
La Pataterie : la décision du tribunal est surprenante en droit (L'Officiel de la Franchise, Mars 2015)
Le franchiseur de l’enseigne LA PATATERIE, par ordonnance de référé du tribunal de commerce de Limoges du 6 mars 2015, a été condamné à fournir à un de ses franchisés des pommes de terre conformes à la description qualitative qui en était faite dans le contrat de franchise. Cette condamnation était assortie d’une astreinte de 500 € par jour de retard.
Le contrat contenait une clause d’approvisionnement libellée de la manière suivante : « Le franchisé s’engage à servir à la clientèle les produits exclusivement référencés et correspondant à la carte La Pataterie, et notamment les pommes de terre labellisées par le CNIPT sous la catégorie « pomme cuite au four » de calibre 75 ou supérieur, d’un poids de 500 grammes ou supérieur ».
1/ Dans ses écritures le franchisé soutenait que le franchiseur l’obligeait à s’approvisionner auprès d’un fournisseur nommé en pommes de terre, et se plaignait de la défaillance régulière de ce fournisseur dans la livraison de produits conformes à la description du contrat. Le défaut de conformité était prouvé par plusieurs constats d’huissier.
En droit, la décision du Tribunal de Commerce de Limoges est surprenante. En effet, le franchiseur n’était débiteur d’aucune obligation de fourniture : le défaut d’exécution pesait sur le fournisseur référencé par le franchiseur. Dès lors, le juge des référés n’aurait pas dû obliger le franchiseur à fournir le franchisé. La clause d’approvisionnement auprès de fournisseurs référencés n’engendre absolument pas d’obligation de fourniture de la part du franchiseur. Le tribunal transforme une obligation du franchisé en obligation du franchiseur. Sur ce point, l’ordonnance devra être réformée en appel.
2/ Cette clause du contrat de franchise est qualifiée par le juge de clause d’approvisionnement exclusif. Or, à sa lecture, il n’est pas certain que ce soit une clause d’approvisionnement exclusif.
Si on ne lit que la clause de l’article 9 du contrat de franchise, l’ordonnance de référé indique que cette clause parle de produits référencés, et qui contiendrait plutôt des spécifications objectives de qualité que le franchisé s’oblige à respecter. Les pommes de terre sont classées éventuellement selon la segmentation du CNIPT. La clause, en visant la catégorie pomme cuite au four de calibre 75 ou supérieur, d’un poids de 500 grammes ou supérieur , a l’air d’être une spécification objective de qualité que le franchisé doit respecter.
Toutefois, cette clause vise les produits « exclusivement référencés », suggérant que le franchisé ne peut acquérir que des produits spécifiquement agréés et référencés. L’obligation mise à sa charge irait alors au-delà d’une simple obligation de respecter des normes objectives de qualité pour son approvisionnement en pomme de terre. Une obligation d’exclusivité d’approvisionnement pourrait donc avoir été stipulée.
Quand on lit, d’ailleurs, ce que soutient le franchiseur, il semble que le franchisé doive obligatoirement passer par la plateforme STEF Restauration. Cela montrerait que la clause référence un ou plusieurs fournisseurs à titre exclusif et pourrait constituer un aveu judiciaire liant le juge sur la qualification de la clause.
Si telle était l’intention du rédacteur d’acte, la clause aurait pu être rédigée de manière plus claire. De plus, s’il s’agit d’une clause d’approvisionnement exclusif, il y existe un sérieux doute sur sa validité. En effet, en matière de pomme de terre, il semble possible de donner des spécifications de qualité objective (en particulier, variété, poids, calibre, et l’article 9 le prouve puisqu’il en stipule), de telle sorte que la stipulation de cette clause ne serait en rien nécessaire à la protection du savoir-faire et de l’identité du réseau La Pataterie. Cette clause ne serait pas alors exemptée par catégorie. Rappelons qu’en droit européen, si la clause d’approvisionnement exclusif n’est pas indispensable à la protection du réseau, elle n’échappe pas à l’art. 101 §1 TFUE et sa validité est subordonnée à l’obtention d’une exemption individuelle préalable.
En l’espèce, le juge ne s’est même pas posé la question. Cependant elle sera certainement soulevée si ce dossier connaît d’autres développements judiciaires.
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