
Liberté du fournisseur d’un réseau de distribution sélective de non-réagrément de ses membres
La tendance jurisprudentielle en faveur des têtes de réseau de distribution sélective qualitative est maintenue par la Cour d’appel retenant que le fournisseur peut librement décider de réagréer ou non un distributeur déjà présent dans son réseau à l’arrivée du terme du contrat de ce dernier.
Dans un premier temps, la Cour d’appel effectue un rappel des différents étapes procédurales ayant conduit l’affaire jusqu’à elle. Le demandeur avait en effet assigné devant le Tribunal de commerce de Pontoise puis interjeté appel devant la Cour d’appel de Versailles, pour qu’en définitive, la Cour d’appel de Paris écarte toute contestation et retienne sa compétence en tant que juridiction spécialisée en droit de la concurrence au regard des éléments de droit soulevés.
Dans un deuxième temps sur le fond de l’affaire, la Cour vient réaffirmer la liberté pour la tête de réseau de refuser de réagréer un distributeur qui était anciennement membre de son réseau, le refus de réintégration intervenant alors même que les critères de sélection fixés par le fournisseur n’avaient pas été modifiés.
Le distributeur alléguait que la décision du fournisseur de ne pas l’avoir repris comme distributeur agréé était abusive et discriminatoire en ce qu’elle n’était pas fondée sur de nouveaux critères objectifs définis.
L’attendu en réponse de la Cour est particulièrement large et mérite d’être cité en son entier en ce qu’elle affirme que :
« Il résulte du principe de la prohibition des engagements perpétuels et de la liberté du commerce et de l’industrie qu’un distributeur ne dispose d’aucun droit acquis à la poursuite indéfinie d’un contrat de distribution et que tout opérateur économique peut choisir en toute indépendance ses partenaires commerciaux.
Dès lors, la résiliation d’un contrat de distribution sélective ne peut être qualifiée en soi de pratique discriminatoire dès lors que ne pèse sur un fournisseur aucune obligation de contracter avec tout distributeur remplissant les critères de sélection, conformément au principe de liberté contractuelle, et ce dernier ne bénéficie d’aucun droit à la poursuite des relations contractuelles avec son fournisseur à l’issue des préavis de résiliation d’un précédent contrat de distribution auquel il a été régulièrement mis fin ».
Par une lecture inversée, la Cour avance donc que contraindre la tête de réseau à renouveler un contrat de distribution sélective, dès lors que son distributeur continuerait à répondre aux critères de sélection prévues, reviendrait à créer un potentiel engagement perpétuel. Ce qui serait en conséquence contraire au droit du fournisseur de ne pas renouveler un contrat expiré arrivé à son terme.
Plusieurs remarques peuvent être formulés en réponse à la présente solution de la Cour d’appel de Paris.
D’une part pour rappel, certains arrêts avaient pu retenir une obligation pour la tête de réseau de justifier du refus de non-réagréement du distributeur répondant aux critères de sélection prévues (CA, Paris, 13 avril 2005, n° 03/05939). Le passage vers une position inverse semble donc ici clairement confirmé.
Ce principe de liberté du fournisseur avait déjà pu être avancé dans d’autres décisions récentes (Tribunal de commerce, Paris, 29 juin 2016, RG n°2016012884 ; CA Paris, 27 février 2017, n° 15/12029 ; Cass., com., 8 juin 2017, n° 15-28.355) et apparait maintenant clairement encré dans la pratique décisionnelle. Le fournisseur peut donc choisir sans avoir à en justifier de renouveler ou non ses distributeurs à l’arrivé du terme du contrat de ses derniers, cela quand bien même les critères de sélection établis seraient inchangés et toujours remplis.
D’autre part, cette décision semble aller encore plus loin que les précédentes en ce que l’analyse de la Cour ne s’est même pas portée sur le point de savoir si l’application des critères posées pouvait être en-elle-même discriminatoire et la Cour n’a pas nous plus recherché si le refus d’agrément concernait uniquement le distributeur non renouvelé ou pouvait renvoyer à l’inverse à une décision ou politique plus générale d’exclure un type de distribution.
Enfin dans un troisième temps, l’arrêt se concentre sur le grief avancé par l’appelant relatif à une prétendue violation fautive pour la tête de réseau de conclure un nouveau contrat de distribution sélective. La Cour indique après avoir apprécié les pièces et échanges de courriers produits au débat que le fournisseur n’a commis aucune faute en ce sens, dès lors qu’ « il n’est nullement établi que [le fournisseur] a manifesté [au distributeur] sa volonté de signer un nouveau contrat de distribution de véhicules neufs et que [ce dernier] n’est pas davantage revenu sur une prétendue promesse qui lui aurait été faite en ce sens ». La Cour retient donc que le fournisseur a été clair sur ses intentions de ne pas renouveler le contrat de distribution sélective et réagréer le distributeur dans son réseau pendant la période de préavis en amont du terme du contrat initial.
Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 4, 31 juillet 2019, n° 16/20683
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