
Résiliation du bail commercial sans mise en demeure préalable est possible sous conditions
Dans le cadre d’une précédente newsletter, publiée le 22 novembre 2023, nous avions soutenu que la solution, retenue par un arrêt rendu du 18 octobre 2023 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, relative aux modalités de résiliation unilatérale d’un contrat, serait transposable en matière de baux commerciaux.
Aux termes d’un arrêt rendu le 25 janvier 2024, la Cour de cassation transpose effectivement la solution retenue en matière de résiliation. Un bail commercial peut être résilié unilatéralement par le preneur, sans notification préalable, lorsqu’« il résulte des circonstances qu’elle est vaine ».
Un bailleur s’introduit régulièrement dans les locaux de sa locataire et y adopte des comportements déplacés à l’égard des salariées présentes.
La locataire quitte les locaux et cesse le paiement des loyers sans avoir, au préalable, notifié au bailleur une quelconque mise en demeure, ou argumentation relative à son départ. Quelques jours après avoir quitté les locaux, la locataire adresse au bailleur un courrier recommandé dans lequel elle exprime ses griefs.
Le bailleur assigne alors la locataire en paiement des loyers. En défense, la locataire sollicite le prononcé de la résiliation des trois baux en vigueur (ci-après : le « Bail »).
La Cour d’appel prononce la résiliation du bail à la date du courrier recommandé de la locataire justifiant son départ.
Le bailleur se pourvoit en cassation.
Il soutient que la décision de la Cour d’appel viole les dispositions de l’article 1226 du Code civil suivant lesquelles :
« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution. »
Suivant le bailleur, la Cour aurait dû caractériser « une situation d’urgence qui aurait dispensé le preneur de son obligation de mise en demeure préalable ».
Pour répondre à cette argumentation, la Cour de cassation rappelle les dispositions de l’article 1224 du Code civil :
« La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. »
Puis, la Cour de cassation reprend expressément la solution exprimée dans son arrêt du 13 octobre 2023, arrêt qu’elle vise expressément :
« 10. Une telle mise en demeure n’a cependant pas à être délivrée lorsqu’il résulte des circonstances qu’elle est vaine (Com., 18 octobre 2023, pourvoi n° 20-21.579, publié) »
Sur ces motifs, la Cour de cassation considère que les Juges d’appel ont pu considérer que les faits reprochés au bailleur étaient « d’une gravité telle qu’il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles, de sorte qu’une mise en demeure préalable à la notification de la résiliation des baux, qui eût été vaine, n’était pas nécessaire » et rejette le pourvoi du bailleur.
Cette solution ajoute un cas non prévu par le texte de l’article 1226 du Code civil précité mais doit, à notre sens, être approuvée.
Elle permet, en effet, au locataire de s’extraire du formalisme de la mise en demeure préalable lorsque les manquements du bailleur sont tels qu’ils ne permettant pas de poursuivre l’exécution du contrat.
Dans l’application de cette solution jurisprudentielle, le locataire doit néanmoins agir avec prudence et privilégier l’application des dispositions de l’article 1226 du Code civil.
Par principe, la résiliation du contrat pour faute suffisamment grave du bailleur doit être précédée d’une mise en demeure et de l’application d’un délai raisonnable permettant au bailleur de satisfaire à son engagement.
Par exception, uniquement, en cas d’urgence ou de circonstances rendant vaine la mise en demeure, le bail peut être résilié unilatéralement et sans délai.
La mise en œuvre, en matière de baux commerciaux, des dispositions des articles 1224 et 1226 du Code civil comme de la solution jurisprudentielle nécessite l’accompagnement du locataire par un professionnel du droit.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 25 Janvier 2024 – n° 22-16583
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