9 La protection juridique du concept

       

Le concept commercial du franchiseur est un élément clé de l’identification du réseau de distribution par la clientèle. La préservation de sa spécificité constitue donc un enjeu stratégique : il appartient au franchiseur d’œuvre pour que son protéger son concept afin que celui-ci ne soit pas banalisé.

La difficulté provient du fait qu’un concept commercial n’est pas protégeable en tant que tel, dans sa globalité, au titre de la propriété industrielle ou de la propriété intellectuelle.

En revanche, les éléments identitaires qui caractérisent le concept commercial peuvent faire l’objet, individuellement d’une protection au titre de la propriété industrielle ou de la propriété intellectuelle.

Ainsi, par exemple :

    • l’enseigne peut être protégée à titre de marque, tout comme les logos ou représentations graphiques associés à la marque ;
    • le mobilier peut faire l’objet d’une protection au titre des dessins et modèles ;
    • le droit d’auteur s’appliquera au concept architectural d’agencement des points de vente, aux photographies, aux contenus exprimant le savoir-faire du franchiseur, aux logiciels, et plus globalement à toutes œuvres de l’esprit dès lors qu’elles sont originales.

Il convient donc de définir d’abord les marqueurs de l’identité du concept (i), puis pour chacun d’eux, de vérifier par quelle technique de la propriété industrielle ou intellectuelle ils peuvent être protégés (ii). Il convient enfin de compléter cette protection par des stipulations contractuelles applicables aux franchisés (iii).    


i. Identification des différents éléments de l’identité du concept et des titulaires des droits attachés à ces éléments
 

Il convient tout d’abord d’identifier les principales composantes du concept commercial (signes distinctifs : enseigne, logo, slogan, charte graphique, etc ; supports de communication, utilisés dans le cadre de la promotion du franchiseur et du réseau de franchise, ainsi que le site internet du franchiseur le cas échéant ; spécificités d’agencement des points de vente du réseau de franchise : caractéristiques architecturales des points de vente, définition des meubles spécifiques au réseau, lesquels peuvent être conçus spécifiquement par ou pour le réseau de franchise, les agencements spécifiques ; le(s) logiciel(s) créé(s) spécialement pour le réseau de franchise ; les bases de données ;l’ensemble des documents formalisant son concept commercial, notamment la charte graphique et la charte architecturale du réseau).

Il convient ensuite d’identifier les personnes physiques ou morales créatrices des différents éléments constituant le concept commercial du franchiseur (associés fondateurs du concept, salariés du franchiseur, prestataires extérieurs etc…).

Il convient enfin d’identifier l’existence de droits sur l’ensemble des éléments du concept commercial, notamment s’agissant des droits d’auteur ou encore de droits de propriété industrielle (marque, dessins et modèles) ainsi que les titulaires de ces droit. Pour cela, il faudra se faire communiquer l’ensemble des documents relatifs à la création de chaque élément du concept commercial, et vérifier ensuite, pour chaque élément, s’il est éligible à une protection au titre d’une marque, d’un dessin et modèle, d’un brevet, d’un droit d’auteur ou encore d’un droit voisin, tel le droit du producteur de base de données


ii. Protection des droits du franchiseur sur le fondement du droit de la propriété intellectuelle et industrielle


Dans l’hypothèse où le franchiseur est titulaire des droits existants sur un ou plusieurs éléments du concept commercial, aucune action n’est requise (sous réserve de la pré constitution de la preuve de droits d’auteur, cf. infra).

Ce n’est que lorsque le franchiseur ne dispose pas de droits sur les éléments de son concept commercial, ou bien que ceux-ci ne font l’objet d’aucune protection, qu’il convient d’organiser l’acquisition des droits par le franchiseur, et la protection de droits.
   

a) Acquisition par le franchiseur de droits détenus par des tiers

     

Dès lors que les droits sur les éléments du concept commercial sont détenus par un tiers, le franchiseur doit soit acquérir des droits de propriété soit se faire consentir un droit de jouissance.

La préservation du caractère distinctif du concept commande que ce droit de jouissance soit assorti d’une exclusivité. La cession est généralement préférable pour assurer la sécurité du monopole d’exploitation dont jouit le titulaire des droits de propriété industrielle / intellectuelle.

Le franchiseur pourrait par exemple se faire céder la marque sous laquelle est exploitée son enseigne ou les droits d’auteurs sur les éléments clés de son concept (logo, slogan, site internet, charte graphique, architecturale, logiciel, etc).

En matière de marque, la publication des cessions / licence de marque aux registres tenus par l’INPI est indispensable pour assurer l’opposabilité aux tiers des droits de propriété industrielle que le franchiseur a acquis.

Attention : Il peut arriver que certains éléments du concept commercial du franchiseur aient été créés spécifiquement par des salariés du franchiseur. Dans ce cas, le titulaire des droits d’auteur n’est pas le franchiseur, employeur, mais le salarié, quand bien même ce dernier est subordonné au franchiseur dans le cadre d’un contrat de travail, sous réserve le cas échéant que l’intervention du salarié ne relève pas d’une œuvre collective, réalisée sous la direction de l’employeur.

