Les pratiques commerciales trompeuses par action
lundi 5 septembre 2022

Les pratiques commerciales trompeuses par action

Autrefois sanctionnée sous le joug de la notion de « publicité trompeuse », la loi du 3 janvier 20081 transposant la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales est venue enrichir et développer cette notion sous la nouvelle dénomination des « pratiques commerciales trompeuses »

Cette évolution législative n’abandonne pas le droit antérieur et pérennise même les solutions jurisprudentielles antérieures à cette loi (Cass. Crim. 24 mars 2009. N°08-86.530).  

L’article L. 121-1 du Code de la Consommation prohibe désormais les pratiques commerciales déloyales. Une pratique commerciale est qualifiée de déloyale lorsqu’elle est « contraire aux exigences de la diligence professionnelle », dans les conditions prévues par les textes et qu’en conséquence, « elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur ». 


L’article susvisé interdit deux formes de pratiques commerciales déloyales à savoir les pratiques qui sont trompeuses2  et celles qui sont agressives3.

Concernant plus spécifiquement les pratiques commerciales trompeuses, celle-ci peuvent être de trois ordre ; trompeuse par action,  trompeuse par omission ou réputée trompeuse en toutes circonstances


La pratique commerciale trompeuse, et notamment celle par action, fait l’objet de contrôle et peut conduire à des sanctions civiles et/ou pénales. Dans ces conditions, nous vous présentons la définition des pratiques commerciales trompeuses par action (I) avant d’en préciser leur champ d’application (II) puis ses sanctions (III). 

I. QUALIFICATION DES PRATIQUES COMMERCIALES TROMPEUSES PAR ACTION 

Pour être qualifiée de trompeuse par action, la pratique commerciale doit réunir deux conditions cumulatives à savoir qu’elle doit être considéré comme trompeuse sens de la loi (A) et altérer ou être susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur (B). 

A. La pratique commerciale doit être prévue par l’article L. 121-2 du Code de la Consommation. 

L’article L. 121-2 du Code de la Consommation vise quatre cas dans lesquels la pratique commerciale est qualifiée de trompeuse par action : 

« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l'apposition des mentions “ fabriqué en France ” ou “ origine France ” ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l'Union sur l'origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;
c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix notamment les réductions de prix au sens du I de l'article L. 112-1-1, les comparaisons de prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;
d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ;
e) La portée des engagements de l'annonceur, notamment en matière environnementale, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ;
f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;
g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;

3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement identifiable ;

4° Lorsqu'un bien est présenté comme étant identique à un bien commercialisé dans un ou plusieurs autres Etats membres alors qu'il a une composition ou des caractéristiques différentes ».

La pratique commerciale incriminée devra donc être appréhendée à l’aune de cette liste limitative4  offerte par l’article L. 121-2 pour laquelle la jurisprudence offre de nombreux exemples. 

Par exemple, le fait pour un hôtel d’utiliser la localisation du « Marais » dans le nom commercial de son hôtel ainsi que dans son nom de domaine alors que l’hôtel ne se trouve pas dans cet arrondissement mais en dehors du quartier du Marais a été jugé comme étant une fausse indication de nature à induire en erreur le consommateur sur la localisation de l’hôtel. En effet, la Cour d’Appel a ainsi relevé à cet égard que la localisation de l'hôtel est une caractéristique déterminante pour les touristes qui souhaitent séjourner dans un quartier en particulier et que cette fausse information altère leur décision au cours de leur réservation (CA. Paris 11 juin 2014 / n° 13/20700). 


B. La pratique commerciale doit vicier ou être susceptible de vicier le comportement économique du consommateur. 

La seconde condition pour que la pratique commerciale soit qualifiée de trompeuse par action est que celle-ci ait altéré ou qu’elle soit susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur et ce, de manière substantielle. 

D’une part, la référence au comportement attendu du consommateur est étudiée à l’aune du « consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé à l’égard d’un bien ou d’un service » (L. 121-2 du Code de la Consommation). C’est donc l’analyse du comportement du consommateur moyen qui servira de référence mais dont cette détermination factuelle relèvera pleinement du pouvoir souverain des juges du fond. 

Par principe, les juges restent indifférents aux connaissances personnelles ou aux aptitudes particulières du consommateur afin de maintenir la référence à la notion de consommateur moyen (Cass. Crim. 11 juillet 2017. n°16-84.902). Cependant, les juges écartent loisiblement la qualification de pratique commerciale trompeuse par action lorsqu’ils estiment que le bon sens du consommateur permettait valablement d’apprécier la vraisemblance des éléments de la pratique commerciale. C’est notamment le cas des publicités fantaisistes, démesurées, parodiques ou humoristiques qui ne sont logiquement exclues de la qualification de pratiques commerciales trompeuses par action (Cass. Crim. 21  mai 1984. Bull. Crim. n°185). 

Par exception, l’article prévoit expressément une appréciation différenciée pour « une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité ». Dans ce cas, l’analyse de l’altération du comportement ne sera pas étudiée au regard du consommateur moyen mais au regard de la capacité de discernement spécifique de ce groupe, à l’instar d’une publicité diffusée à un groupe d’enfants où seul le comportement attendu de ces derniers sera pris en compte.  

