lundi 25 avril 2016

Sanction du groupe Altice/Numéricable par l’Autorité de la concurrence pour non-respect des engagements

L'Autorité de la concurrence prononce une sanction de 15 millions d’euros contre le groupe Altice/Numericable pour ne pas avoir respecté certains des engagements liés à la cession des activités de téléphonie mobile d'Outremer Telecom qui avaient été repris lors du rachat de SFR.


Le 30 octobre 2014, l’Autorité de la concurrence a autorisé la prise de contrôle exclusif de SFR par le groupe Numericable/Altice sous réserve d’engagements, l’opération conduisant à un renforcement significatif de la position de SRR à La Réunion (60%) et en Mayotte (90%) sur les marchés de détail de la téléphonie mobile, du fait du rapprochement entre SRR, la filiale locale de SFR, et Outremer Telecom, filiale du groupe Altice.

Altice et Numericable s’étaient engagées à céder les activités de téléphonie mobile d'Outremer Telecom à La Réunion et Mayotte.

Altice et Numericable s’étaient notamment engagées, dans l'attente de la cession, à :

-    « préserver la viabilité économique, la valeur marchande et la compétitivité de l’activité cédée » ;
-    « faire ses meilleurs efforts pour éviter tout risque de perte de compétitivité de l’activité cédée » ;
-    « ne pas mener d’actions sous sa propre responsabilité qui produiraient un effet négatif significatif sur la valeur, la gestion ou la compétitivité de l’activité cédée, ou qui pourraient altérer la nature et le périmètre de l’activité cédée, ou la stratégie commerciale de l’activité cédée ».

1. Sur le non-respect des engagements

Suite à l’augmentation du prix de forfaits de téléphonie mobile par Outremer Telecom à La Réunion et  Mayotte, l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office des conditions dans lesquelles étaient exécutés les engagements.

Pendant la période d'application des engagements, les forfaits ont connu des hausses importantes comprises entre 17 % et 60 %.

Ces augmentations tarifaires, qui ont conduit à une baisse de 65 % des ventes mais surtout à la résiliation de nombreux abonnements (le taux de résiliation ayant triplé en janvier 2015 à La Réunion et doublé en Mayotte), l’article L. 121-84 du Code de la consommation ouvrant la possibilité aux abonnés de résilier leur abonnement sans frais en cas de hausse de prix, ont fait peser un risque important sur la compétitivité d’Outremer Telecom. Le maintien d’un positionnement prix agressif d’Outremer Telecom par rapport à SRR et Orange et la stratégie commerciale de conquête de la clientèle étaient en effet des objectifs prioritaires assignés aux engagements, d’autant plus que SRR et Orange venaient d'opérer un repositionnement tarifaire à la baisse.

En procédant à ces hausses tarifaires, Altice et Numericable n’ont pas faire les meilleurs efforts pour éviter tout risque de perte de compétitivité.

-    en termes de prix, la perte d’attractivité résultant d’une hausse de prix concernait aussi bien les clients en conquête que les clients en parc ;
-    en termes d’image, les hausses tarifaires s’inscrivaient dans une tendance contraire à l’évolution des marchés de la téléphonique mobile dont les prix sont depuis plusieurs années orientés à la baisse et ne pouvait que porter atteinte à son positionnement tarifaire agressif traditionnel et à son image de franc-tireur, ce dont l’opérateur avait conscience.

Par ailleurs, en augmentant les prix, Altice et Numericable n’ont pas respecté leur obligation de ne pas altérer la stratégie commerciale l’activité cédée.

C’est en effet après une longue période sans hausse tarifaire que sont intervenues des hausses très significatives (de 17 à 60%) sur une large gamme de forfaits en parc ou en conquête réduisant ou faisant parfois disparaître leur écart tarifaire par rapport aux offres concurrentes. Par ailleurs, l’opérateur avait conscience que ces hausses tarifaires allaient à contre-courant des baisses de prix pratiqués par ses concurrents ce qui aboutissait à réduire plus encore la compétitivité de l’activité cédée et constituait donc une altération évidente de la stratégie commerciale menée jusque-là.

2. Sur la sanction

Ces engagements visaient à préserver la concurrence pendant la période transitoire comprise entre la décision d’autorisation et la cession et la capacité du futur repreneur à animer la concurrence après la cession. Tout manquement à ces engagements était donc de nature à porter atteinte à l’effet utile de ce remède structurel.

L’Autorité de la concurrence considère que :

-    les hausses tarifaires ont pris une forme et une ampleur inédites pour un opérateur dans la situation d'Outremer Telecom à La Réunion et à Mayotte car les hausses ont touché non seulement les nouveaux clients mais aussi massivement les clients en parc, ce qui est une pratique commerciale infiniment plus rare ;

-    ce n’est que sous la pression de l’auto-saisine de l’Autorité de la concurrence et au vu du risque de sanction que les parties se sont résolues à annuler les hausses tarifaires, et ce malgré les alertes reçues ;

-    le fait d’appliquer des hausses de prix si importantes a porté atteinte à l’effet utile du remède structurel et était une pratique susceptible de priver l’engagement de tout ou partie de sa portée.

Ce manquement aux engagements est aggravé par le fait qu’Altice et Numericable n’ont jamais informé l’Autorité des hausses de prix envisagées.

En outre, ces changements de la politique commerciale ont été décidés alors même qu'Altice Numericable s'était engagée à s’abstenir de toute ingérence dans la gestion des activités cédées en désignant un gestionnaire indépendant pour la période précédant la cession de l'entreprise et savait que, dans l'attente de cette désignation, les activités cédées devaient être gérées comme l'aurait fait ce gestionnaire indépendant.

L’Autorité de la concurrence prononce donc une amende de 15 millions d'euros à l’encontre des sociétés Altice et Numericable, solidairement.

Nous vous invitons à consulter ici notre dossier thématique sur les enquêtes de l'autorité de la concurrence et de la DGCCRF.

Décision n°16-D-07 de l’Autorité de la concurrence du 19 avril 2016.

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