La cession des globale des œuvres futures étant prohibée, une simple mention dans le contrat de travail du salarié ne pourra suffire à emporter cession des droits d’auteur dont le salarié serait titulaire sur les éléments qu’il aura créé dans le cadre de son contrat de travail. Un contrat spécifique devra être signé entre le franchiseur et son salarié pour chaque élément. Cette précision ne concerne toutefois pas le cas des logiciels pour lesquels, sauf stipulations conventionnelles contraires, les droits d’auteur appartiennent à l’employeur.
  

b) Protection par le franchiseur de droits non détenus par des tiers
     


Le franchiseur pourra utiliser divers outils du droit de la propriété intellectuelle et industrielle pour protéger des droits qui ne sont pas détenus par des tiers, sous réserve que les éléments concernés soient éligibles à la protection sollicitée.

Le droit des marques pourra par exemple être utilisé pour assurer la protection de l’enseigne, du nom des produits, des représentations graphiques de la marque ou du concept architectural.

Le franchiseur pourra également protéger sur le fondement du droit des dessins et modèles les dessins ou figures graphiques, intégrés sur des supports de communication définis (cartes, flyers, pancartes, prospectus, cartes de fidélité, droits d’auteur éligibles à une protection, présentation des menus dans une enseigne de restauration etc….).

Enfin, le franchiseur pourra recourir au droit d’auteur pour assurer la protection de la charte graphique et la charte architecturale du franchiseur, des logos, des slogans mais également du manuel du savoir-faire, de certains documents commerciaux, ou encore des documents contractuels du franchiseur. Le champ d’application du droit d’auteur est donc large et de nombreux éléments du concept commercial du franchiseur sont éligibles à cette protection, sous condition d’originalité.

Notons sur ce point que, contrairement au droit des marques et au droit des dessins et modèles, aucune démarche spécifique n’est nécessaire pour bénéficier de la protection du droit d’auteur dès lors que « L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. » (CPI, art. L. 111-1).

Il convient toutefois, pour celui qui entend se prévaloir de droits d’auteur sur une œuvre, de pouvoir faire la preuve de la création de l’œuvre et de la date d’acquisition des droits sur celle-ci : l’originalité de l’œuvre doit être prouvée.



iii. Protection des droits du franchiseur dans le cadre du contrat de franchise


Il convient enfin d’organiser la protection du franchiseur dans le cadre du contrat de franchise contre les atteintes portées à ses droits de propriété intellectuelle et industrielle par les par les franchisés et anciens franchisés par le contrat de franchise.

Il conviendra notamment:
    • de définir contractuellement le concept afin qu’il puisse être opposé au franchisé, de même que les principaux marqueurs de l’identité du concept ;
    • de définir contractuellement les droits de propriété industrielle / intellectuelle du franchiseur, et de prévoir une obligation pour le franchisé de les respecter ;
    • d’encadrer strictement l’usage de la marque (usage à titre d’enseigne, cadre strict de l’exploitation du point de vente, centralisation des actions en contrefaçons dans les mains du franchiseur, clauses régissant l’usage de la marque sur le réseau internet, etc.) ;
    • de préciser de manière limitative l’usage des éléments du concept (condition d’usage de la charte graphique et de tous éléments d’identité visuelle, mise en œuvre de la charte architecturale, contrôles par le franchiseur).
Il conviendra par ailleurs de prévoir les clauses suivantes, qui produiront leurs effets après la cessation des effets du contrat de franchise :
    • une clause générale qui prescrira au franchisé de cesser l’utilisation du concept commercial ;
    • une clause d’application qui détaillera les éléments du concept marqueurs de son identité devant être modifiés ou supprimés pour prévenir l’assimilation du point de vente de l’ancien franchisé avec le concept du franchiseur ;
    • une clause d’application qui détaillera les éléments non visuels de l’offre du franchiseur qui sont également des éléments d’identification de son offre (ex. : un produit spécifique, une méthode spécifique) que l’ancien franchisé s’interdira d’utiliser par la suite ;
    • une clause sur la détermination du préjudice en cas de violation de ces obligations post-contractuelles ;

Ces différentes clauses pourront être assorties d’astreinte pour en renforcer l’efficacité, et pourront être complétées par une clause de non-concurrence et une clause de confidentialité.

En l’absence de stipulations contractuelles, le franchiseur, en cas d’utilisation illicite de ses droits de propriété intellectuelle et industrielle par ses franchisés et / ou anciens franchisés, devra agir sur le fondement :

    • de ses droits de propriété intellectuelle et industrielle, au risque de voir la validité de ses droits être contestée par le franchisé, et / ou
    • sur le fondement délictuel (concurrence déloyale et parasitisme), ce qui nécessite la preuve d’un risque de confusion entre les signes utilisés, d’un préjudice et enfin d’un lien de causalité, lesquels peuvent être difficiles à démontrer en pratique.

La stipulation de clauses contractuelles permet au contraire d’assurer une meilleure protection des droits du franchiseur :

    • le juge devra simplement constater la poursuite de l’usage des signes distinctifs visés dans la clause contractuelle pour condamner un ancien franchisé, alors que la pratique pourrait ne pas être fautive sur le terrain de la responsabilité délictuelle (ex : obligation de repeindre un centre de lavage au terme du contrat dans d’autres couleurs que le bleu et le blanc, caractéristiques du concept du franchiseur – CA Colmar, 03 juin 2015, n°14/03031) ;

    • le juge fera application de la clause contractuelle sur le préjudice ;