D’autre part, il devra être prouvé que le comportement du consommateur a été altéré ou pouvait être altéré de manière substantielle. La directive définit cette situation comme l’action « compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l'amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ». Selon la définition apportée par la directive, la décision commerciale concerne la « décision [qui] peut amener le consommateur, soit à agir, soit à s'abstenir d'agir » ce qui recouvre donc un périmètre bien plus large que la simple conclusion du contrat puisque ladite directive vise notamment « l'opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d'acheter, de faire un paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d'un produit ou d'exercer un droit contractuel en rapport avec le produit ». 


II. CHAMP D’APPLICATION DES PRATIQUES COMMERCIALES TROMPEUSES PAR ACTION

A. La pratique commerciale doit avoir été initiée par un professionnel. 

La directive de 2005 vise exclusivement les pratiques initiées par les professionnels qui se définissent comme « toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques commerciales […], agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, et toute personne agissant au nom ou pour le compte d'un professionnel » et qu’elle soit une entité privée ou publique5

Le support sur lequel est exercé la pratique commerciale trompeuse par action est indifférent puisqu’elle peut être sur un catalogue (Cass. Crim. 8 décembre 1987, no 85-92.404), sur un emballage (Cass. Com. 27 octobre 1992, no 89-21.064) ou encore sur l’affichage des prix (Cass. Crim. 28 novembre 1991. no 90-86.624).

La pratique commerciale trompeuse par action est indifférente de la bonne ou mauvaise foi du professionnel qui l’exerce. 

De plus, cette infraction à la loi est instantanée de telle sorte que le professionnel peut être condamné par la simple réalisation de la pratique, même qu’une seule fois, et même si elle a été supprimée ou corrigée par une communication postérieure rétablissant la vérité (Cass. Crim. 30 mai 1989, no 88-82.364). 
Enfin, pour que la pratique soit punissable sur le plan pénal, il faudra qualifier l’élément moral c’est-à-dire l’élément intentionnel de l’infraction, constitué par l’intention coupable du professionnel par la déloyauté de la pratique exercée, en plus de l’élément matériel (la tromperie réunie par les deux conditions cumulatives A. et B.). 

B. La pratique commerciale doit être dirigée contre un consommateur situé en France. 

La pratique commerciale trompeuse par action doit être dirigée contre un consommateur qui se qualifie comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole6 » .

Pour être sanctionné, la pratique doit être effectuée ou produire ses effets en France, quel que soit le lieu de localisation du professionnel. Cela renforce donc la protection des consommateurs français et ce notamment contre les professionnels émettant des annonces déloyales depuis l’étranger à destination de la France7.


C. L’absence de nécessité de la conclusion d’un contrat à titre onéreux ou gratuit. 

La pratique commerciale trompeuse par action peut être sanctionnée que celle-ci soit exercée antérieurement, en cours ou postérieurement à la conclusion d’un contrat (article 3.1° de la directive de 2005). 

En effet, et selon L. 121-2 du Code de la Consommation, la pratique commerciale peut être trompeuse tant sur « la disponibilité » du produit, que sur les « conditions de paiement » ou encore sur le « service après-vente ». 

De plus, et en considération des éléments ci-dessus, la qualification de la pratique commerciale trompeuse par action est indifférente du caractère onéreux ou gratuit de l’opération commerciale envisagée. 

III. SANCTION DES PRATIQUES COMMERCIALES TROMPEUSES PAR ACTIONS

Les pratiques commerciales trompeuses par actions sont sanctionnées par une amende de 300.000 euros pour les personnes physiques et 1.500.000 euros pour les personnes morales, pouvant être augmentée à proportion des avantages éventuellement tirés du délit, outre l’indemnisation dues au(x) victime(s) de la pratique. 

Au surplus de cette amende, une peine de deux ans d’emprisonnement peut être prononcée et qui pourra être portée à trois ans si les faits incriminés ont permis la conclusion d’un ou plusieurs contrats  consécutivement à la réalisation de la pratique commerciale trompeuse

Les contrevenants s’exposent également à des sanctions complémentaires telles que des sanctions personnelles (interdiction de gérer, interdiction d’exercer certaines fonctions…), des sanctions pour la personne morale (dissolution, placement sous surveillance…) ainsi que la publication de la condamnation. 
En tout état de cause, la cessation de la pratique commerciale trompeuse par action peut être ordonnée et ce, même sous astreinte. 

1 Loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs
2 Articles L. 121-2 à L. 121-5 du Code de la Consommation
3 Articles L. 121-6 à L. 121-7 du Code de la Consommation
4 Cass. Crim. 26 mars 1984. n°83-91.237
5 Article liminaire du Code de la Consommation / Article 2 de la directive 2005/29/CE du 11 mai 205 / CJUE. 3 octobre 2013. Aff. 59/12 : RJDA 2/14 n°178)
6 Article liminaire du Code de la Consommation
7 Article L. 132-1 du Code de la Consommation

Guillaume Gouachon
Avocat Associé

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