Le déréférencement d’un fournisseur par la tête de réseau n’est pas sans risques
mardi 18 octobre 2022

Le déréférencement d’un fournisseur par la tête de réseau n’est pas sans risques

Une tête de réseaux qui impose à ses distributeurs de rompre brutalement leurs relations avec un fournisseur engage sa responsabilité. (Cass. Com., 22 juin 2022, n°21-14.230)

L’article L.442-I II) du Code de commerce (anciennement L. 442-6, I, 5°) dispose qu’ : « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, (…) ».

La notion de relation commerciale semble viser les relations existantes entre deux personnes, physique ou morales, telles un fournisseur et un distributeur. 

Or, dans les réseaux de commerce organisés, il peut exister des relations tripartites, dans le cadre d’opérations de référencement. La tête de réseau référence un fournisseur, auprès duquel les membres de son réseau vont s’approvisionner. Dans une telle hypothèse, la relation commerciale semble établie entre le fournisseur, et les distributeurs, qui passent commandes directement auprès du fournisseur, sont livrés par lui et qu’ils paient directement. Dans ce cas, la responsabilité de la tête de réseau peut-elle être recherchée en cas de rupture brutale des relations commerciales établies ?

C’est cette question que la Cour de cassation a eu à trancher. En l’espèce, 43 magasins exploités par 36 sociétés, filiales, franchisés ou concessionnaires de Leader Price Exploitation, s’approvisionnaient en fruits et légumes auprès d’un même fournisseur. Le fournisseur, estimant que Leader Price Exploitation avait rompu brutalement la relation commerciale, a assigné cette dernière pour obtenir réparation de son préjudice.

Leader Price Exploitation faisait valoir que le fournisseur avait toujours facturé les magasins, lesquels étaient exploités par des sociétés disposant d’une personnalité juridique distincte de la sienne et qu’en conséquence, il ne saurait être responsable de cette rupture. On sait en effet qu’un groupe de sociétés ayant des liens capitalistiques n’est pas doté d’une personnalité juridique propre. Il en est de même des regroupement de sociétés résultant de liens de distribution. Ce faisant, Leader Price Exploitation considérait qu’il y avait autant de relations commerciales que de sociétés exploitantes. La Cour de cassation avait elle-même rappelé qu’ « un groupe de sociétés, dépourvu de la personnalité morale, qui ne peut s’engager par contrat, ne peut constituer un partenaire commercial au sens de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce » (Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 octobre 2019, 18-10.806).

La Cour d’appel avait fait droit à la position de Leader Price Exploitation. 

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel, considérant  qu’en « se déterminant ainsi, alors que la circonstance que les établissements en cause aient une personnalité juridique distincte de la société LPE n’excluait pas que celle-ci doive répondre d’une rupture des relations commerciales qu’elle leur aurait, de fait imposée, de sorte qu’il lui appartenait de rechercher (…) si ces sociétés disposaient, quel que soit leur statut, d’une autonomie de décision quant au choix de leurs fournisseurs et, le cas échéant, la poursuite de leur relation commerciale avec ceux-ci, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale ». 

Cette décision est conforme à de précédentes décisions de la Cour de cassation. L’absence d’autonomie des distributeurs fait qu’en réalité il existait une relation commerciale unique, dont la tête de réseau décidait seule de l’ouverture, de la poursuite ou de l’arrêt. Le référencement de fournisseurs, s’il peut présenter des avantages, n’exonère donc pas la tête de réseau de toute responsabilité, surtout lorsqu’il s’agit d’imposer ces fournisseurs aux membres du réseau. 

Cass. Com., 5 juillet 2016, n° 14-27.030

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