
« Taxe Lidl » : rejet du pourvoi du Ministre
Entre 2013 et 2015, les conventions annuelles conclues entre le Galec – la Société coopérative groupements d’achats des centres Leclerc – et certains fournisseurs nationaux prévoyaient que, lorsque les produits qu’elle référençait l’étaient également par la société Lidl, ils étaient soumis à une réduction de prix additionnelle et inconditionnelle de 10%. Cette réduction a été nommée « taxe Lidl ».
Soutenant que cette réduction n’était assortie d’aucune contrepartie, le ministre chargé de l’économie a assigné le Galec en annulation de ces clauses, en cessation de ces pratiques, en reversement à l’Etat des sommes perçues à ce titre (plus de 83 millions d’euros) et en paiement d’une amende civile de 25 millions d’euros sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce, dans ses rédactions à l’époque des faits.
Selon le ministre de l’Économie, cette réduction de prix était constitutive d’un avantage sans contrepartie prohibé par les dispositions de l’ancien article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce qui interdisait à l’époque « d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard du service rendu ».
Le ministre de l’Économie a été débouté de ses demandes en première instance puis par la Cour d’appel de Paris (dans un arrêt du 25 octobre 2023).
La Cour d’appel identifie l’existence d’une contrepartie dans « le maintien du flux d’affaires entre les parties ».
Pour la Cour d’appel de Paris, « la remise litigieuse ne visait clairement pas à rémunérer un service commercial ou « toutes autres obligations » mais faisait partie intégrante de la négociation liée aux conditions de l’opération de vente pouvant aboutir à des réductions de prix sur le tarif des fournisseurs, et dont la contrepartie attendue par ces derniers n’était autre que le maintien du flux d’affaires entre les parties dans un contexte de tension concurrentielle entre les distributeurs E. Leclerc et Lidl.
Il s’ensuit que la remise litigieuse ne constitue pas un avantage sans contrepartie au sens des dispositions de l’article L. 442-6, I, 1° du code de commerce. »
Le ministre de l’Économie a formé un pourvoi en cassation, estimant que la cour d’appel avait violé les articles L. 441-6, L. 441-7 et L. 442-6, I, 1°, du code de commerce, dans leurs versions applicables entre 2013 et 2015 :
- En retenant que la remise qu’elle ne rémunérait pas un service commercial ou toute autre obligation, mais « faisait partie intégrante de la négociation liée aux conditions de l’opération de vente » ;
- En retenant que le maintien des relations d’affaires caractériserait une contrepartie à l’avantage accordé par les fournisseurs au Galec quand le référencement est inhérent à la relation commerciale et ne représente donc pas un avantage spécifique pour les fournisseurs ;
- En retenant que la contrepartie à cette remise, consistant en « le maintien du flux d’affaires entre les parties », devait être appréciée au regard du « contexte de tension concurrentielle entre les distributeurs E. Leclerc et Lidl » ; puisque ce motif démontrait au contraire qu’il avait pour objet de protéger la position concurrentielle du groupe E. Leclerc sur le marché de la grande distribution et avantageait ainsi le Galec et non les fournisseurs.
La Cour de cassation écarte l’application de l’ancien article L.442-6, I, 1° du code de commerce faute de service commercial.
Dans son arrêt du 25 juin 2025, la Cour de cassation commence par rappeler les rédactions des articles L.441-6, I, L.442-6, I, 1° et L.441-7, I du Code de commerce dans leurs versions applicables à l’époque des faits, à savoir les dispositions suivantes :
- « les conditions générales de vente communiquées par un producteur, un prestataire de services, un grossiste ou un importateur à un acheteur de produits […] constituent le socle unique de la négociation commerciale. » (ancien article L.441-6, I du Code de commerce) ;
- « une convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties, dans le respect des articles L. 441-6 et L. 442-6, en vue de fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale. Elle fixe :
1° les conditions de l’opération de vente des produits ou des prestations de services telles qu’elles résultent de la négociation commerciale dans le respect de l’article L. 441-6, y compris les réductions de prix ;
2° les conditions dans lesquelles le distributeur ou le prestataire de services rend au fournisseur, à l’occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels, tout service propre à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, en précisant l’objet, la date prévue, les modalités d’exécution, la rémunération des obligations ainsi que les produits ou services auxquels elles se rapportent ;
3° les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant pour chacune l’objet, la date prévue et les modalités d’exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à ces obligations. » (ancien article L.441-7, I du Code de commerce) ;
- « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu» (ancien article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce).
Elle déduit ensuite d’une lecture combinée des anciens articles L.442-6, I, 1° et L.441-7, I « que seul l’avantage ne relevant pas des obligations d’achat et de vente consenti par le fournisseur au distributeur doit avoir pour contrepartie un service commercial effectivement rendu ».
Or, en l’espèce, la « taxe Lidl » était prévue au titre des conditions de l’opération de vente des produits au sens du 1° de l’article L. 441-7, I, du code de commerce, et non au titre de la rémunération d’un service commercial ou de toute autre obligation, au sens des 2° et 3° du même article ; par conséquent, la remise litigieuse ne constituait pas un avantage devant avoir pour contrepartie un service commercial, au sens de l’article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce.
En définitive, la Cour de cassation rejette le pourvoi du ministre de l’Economie.
Cette solution se fonde sur les textes applicables à l’époque des faits, c’est-à-dire de 2013 à 2015.
Or, la rédaction de la prohibition de l’avantage sans contrepartie a été modifiée par l’ordonnance du 26 avril 2019 et il n’est désormais plus fait référence à un « service commercial effectivement rendu » en contrepartie de l’avantage.
Logiquement, la solution rendue par le présent arrêt sous l’empire du droit antérieur, ne devrait pas survivre à la réécriture du texte par l’ordonnance de 2019.
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