Caractérisation d’un avantage sans contrepartie d’une centrale d’achat

Faute de rapporter la preuve de la réalité des prestations réalisées pour un fournisseur, la responsabilité d’une centrale d’achat est engagée sur le fondement de l’avantage sans contrepartie

Dans un arrêt du 1er juillet 2021, la Cour d’appel de Paris est amenée à se prononcer sur plusieurs pratiques restrictives de concurrence invoquées par un fournisseur face à une centrale d’achat.

Les filiales d’un groupe sous-traitant industriel qui fabrique des produits ménagers, cosmétiques et pharmaceutiques, s’approvisionnent auprès d’un fournisseur spécialisé dans la fabrication d’étiquettes adhésives. Suite à la création de la centrale d’achat au sein du groupe, il a été demandé au fournisseur de recenser ses références produits et tarifs.

Le 13 février 2012 des conditions particulières d’achat (CPA) ont été régularisées entre les parties en vertu desquelles le fournisseur facturait aux filiales du groupe un prix augmenté d’une commission de courtage qui était inconnu des filiales et qui lui était facturée à son tour par la centrale d’achat du groupe. A partir de 2014 les CPA prévoyaient des RFA égale à un pourcentage calculé sur le CA réalisé avec le groupe.

Le fournisseur, contestant la baisse de ses prix de vente obtenus par la centrale d’achat et ayant subi une diminution significative des volumes de commandes, a assigné la centrale pour obtenir réparation des préjudices qu’il estime avoir subi du fait des évolutions qu’il prétend brutales et imposées par la centrale d’achat.

Il soulève ainsi plusieurs pratiques restrictives de concurrence, sur le fondement de l’article L. 442-6 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, et qui aurait été commises par la centrale d’achat, à savoir notamment : 

L’obtention ou la tentative d’obtention d’un avantage sans contrepartie ; 
Le déséquilibre significatif ;

Sur l’avantage sans contrepartie, la centrale tente de démontrer une contrepartie aux commissions et RFA payés par le fournisseur en invoquant une liste de services qu’elle apporterait au fournisseur à savoir notamment la création et gestion d’une liste de fournisseurs préférentiels par catégories d’achats, sourcing de fournisseur local et international ou encore évaluation des fournisseur et suivi des audits.

Toutefois la Cour relève qu’elle ne justifie d’aucune relation suivie avec le fournisseur établissant l’exécution de ces services mais également que les factures émises ne mentionnent pas les prétendues prestations réalisées par la centrale. La preuve de la réalité de ces missions n’est donc pas apportée. La cour note également que la centrale d’achat est intervenue comme intermédiaire dans une relation déjà établie entre le fournisseur et les filiales et qu’elle ne démontre pas l’existence d’un quelconque apport en faveur du fournisseur au contraire, le fournisseur ayant connu depuis la mise en place des conditions générales d’achat (CGA) par la centrale une diminution régulière de son chiffre d’affaires ainsi qu’une baisse du volume des commandes.

La Cour conclut donc que la centrale a bien obtenu un avantage sans contrepartie et prononce la nullité des CGA étant dépourvues de cause. La centrale d’achat est en conséquence condamnée à restituer au fournisseur l’intégralité des commissions et RFA versées soit un total de près de 573.000 euros. 

Sur le déséquilibre significatif le fournisseur prétend que la centrale d’achat aurait créé à son encontre une situation de déséquilibre significatif.

La Cour rappelle les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence à savoir :

la soumission ou la tentative de soumission, et précise à cet égard que « l’existence d’un contrat d’adhésion ne suffit pas à caractériser la preuve de l’absence de pouvoir réel de négociation » de celui qui se prétend victime du déséquilibre, il doit le prouver en démontrant l’impossibilité de négociation ;

l’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif qui « doit être examiné au regard de l’analyse des clauses imposées dans la convention en tenant compte des contreparties accordées et de l’équilibre économique de l’opération ». Ce déséquilibre étant généralement caractérisé soit par une absence de réciprocité soit par une disproportion entre les droits et obligations des parties.

En l’espèce, le fournisseur ne caractérise par la soumission ou la tentative de soumission de la part de la centrale d’achat. La Cour relève en effet que les courriels échangés entre les parties démontrent l’existence de négociations portant sur les prix avec un délai suffisant accordé au fournisseur pour se positionner. Faute pour le fournisseur de démontrer la tentative de soumission ou la soumission de la part de la centrale, le déséquilibre significatif n’est pas caractérisé.

Il ressort de cet arrêt que, parmi les pratiques restrictives de concurrence, l’avantage sans contrepartie est plus facile à démontrer étant donné qu’aucune soumission ou tentative de soumission ne doit être caractérisé par la victime de la pratique contrairement au déséquilibre significatif. En effet, il suffit de démontrer une absence totale de contrepartie ou une contrepartie manifestement disproportionnée au regard du service rendu qui sera appréciée par le juge pour que l’avantage sans contrepartie soit caractérisé.

CA Paris, Pôle 5, chambre 5, 1er juillet 2021, n°19/09512

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