en prétendant :
- que la Cour d’appel a violé les articles 835 du Code de procédure civile et 1722 du Code civil, 
- qu’elle a tranché une contestation sérieuse.

La Haute Juridiction rejette le pourvoi formé par la société locataire considérant que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Elle considère que l’effet de la mesure gouvernementale d’interdiction de recevoir du public, générale et temporaire serait sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué.

Elle ne peut être, d’une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu’il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d’autre part, assimilée à la perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du Code civil et de se référer ainsi à l’arrêt du 30 juin 2022 pourvoi n°21-20.127.

Sur la perte de la chose louée, la haute juridiction précise que les mesures d’interdiction d’exploitation qui ne sont ni du fait ni de la faute du bailleur ne constituent pas une circonstance affectant le bien emportant perte de la chose louée.

Enfin, sans interpréter le contrat, la haute juridiction constate, que la clause de suspension du loyer stipulée au bail, ne pouvait recevoir application que dans le cas où le bien était indisponible par le fait ou la faute du bailleur, ou en raison d’un désordre ou d’une circonstance exceptionnelle affectant le bien loué et que la condition de suspension, clairement exigée, de couverture des loyers par les assureurs, n’est pas remplie.

Observations :

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation (cf. arrêts rendus le 30 juin 2022, pourvois n°21-20.127 – n°21-20.190 – 21-19.889).
Nous l’avons d’ores et déjà dit et écrit.

L’appréciation de la Cour de cassation selon laquelle l’interdiction de recevoir du public serait « sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué » est contestable.
La réception du public, objet de l’interdiction, est par nature incluse dans la destination contractuelle !

La Cour de cassation, contrairement à l’Exécutif, a choisi de faire prévaloir les intérêts des bailleurs.

Elle a habillé juridiquement une décision politique.

Il serait souhaitable qu’elle admette l’imprévision (article 1195 du code civil) et rende une solution intermédiaire.

Arrêt rendu le 23 novembre 2022 par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation pourvoi n°21-21.867

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