Concession vs Franchise : le savoir-faire, critère de qualification
Comment distinguer un contrat de concession d'une franchise ? La Cour d'appel de Paris rappelle le rôle crucial du savoir-faire. L'arrêt souligne aussi le risque de résiliation abusive si les formes de la mise en demeure, prévues au contrat, ne sont pas scrupuleusement respectées
Dans une décision du 13 juin 2025, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur les conditions de requalification d’un contrat de concession en contrat de franchise, en particulier au regard de la qualification du savoir-faire. Cette décision rappelle également l’importance du respect des formes prévues au contrat en matière d’acquisition de la clause résolutoire.
Faits
En février 2019, la société TDMF – concédant – a conclu avec Monsieur HV agissant au nom et pour le compte de la société TTFI – concessionnaire – un contrat intitulé « licence exclusive de développement régional contrat de concession » au terme duquel elle lui a concédé pour le département du Rhône le développement, le recrutement, l’animation, et le management de son réseau régional d’agent commercial.
En octobre 2021, le concessionnaire a résilié le contrat.
Le 7 janvier 2022, le concédant a assigné le concessionnaire devant le tribunal de commerce de Paris.
Déboutée d’une partie de ses demandes en première instance, le concédant a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal.
La cour d’appel, dans le cadre de ce recours, s’est notamment prononcée sur la nature du contrat liant les parties, en rejetant la qualification de contrat de franchise (1), ainsi que sur le caractère fautif de la résiliation de ce dernier par le concessionnaire (2).
L’absence de requalification du contrat de concession en contrat de franchise
Le concessionnaire entendait obtenir la requalification du contrat de concession en contrat de franchise en faisant valoir que :
- le contrat prévoyait la mise à disposition de signes distinctifs ;
- il prévoyait la transmission d’un savoir-faire qui aurait constitué la contrepartie de la redevance forfaitaire initiale ;
- il prévoyait la fourniture d’une assistance continue ;
- le concédant se présentait lui-même comme une franchise ;
- le concédant aurait cherché à éviter de supporter les obligations afférentes au contrat de franchise notamment relatives à l’accompagnement du franchisé en dénommant artificiellement le contrat « contrat de cession».
La cour d’appel, au visa des articles 1188 et 1189 du Code civil ne fait pas droit à cette argumentation.
Pour rappel, l’article 1188 du Code civil qui dispose que : « Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes.
Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. »
L’article 1189 du Code civil dispose quant-à-lui que : « Toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier.
Lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci. »
Elle relève que le concessionnaire ne définit pas le savoir-faire qui lui aurait été transmis, ou qui aurait dû lui être transmis.
La Cour juge notamment que le logiciel métier défini dans le contrat ne correspond pas au savoir-faire requis dans un contrat de franchise.
Les juges considèrent qu’il ressort des stipulations contractuelles que « les parties se sont expressément entendues pour exclure de la convention la transmission d’un savoir-faire qui n’existait pas au jour de la signature du contrat puisqu’il n’avait pas été suffisamment expérimenté et devait être développé et formalisé ».
Selon la cour, le fait que le concessionnaire soit présenté comme une franchise dans une publication sur internet ou participe au salon « Franchise expo » à des fins de recrutement n’est pas de nature à modifier la qualification juridique du contrat.
Par conséquent, le concessionnaire ne démontrant pas l’existence d’un savoir-faire répondant aux conditions du contrat de franchise, sa demande de requalification est rejetée par la cour d’appel de Paris
La caractérisation de la résiliation fautive par le concessionnaire
Le concédant entendait obtenir la caractérisation d’une résiliation fautive à l’initiative du concessionnaire aux motifs que celle-ci avait été réalisée sans respect de la procédure contractuelle, et notamment sans l’envoi d’une mise en demeure préalable par le concessionnaire.
La cour d’appel de Paris au visa du contrat de concession, et des articles 1225 et 1344 du Code civil, fait droit à l’argumentation du concédant et qualifie d’abusive la réalisation du concessionnaire dès lors qu’elle ne respecte ni les formes de la clause résolutoire (a), ni celles du Code civil (b).
Le non-respect des formes contractuelles
La cour relève que le concessionnaire a fait parvenir au concédant une notification de résiliation invoquant ses inexécutions contractuelles dans les formes du contrat.
Toutefois, le concessionnaire avait, préalablement à la notification de résiliation, fait parvenir au concédant un courriel daté du 16 septembre 2021 aux termes duquel il l’informait du constat selon lequel la cadence du réseau était ralentie et qu’il s’attendait à des annonces d’amélioration. Le concessionnaire soutenait devant la cour d’appel que ce courrier devait s’interpréter comme une mise en demeure.
Or, la cour considère que ce courriel ne saurait constituer une mise en demeure ni sur la forme, ni sur le fond.
