Clauses de préemption dans un contrat de franchise : la rédaction doit être précise
Les clauses de préemption contenues dans les contrats d’enseigne doivent faire l’objet de la plus grande prudence. Dans une précédente décision que nous avions commentée concernant également les enseignes Bricorama et M. Bricolage (CA Paris 22 octobre 2014), Bricorama avait été condamnée solidairement avec un ancien franchisé M. Bricolage, dont elle avait acquis la majorité des parts sociales, à indemniser l’enseigne Mr Bricolage du préjudice subi par elle du fait du non-respect d’une clause de préemption figurant dans le contrat de franchise que ledit franchisé avait signé avec M. Bricolage. Le préjudice était estimé dans cette espèce à 5 millions d’euros.
Dans la présente affaire, M. Bricolage avait conclu un contrat d’enseigne avec une société (Bricoried). Les clauses de ce contrat prévoyaient une durée indéterminée, et une possibilité de résiliation à tout moment sous réserve d’un préavis d’un an. En 2008, les titres de Bricoried sont apportés par les associés de l’adhérent à une société holding (Men Finances). L’enseigne M. Bricolage est informée fin juin par l’adhérent de cette opération. L’adhérent notifie le 9 juillet, la résiliation de son contrat avec M. Bricolage, avec effet au 31 décembre 2009. Par ailleurs, il informe M. Bricolage de la cession de 49% de ses parts détenues par Men Finances.
Bricoried, Bricorama, Men Finances et les associés de l’adhérent ont été assignés par M. Bricolage en vue d’obtenir l’annulation de la cession, pour fraude. Aux termes du contrat d’adhésion, Mr Bricolage bénéficiait d’un droit de préemption en cas de cession de contrôle. En l’’espèce, la cession de 49% ne constituait pas une cession de contrôle.
M. Bricolage invoque alors l’existence d’une fraude en arguant que des modifications statutaires intervenues dans la société Bricoried avaient conféré à Bricorama des prérogatives exorbitantes.
Après avoir rappelé qu’il appartient à la société M. Bricolage de prouver l’existence d’une fraude, la Cour d’appel, analyse la chronologie des évènements et relève en premier lieu qu’une partie des modifications statutaires invoquées est intervenue après la décision de résilier le contrat. La Cour d’appel a ensuite analysé les stipulations statutaires relatives à la désignation et à la révocation des dirigeants, critère figurant parmi ceux qui permettent d’apprécier la notion de contrôle au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce. La Cour analyse également les règles statutaires relatives à la prise de décision au sein du conseil de surveillance de la société, au droit de veto, au droit d’information ainsi qu’au droit de préemption statutaire dont Bricorama bénéficie.
Au sujet de droit de préemption statutaire, il était précisé qu’il s’agissait d’un droit de second rang par rapport à celui existant au profit de l’enseigne M. Bricolage. La Cour relève à ce titre que « M. Bricolage ne peut stigmatiser l’existence d’un possible droit de préemption bénéficiant à son adversaire commercial alors qu’elle se prévaut elle-même de ce même droit pour tenter de prévenir le changement d’enseigne qu’elle déplore ».
La Cour relève enfin que le comportement de l’adhérent à l’occasion de la fin des relations contractuelles n’a soulevé aucune difficulté. Dès lors, aucune fraude n’est caractérisée et il n’y a pas lieu d’annuler la cession contestée.
Cet arrêt rappelle les juges apprécient strictement les clauses de préemption de sorte que leur rédaction conditionne leur application ou non à certaines opérations. Leur rédaction doit donc faire l’objet d’une attention particulière : la clause s’applique-t-elle à toutes les cessions ou seulement aux cessions de contrôle ? Son champ d’application est-il limité aux seules cessions directement au sein du capital de l’adhérent ou s’étends-t-il aux changements de contrôle indirects, via des cessions dans les sociétés holdings ? Dans cette dernière hypothèse, toutes les personnes pouvant être concernées par la mise en jeu de la clause y sont-elles bien parties ? En outre, pour les enseignes concurrentes, une analyse précise de la portée des clauses des adhérents de réseaux concurrents qu’ils convoitent devra être menée de façon préalable, pour distinguer les opérations possibles de celles qui pourraient mettre en jeu leur responsabilité. Cette analyse est stratégique pour l’enseigne concurrente en vue de s’assurer de l’entrée d’un nouveau point de vente dans le réseau, sans mise en jeu de sa responsabilité…
Retrouvez ici un article paru dans LSA sur le droit de préférence et de préemption.
CA Lyon, 7 mai 2015, RG n° 13/02486
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