rupture brutale de relation commerciale 

Rupture commerciale : responsabilité de la société mère et dépendance du partenaire

La Cour d'appel de Paris s’est prononcée sur la responsabilité de la société mère de l’auteur d’une rupture brutale des relations commerciales établies en cas d’immixtion de cette dernière dans la gestion de sa fille et les critères à prendre en compte en cas de dépendance économique du partenaire.

La Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la responsabilité de la société mère de l’auteur d’une rupture brutale des relations commerciales établies en cas d’immixtion de cette dernière dans la gestion de sa fille et les critères à prendre en compte en cas de dépendance économique du partenaire.  

Ce litige entre les sociétés Vente-privée.com (société mère), Vente-privée logistique (société fille détenue à 100%), et Logi-Presse (venant aux droits de Stocklog) (partenaire commercial) concernait la rupture de la relation commerciale entretenue entre ces deux dernières concernant des prestations de logistique, notamment le stockage de palettes pour Vente-privée.com.  

En l’espèce, cette relation avait été initiée par un contrat de 2016 conclu avec la société Vente-privée.com (mère) puis poursuivi sans contrat écrit avec la société Vente-privée logistique (fille) à partir de 2018 à l’occasion du transfert des opérations de logistiques de la société mère à sa filiale. La relation a pris fin en 2020 moyennant un préavis écrit de 4 mois et demi. 

En première instance, le Tribunal de commerce de Paris a condamné Vente-privée.com et Vente-privée logistique à payer une indemnité à Stocklog pour rupture brutale de la relation commerciale en estimant qu’un préavis de 8 mois aurait été nécessaire compte tenu de la dépendance économique du partenaire. 

Vente-privée.com et Vente-privée logistique ont donc fait appel contestant : 

  1. la recevabilité de l’action contre Vente-privée.com (mère),  
  2. l’existence d’une relation commerciale établie, et 
  3. le caractère brutal de la rupture. 

Sur le premier point, les sociétés vente-privée ont tenté de se défendre en invoquant l’autonomie juridique des deux entités mère et fille. Cependant, la Cour a estimé que cette autonomie ne suffisait pas à écarter la responsabilité de la société mère au regard des éléments de preuves produits démontrant son immixtion dans la gestion logistique de sa filiale.  

Sur ce point, une jurisprudence constante retient qu’une société mère ne peut, en cette seule qualité, être désignée co-responsable de la rupture brutale d’une relation commerciale établie notifiée par sa filiale à son partenaire (Cass. com., 20 mai 2014, n12-36.705 ; Cass. com., 7 mai 2019, n°17-27.229). 

Or, en l’espèce, des preuves concrètes d’interactions et de communications entre la société mère et le partenaire de la filiale démontraient une implication directe de Vente-privée.com dans la gestion logistique, malgré le transfert formel des activités à sa filiale. 

Un courriel daté du 31 décembre 2018, envoyé par un directeur des opérations logistiques de Vente-privée.com (mère) a notamment été déterminant en ce qu’il contenait des instructions détaillées sur la facturation et les procédures logistiques, et a été interprété par la Cour comme une preuve de l’immixtion de Vente-privée.com (mère) dans la gestion logistique, et ce malgré le transfert officiel de ces activités à sa filiale en 2018. 

Selon la Cour « il s’en déduit la preuve de l’immixtion dans les prestations de logistique, si ce n’est la direction même, de la société Vente-privée.com dans la définition du cadre contractuel des relations d’affaires avec sa filiale pour les prestations logistique avec la société Stocklog ». 

Sur les autres points, la Cour d’appel de Paris a reconnu l’existence d’une relation commerciale établie sur quatre ans, mais a infirmé le jugement sur le caractère brutal de la rupture, jugeant que le préavis de quatre mois et demi était suffisant rejetant l’argument relatif à la situation de dépendance économique de la société Stocklog. 

Pour démontrer une telle situation, Stocklog avait pourtant (i) présenté des chiffres démontrant que le chiffre d’affaires réalisé avec Vente-privée représentait une part croissante de son chiffre d’affaires total, atteignant 76,47 % en 2018 et (ii) fait état d’investissements importants, tels que la souscription de baux commerciaux pour répondre aux demandes de stockage de Vente-privée, et l’embauche de personnel intérimaire. 

Cependant, la Cour a jugé que la dépendance économique ne pouvait être déduite uniquement de la part du chiffre d’affaires ou des investissements réalisés. Elle a souligné que Stocklog n’avait pas fourni de preuves suffisantes concernant les efforts déployés pour obtenir de nouveaux contrats pendant le préavis, ni démontré les obstacles spécifiques rencontrés sur le marché justifiant un préavis plus long. Cet arrêt semble ici s’opposer à la position traditionnelle de la Cour de cassation consistant à apprécier la situation de la victime à la date de notification de la rupture sans prendre en considération les circonstances postérieures, et notamment ses efforts de recherche ou de reconversion pendant le préavis (voir not. Cass.com, 4 octobre 2016, n°15-14.025). Il n’est donc sûr que cet arrêt survive à un éventuel pourvoi en cassation. 

Il faut peut-être voir dans cette position, le souhait de la Cour d’appel de Paris de renforcer l’obligation de fournir des efforts de diversification incombant à une entreprise en situation de dépendance économique et de réserver l’octroi d’un préavis plus long aux seules situations de dépendance présentant de vraies difficultés spécifiques après la rupture.  

Faute pour la société Stocklog de rapporter de telles preuves, les sociétés vente-privée n’ont finalement pas été condamnées solidairement à indemniser le préjudice subi par la société Stocklog du fait de la rupture de la relation commerciale jugée régulière. (Cour d’appel de Montpellier, 30 avril 2024, n°22/03998) 

(Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 11, 18 Octobre 2024 – n° 22/13114) 

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