
Appréciation contestable du fondement du déséquilibre significatif
La Cour d’appel de Paris propose une articulation contestable des fondements sanctionnant le déséquilibre significatif prévus d’une part par l’article 1171 du Code civil et d’autre part par l’article L. 442-6 I 2°, devenu L. 442-1 I 2° du Code de commerce.
Dans un arrêt du 5 novembre 2021, la Cour d’appel de Paris propose une articulation contestable des fondements sanctionnant le déséquilibre significatif prévus d’une part dans le Code civil et d’autre part dans le Code de commerce.
En l’espèce, un contrat de téléphonie mobile est conclu entre un prestataire de service et un client pour les besoins de son activité professionnelle. Confronté, peu de temps après la conclusion du contrat, à plusieurs dysfonctionnements et au manque de réactivité du fournisseur, le client résilie immédiatement le contrat.
Le prestataire conteste cette résiliation et assigne le client.
Le client invoque dans un premier temps la nullité du contrat pour dol du fait que le contrat serait illisible et incompréhensible et que le prestataire aurait ainsi agit de mauvaise foi en usant de manœuvres sans lesquelles la convention n’aurait pas été ratifiée. Bien que la Cour note que le contrat « nécessite une contorsion et une vue optimale compte-tenu de la petitesse des caractères, que la présentation même du contrat nuise à sa lisibilité, la « tactique de tromperie délibérée » dont se prévaut [la société cliente] et qui l’aurait conduite à signer la convention n’est pas suffisamment caractérisée ».
La cour rejette donc la nullité du contrat pour dol.
Le client invoque dans un deuxième temps le déséquilibre significatif sur le fondement de l’article 1171 du Code civil et demande à la cour que certaines clauses soient déclarées non écrites.
Se pose alors pour les juges un problème de cumul des fondements du déséquilibre significatif sanctionné par le code civil et le code de commerce. Chaque article a un champ d’application différent qui lui-même a été modifié au fil des réformes successives subie par la matière notamment par l’ordonnance du 10 février 2016 ou par la loi de ratification de l’ordonnance du 20 avril 2018.
La Cour relève que les premiers juges avait écarté en vertu de l’adage « le spécial déroge au général » l’application de l’article 1171 du Code civil au profit de l’article L.442-6, I 2° du Code de commerce et avait conclu que ses conditions d’application n’étaient pas réunies.
Toutefois, et de manière tout à fait critiquable la Cour estime ici « que le texte issu du code civil est de portée générale et ne peut être écarté au profit du second » qui selon elle « ne concerne que les commerçants ».
Outre, l’appréciation grossière du champ d’application de l’article du code de commerce, elle s’affranchi ici d’une règle élémentaire et fondamentale en droit selon laquelle le spécial déroge au général. Cette règle a d’ailleurs été consacrée par le législateur à l’article 1105 alinéa 3 du Code civil qui dispose que « Les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières. »
A cet égard, on notera que le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 précisait que « Le troisième alinéa [de l’article 1105 du Code civil] introduit en revanche une nouveauté importante et attendue des praticiens, puisqu’il rappelle que les règles générales s’appliquent sous réserve des règles spéciales. Ainsi, les règles générales posées par l’ordonnance seront notamment écartées lorsqu’il sera impossible de les appliquer simultanément avec certaines règles prévues par le code civil pour régir les contrats spéciaux, ou celles résultant d’autres codes tels que le code de commerce ou le code de la consommation. »
Cette décision ne fait donc que rajouter de la complexité et de l’incertitude concernant la notion de déséquilibre significatif.
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