Sur la forme, la cour rappelle que le contrat prévoit que la mise en demeure préalable à la notification doit revêtir les formes y étant précisément stipulées, et n’est valable que s’il s’agit d’une lettre recommandée avec demande d’accusé de réception, d’une lettre remise en main propre contre reçu, signé par un représentant de l’une des parties ou d’un email ou télécopie confirmé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressé à la même date.
En l’espèce, le courriel ne respectant aucune de ces formes. il ne pouvait donc valoir mise en demeure.
Sur le fond du courriel, la cour rappelle également le contenu de l’article 1344 du Code civil qui dispose que « Le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l’obligation. ».
Elle relève à ce titre que le courriel litigieux ne définit aucune inexécution par rapport aux clauses du contrat, et ne constitue par conséquent pas une interpellation suffisante pour constituer une mise en demeure.
La cour relève en outre que si le courrier donne un délai d’exécution au concédant, elle ne fait que fixer la date de résiliation, et ne manifeste donc pas la volonté du concessionnaire d’obtenir l’exécution de ces obligations.
Au regard de ces éléments, en l’absence de mise en demeure conforme aux stipulations du contrat, la cour juge que la résiliation à laquelle a procédé le concessionnaire est abusive.
Le non-respect des dispositions du Code civil
Le concessionnaire invoquait également une résiliation à ses risques et périls en raison d’une violation grave et répétée des clauses essentielles du contrat, et notamment d’un défaut d’assistance.
La cour, rappelle les dispositions des articles 1224 et 1226 du Code civil. Elle retient que le concédant justifie, au regard de l’assistance – et compte tenu du contexte sanitaire – de l’organisation de réunions en visio-conférence et de nombreux échanges sur WhatsApp.
La cour relève, qu’en tout état de cause, cette obligation n’était pas essentielle dans un contrat de concession.
Le concessionnaire ne démontrant pas l’existence d’une urgence, ni l’impossibilité d’exécuter le contrat, ni le fait que les inexécution alléguées étaient irrémédiables, la cour d’appel de Paris juge que ledit contrat a résilié de manière abusive.
Découvrez nos services et outils associés
Réseaux de distribution, Concurrence
Créer un réseau de concessionnaires ou de distribution exclusive
Vous souhaitez développer la distribution de vos produits sur votre marché.
Une des clés de succès consiste à organiser au mieux la concurrence territoriale entre vos distributeurs : chacun doit se consacrer à développer les ventes de vos produits sur son marché local.
Dans ce contexte, vous faites de l’exclusivité territoriale de vos distributeurs le principe fondateur de votre réseau.
Vous souhaitez développer la distribution de vos produits sur votre marché.
Une des clés de succès consiste à organiser au mieux la concurrence territoriale entre vos distributeurs : chacun doit se consacrer à développer les ventes de vos produits sur son marché local.
Dans ce contexte, vous faites de l’exclusivité territoriale de vos distributeurs le principe fondateur de votre réseau.
Réseaux de distribution, Concurrence
Développez vos outils de prévention du contentieux
Gouache Avocats intervient pour vous aider à mettre en place les supports et les process nécessaires à une gestion contractuelle efficace :
- dossiers de candidatures des distributeurs,
- accords de confidentialité,
- contrat de réservation de zone,
- autres avant-contrats,
- documents d’information précontractuels,
- contrats de distribution,
- courriers de relance,
- mises en demeure,
- rapports types d’animation,
- procédures internes.
Gouache Avocats intervient pour vous aider à mettre en place les supports et les process nécessaires à une gestion contractuelle efficace :
- dossiers de candidatures des distributeurs,
- accords de confidentialité,
- contrat de réservation de zone,
- autres avant-contrats,
- documents d’information précontractuels,
- contrats de distribution,
- courriers de relance,
- mises en demeure,
- rapports types d’animation,
- procédures internes.
Et les ressources sur le même thème : "Clauses du contrat de distribution"
Relations clients fournisseurs
Application de plein droit des pénalités de retard prévues à l'article L. 441-6 du Code de Commerce
Les pénalités de retard pour non-paiement des factures prévues par l’article L. 441-6 du Code de commerce sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats. Pour mémoire, l’article L. 441-6 du Code de commerce alinéa 12ème du Code…
Réseaux de distribution, Concurrence
Distribution exclusive et règlement d’exemption
En principe, repose sur la tête du réseau de distribution la responsabilité de protéger ses membres exclusifs des ventes actives sur leurs territoires exclusifs, autrement appelé l’« obligation parallèle ».
Produits, Consommation, Publicité
Franchise, où se situe la limite du démarchage
La Cour de cassation a rendu un arrêt intéressant sur la portée d’une clause d’exclusivité territoriale stipulée dans un contrat de franchise, en cas d’action de démarchage opérées par un franchisé sur le territoire exclusif d’un autre franchisé du même réseau.
Réseaux de distribution, Concurrence
Quel contrat choisir (mandat, agence commerciale, courtier) ?
Vous souhaitez recourir à des indépendants pour distribuer vos produits ou vos services tout en étant titulaire des contrats clients ?