Clause compromissoire : attention à la renonciation
Un exploitant de Carrefour proximité avait signé le même jour un contrat de franchise, d’approvisionnement et de location-gérance. Seuls les deux premiers contrats comportent une clause d’arbitrage. Quel tribunal est compétent en cas de litige ?
Le litige objet de cet arrêt implique un ensemble de contrats relatifs à l’exploitation d’un supermarché. La société Distri-Gorents, exploitante, avait conclu un contrat de location-gérance d’un fonds de commerce avec Carrefour Proximité France (CPF). Elle avait conclu le même jour, toujours avec CPF, un contrat de franchise. Elle avait par ailleurs conclu, toujours le même jour, un contrat d’approvisionnement prioritaire avec la société CSF France, pour l’approvisionnement en marchandises.
Les contrats d’approvisionnement et de franchise comportaient une clause compromissoire, prévoyant le recours à l’arbitrage, que ne comportait pas le contrat de location-gérance.
A la suite de difficultés, la société CPF notifiait à la société Distri-Gorents la résiliation du contrat de location-gérance. Puis, les sociétés CPF et CSF assignaient Distri-Gorents en paiement de redevances de franchise et de location-gérance, ainsi que de marchandises. Les assignations de CPF et CSF étaient introduites devant le tribunal de commerce de Saint-Quentin et non pas devant un tribunal arbitral comme le prévoyait les contrats de franchise et d’approvisionnement. Distri-Gorents ne soulevait pas l’incompétence du tribunal.
Distri-Gorents saisissait quant à elle, quelques jours plus tard, le même tribunal de commerce aux fins de voir annuler le contrat de location-gérance pour dol et réclamait à la société CPF l’indemnisation du préjudice qu’elle estimait avoir subi.
CPF constestait la compétence du tribunal de commerce, invoquant la clause d’arbitrage figurant dans les contrats de franchise et d’approvisionnement et prétendant que la résolution du litige relatif au contrat de location-gérance aurait également du être soumise à un tribunal arbitral. Elle faisait valoir que même si le contrat de location-gérance ne comportait pas de clause compromissoire explicite il faisait partie d’un ensemble contractuel rendant nécessaire le recours à l’arbitrage pour ce litige également. Les deux instances ont alors été jointes.
La Cour de cassation rejette le pourvoi introduit par CPF et CSF. Elle considère en effet que malgré les clauses d’arbitrage dans les contrats de franchise et d’approvisionnement, CPF et CSF ont assigné devant le tribunal de commerce. Distri-Gorents ne soulevait pas l’incompétence du tribunal. Chacune des deux parties renonçait donc bien à l’application de la clause compromissoire. Dans la mesure où le contrat de location-gérance ne comportait aucune clause compromissoire, et où les parties avaient renoncé à l’application des clauses d’arbitrage figurant dans les deux autres contrats, la cour d’appel ne pouvait que constater que la clause invoquée était manifestement inapplicable.
Cette solution apparaît logique. Le recours à l’arbitrage nécessite l’accord des parties, soit dès la signature du contrat, par l’introduction d’une clause compromissoire, soit après la naissance du litige, par la conclusion d’un compromis. Comme pour tout contrat, ce qui a été convenu entre les parties peut être modifié par un nouvel accord de leur part. Par ailleurs, une partie, a fortiori les deux, peuvent renoncer à se prévaloir d’un droit tiré d’un contrat. Cette renonciation étant en l’occurrence irrévocable, aucune d’entre elle ne pouvait alors se prévaloir du droit auquel elle avait renoncé.
Même en présence d’une clause d’arbitrage, il peut parfois être nécessaire de saisir les juridictions étatiques. Cela peut par exemple être le cas pour obtenir des mesures urgentes, comme des mesures d’instructions, ou des mesures conservatoires. Pour limiter les risques qu’il soit considéré qu’une renonciation à la clause d’arbitrage est intervenue, il est alors pertinent de réserver la possibilité, au sein de la clause d’arbitrage, de recourir aux juridictions étatiques dans ces hypothèses.
Plus généralement, il est important de prendre garde à la portée d’actes ou de déclarations pouvant être considérées comme des renonciations à un droit tiré d’un contrat, surtout dès lors que cette renonciation n’a pas vocation à être définitive ou générale.
(Cass. 1ère civ. 20 avril 2017, n°16-11.413)
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