
La demande de négociation n’est pas un refus de paiement qui justifierait une rupture sans préavis.
La contestation par le client d’une partie de l’augmentation du tarif qui lui est facturé par son partenaire commercial doit s’interpréter comme une demande de négociation sur la progression du prix pratiqué et non comme un refus de paiement qui constituerait un manquement grave de nature à permettre une rupture, sans préavis, de la relation commerciale.
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 12 avril 2018 donne un exemple de sanction d’une rupture, sans préavis, d’une relation commerciale établie, par l’application de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.
Cet article oblige l’auteur d’une rupture de relation commerciale établie, à respecter un préavis tenant compte de l’ancienneté de la relation, sauf en cas de force majeure ou en cas d’inexécution suffisamment grave par le partenaire évincé de ses obligations.
Dans le cas d’espèce, l’auteur de la rupture, une société spécialisée dans l’installation et la maintenance d’équipement de vidéo-surveillance (ci-après le « Prestataire »), avait conclu un contrat de maintenance en date du 1er septembre 2004 reconductible tacitement sauf dénonciation trois mois avant l’échéance, avec une société exploitant un hypermarché (ci-après le « Client »).
Le contrat avait été régulièrement reconduit et le Prestataire avait appliqué, sur une facture, une augmentation de prix pour la période du 1er septembre 2011 au 31 août 2012, en application d’une clause de révision de prix.
Le 29 décembre 2011, le Client a contesté le bien-fondé de l’augmentation du prix de 5 % contenue dans cette facture mais a déclaré accepter une augmentation limitée à 2,1 %.
Estimant que le Client avait abusivement retardé le règlement de sa facture, le Prestataire lui a adressé, le 30 décembre 2011, une lettre de résiliation du contrat de maintenance à effet immédiat.
S’estimant victime d’une rupture brutale de relation commerciale établie, le Client a assigné le Prestataire devant le Tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 7 avril 2015, le Tribunal de commerce de Paris a débouté le Client de sa demande, en jugeant que le contrat du 1er septembre 2004 avait été résilié aux torts exclusifs du Client, et en le condamnant en outre à verser une indemnité de résiliation.
Le Client a interjeté appel de ce jugement, en soutenant à titre principal, que le Prestataire ne pouvait justifier l’absence de préavis par un non-paiement de facture, dans la mesure où il avait seulement exprimé son désaccord à l’augmentation du tarif. Le Client estimait que, compte tenu de l’ancienneté de la relation, de sept ans, il avait droit à un préavis de rupture de 6 mois.
La Cour d’appel de Paris fait droit à la demande du Client, en accordant toutefois un préavis de 4 mois, et infirme le jugement entrepris.
Après avoir rappelé que « seule l’inexécution, par la victime de la rupture, de ses engagements, ou la force majeure en l’espèce non invoquée, peut justifier qu’il soit mis un terme à la relation sans préavis, sous réserve toutefois que cette inexécution soit d’une gravité suffisante », le Cour énonce que, pour la facture invoquée par le Prestataire, le Client « s’est borné, par sa lettre en date du 29 décembre 2011 (pièce n°5), à contester, non le montant de base jusqu’alors facturé (2.500 euros), mais la seule augmentation du tarif (de 5 %), augmentation que [le Client] était toutefois disposée à accepter à hauteur de 2,1 % ».
En conséquence, il est jugé que « le courrier du 29 décembre 2011 doit dès lors s’interpréter comme une demande de négociation sur la progression du prix pratiqué par « le Prestataire », non comme un refus de paiement ».
Et la Cour de conclure que cet élément, intervenu « hors de tout incident de règlement de factures, ne saurait constituer un manquement grave [du Client] de nature à permettre une rupture, sans préavis, de la relation commerciale ».
CA Paris, 12 avr. 2018, n° 15/20676
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