Carrefour: condamnation pour pratiques restrictives de concurrence (CA Paris 1er juillet 2015)

L’enseigne Carrefour a été condamnée dans une décision de la Cour d’appel de Paris du 1er juillet 2015,  pour « obtention d’un partenaire commercial d’un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu »

L’article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce prévoit qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, « d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. ».

Cet article donne des exemples de ce que l’on entend par « avantage » : « un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d’une opération d’animation commerciale, d’une acquisition ou d’un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d’enseignes ou de centrales de référencement ou d’achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d’affaires, en une demande d’alignement sur les conditions commerciales obtenues par d’autres clients ou en une demande supplémentaire, en cours d’exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ».

Cet article vise notamment à contrôler la proportionnalité de la contrepartie versée en échange :

  • d’un service de coopération commerciale rendu par le distributeur au fournisseur à l’occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels,
  • d’une autre obligation destinée à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur,

devant figurer dans la convention unique, conformément à l’article L. 441-7 du Code de commerce.

Est donc constitutif d’une pratique restrictive de concurrence le fait pour tout distributeur de percevoir des sommes en rémunération de services de coopération commerciale ou des réductions de prix en contrepartie des « autres obligations », alors qu’aucun service n’est effectivement rendu ou que la réduction de prix accordé est manifestement disproportionnée au regard de la valeur du service rendu.

Considérant qu’un groupe de la grande distribution alimentaire avait bénéficié de rémunérations manifestement disproportionnées eu égard à la valeur des services rendus, voir ne correspondant à aucun véritable service, le Ministre de l’Economie l’a assigné aux fins de :

  • prononciation de la nullité de la clause relative à la rémunération des contrats de service ;
  • condamnation dudit groupe à une amende de 2 millions d’euros.

Le groupe fait appel du jugement l’ayant condamné à une amende de 2 millions.

La Cour d’appel confirme le jugement en ce qu’il a :
–    jugé que le groupe avait obtenu des rémunérations manifestement disproportionnées au regard des services rendus ou ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, et
–    condamné à une amende de 2 millions d’euros.

La Cour d’appel avait en effet considéré que :

  • la prestation « Communication d’un plan d’implantation des produits par type de magasin » ne correspondait à aucun service commercial effectif,

  • les services « Plan d’action par famille de produits » et « Plan de développement des performances des fournisseurs » faisait l’objet d’une prestation globale ne présentant qu’un intérêt limité pour les fournisseurs et donnait lieu à une rémunération disproportionnée par rapport aux services rendus :

o    pour le « Plan d’action par famille de produits », le contenu de la prestation ne pouvait pas justifier une rémunération variant selon les fournisseurs de 4 à 32 % de leur chiffre d’affaires : une grande partie des informations concernait des marchés de produits sans rapport avec ceux que commercialisaient les fournisseurs et consistaient en des données très générales sur la politique du groupe ou les résultats enregistrés par ses différentes enseignes ;

o    pour le « Plan de développement des performances des fournisseurs », les données présentaient peu d’utilité et ne justifiaient pas une rémunération variant selon les fournisseurs de 1 à 17,5 % de leur chiffre d’affaires : le plan incluait les objectifs de chiffre d’affaires global du groupe générés par les ventes des produits du fournisseur, la construction d’un assortiment adapté aux attentes des clients des magasins après consultation du fournisseur et réalisation d’études en interne, l’analyse de la performance des produits du fournisseur, avec données de l’ensemble des ventes dans tous les magasins du groupe, et un tableau de synthèse mensuel détaillant la performance des ventes de ses produits par catégorie.

Statuant à nouveau, elle prononce également la nullité de la clause fixant la rémunération des fournisseurs et ordonne la répétition de l’indu.

Le groupe forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu.

La Cour de cassation casse l’arrêt mais seulement sur le montant des restitutions dans la mesure où pour les deux (2) services, seules devaient être remboursées les sommes excédant la valeur réelle des services dont l’arrêt constatait qu’ils avaient été effectivement rendus.

L’affaire est donc renvoyée devant la Cour d’appel de Paris, qui après avoir opéré un nouveau calcul des sommes à restituer aux fournisseurs, condamne le groupe au paiement de ces sommes.

Cour d’appel de Paris du 1er juillet 2015 RG n° 14/03593

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