Diffamation : exception au principe de rétroactivité d’une jurisprudence nouvelle
Il doit être fait exception au principe de rétroactivité de la jurisprudence nouvelle si la mise en œuvre de ce principe peut affecter la situation des parties s’étant conformées à l’état du droit applicable au moment de leur action en diffamation en respectant les formalités exigées par la loi et la jurisprudence dans l’assignation à peine de nullité.
L’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoit que l’assignation doit, à peine de nullité :
– préciser et qualifier le fait incriminé,
– indiquer le texte de la loi applicable,
– contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie,
– être notifiée tant au prévenu qu’au ministère public.
Selon une jurisprudence constante, la chambre criminelle de la Cour de cassation juge qu’elle a le devoir de vérifier, d’office, si la citation délivrée est conforme à l’article 53 susvisé et, notamment, qu’elle mentionne le texte qui édicte la peine sanctionnant l’infraction poursuivie.
Aux termes d’un arrêt du 24 septembre 2009 (n°08-17.315), la chambre civile de la Cour de cassation a adopté la position contraire en indiquant que la seule omission, dans l’assignation, de la mention de la sanction pénale encourue, que la juridiction civile ne peut prononcer, n’était pas de nature à en affecter la validité.
Par un arrêt du 15 février 2013 (n°11-14.637), l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a cependant jugé que l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 devait également recevoir application devant la juridiction civile en application du principe de l’unicité du procès de presse.
Par un arrêt du 6 avril 2016 (n°15-10.552), la chambre civile de la Cour de cassation a ainsi jugé qu’à défaut de mention du texte édictant la peine applicable aux faits de diffamation allégués, les assignations encouraient la nullité. La chambre civile rejoignait ainsi la position de la chambre criminelle et faisait un revirement de jurisprudence.
Dans la présente espèce, la Cour d’appel avait annulé l’assignation car si elle visait l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, elle ne visait pas l’article 53 de ladite loi édictant la peine applicable aux faits de diffamation.
La Cour de cassation considère que :
– « si la jurisprudence nouvelle s’applique de plein droit à tout ce qui a été fait sur la base et sur la foi de la jurisprudence ancienne, la mise en œuvre de ce principe peut affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l’état du droit applicable à la date de leur action, de sorte que le juge doit procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu’il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s’il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste » ;
– l’assignation qui était conforme à la jurisprudence de la première chambre civile antérieure au 6 avril 2016, a été délivrée à une date où les demandeurs ne pouvaient ni connaître ni prévoir l’obligation nouvelle de mentionner le texte édictant la peine encourue ;
– l’annulation de l’assignation par la cour d’appel en raison de l’application immédiate de cette règle de procédure dans l’instance en cours, à la suite d’un revirement de jurisprudence, aboutirait à priver les demandeurs d’un procès équitable, au sens de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en leur interdisant l’accès au juge.
C’est également ce que la Cour de cassation avait considéré dans l’arrêt du 6 avril 2016 où les faits étaient similaires.
La Cour de cassation casse ainsi l’arrêt ayant annulé l’assignation litigieuse.
A peine de nullité, toute assignation en diffamation devra donc mentionner le texte édictant la peine encourue.
Si vous avez agi en diffamation avant le 6 avril 2016, votre assignation n’encourra pas la nullité si elle ne mentionnait pas ce texte.
Cass. civ 1, 1er mars 2017, n°16-12.490 FS-P+B+I
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