L’absence de pouvoir du juge de réduire la clause de non-ré-affiliation illicite : une décision fondée mais discutable
mercredi 11 décembre 2024

L’absence de pouvoir du juge de réduire la clause de non-ré-affiliation illicite : une décision fondée mais discutable

Le juge n’a pas le pouvoir de réduire la portée d’une clause de non-ré affiliation disproportionnée : telle est la décision de la Cour de cassation affirmée dans un arrêt du 26 juin 2024.  

En l’occurrence, un franchiseur poursuivait un ancien franchisé pour avoir violé la clause de non-affiliation post-contractuelle figurant au sein de son contrat de franchise conclu en 2012 et terminé en 2017.  

A l’expiration du contrat, ce dernier a rejoint un réseau concurrent en violation de la clause de non-affiliation, laquelle était applicable pendant une durée d’une année après la fin du contrat et sur le département des Alpes Maritimes.  

Ici, le débat ne porte pas sur l’application des dispositions de la loi Macron du 6 août 2015, dans la mesure où le contrat a été conclu antérieurement, mais sur le pouvoir du juge de réduire la clause de non-affiliation post-contractuelle qui serait disproportionnée.  

En effet, la société franchiseur sollicitait le juge pour qu’il réduise la portée de la clause à ce qui était légalement admissible dans l’hypothèse où son périmètre serait jugé disproportionné.  

Cette demande fait écho à de précédentes mais rares décisions, aux termes desquelles la Cour de cassation comme la Cour d’appel de Paris avaient semblé laissé la porte ouverte à une telle demande.  

Dans un arrêt de 2002, en présence d’une clause de non-concurrence manifestement disproportionnée (qui visait notamment le territoire de la Communauté européenne), le franchiseur faisait grief à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si la clause n’était pas violée si celle-ci était appréhendée dans les limites de sa licéité. La Cour de cassation rejetait le pourvoi formé par le franchiseur en considérant que la Cour d’appel « n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée »1. De même, en 2017, la Cour d’appel de Paris retenait au sujet d’une clause de non-concurrence non délimitée que « cette clause, qu’il n’y a pas lieu d’aménager compte tenu des termes trop généraux qu’elle renferme, n’est pas opposable aux intimées »2. Ou encore en 2020, la Cour de cassation retenait qu'il n'entrait pas dans ses pouvoirs de se prononcer sur la réduction de la clause, à défaut pour les parties d'avoir conclu sur la réfaction de la clause dans l'hypothèse où elle serait jugée excessive3. 

Fallait-il en déduire qu’en présence de termes précis et d’une demande expresse du franchiseur, le juge aurait pu procéder à un aménagement ?  

La Cour de cassation y répond aujourd’hui clairement par la négative : « Le juge qui constate l'illicéité d'une clause de non-ré affiliation post-contractuelle n'a pas le pouvoir d'en faire application, fût-ce en, en réduisant la portée. » 

Cette décision parait pleinement justifiée à deux titres. 

Tout d’abord, admettre une réduction de la clause dont le périmètre serait manifestement excessif conduirait les franchiseurs à imposer des clauses particulièrement étendues et dissuasives, considérant qu’il serait toujours temps de plaider sa réduction une fois celles-ci contestées en justice.  

Mais également, parce que la clause de non-concurrence disproportionnée et donc illicite, qu’elle soit nulle ou réputée non écrite, sera considérée que n’ayant pas existé. Or, on ne peut réduire l’inexistant. 

Néanmoins, une nuance importante doit être apportée cette analyse, dans la mesure où cette décision a été rendue quelques semaines après le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation du 5 juin 2024.  

En effet, si cette décision se justifie pleinement en fait et en droit à l’égard d’une clause manifestement illicite en droit, refuser le pouvoir de réfaction au juge est contestable lorsque l’illicéité de la clause résulte d’une interprétation jurisprudentielle et non du texte lui-même.  

En effet, si la Cour de cassation a décidé d’appliquer les critères de validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle, posés par l’article L 341- 2 du code de commerce, aux activités de services, cet article prévoit expressément qu’il ne s’applique qu’aux « commerces de détail ». Or, même si aucune définition juridique du « commerce de détail » n’existe, il n’en demeure pas moins qu’une activité de services n’est pas un commerce de détail.  

C’est donc par l’effet de l’interprétation jurisprudentielle et non par l’effet de la loi que la clause de non-concurrence post contractuelle, visant un territoire disproportionné, dans un contrat de franchise portant sur une activité de services, sera jugée illicite. Aussi, dans ces circonstances particulières, la solution pourrait – ou devrait – être différente.

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