
Rupture brutale de relations commerciales établies : que change l’ordonnance du 24 avril 2019 ?
Le gouvernement entendait restreindre l’important contentieux constaté en matière de rupture brutale de relations commerciales établies en modifiant l’article L442-6 du code de commerce par l’ordonnance du 24 avril 2019 : objectif raté !
On sait que, bénéficie d’un préavis écrit, toute personne qui voit rompre ses relations commerciales établies. C’est l’article L.442-6 ancien du Code de Commerce.
Le contentieux est si important que, par ordonnance du 24 avril 2019, le gouvernement a souhaité modifier le texte incriminant cette pratique restrictive de concurrence pour tenter d’en restreindre le champ d’application et aussi pour rendre plus sûre la rupture de la relation commerciale.
Pas de changement du côté de l’auteur de la rupture, le champ d’application sera inchangé, s’appliquant à toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ce qui est extrêmement large.
Du côté de la victime, cela ne devrait pas changer la jurisprudence qui refuse l’application de ce texte aux victimes de professionnels libéraux tels que les médecins ou notaires. En effet, le texte vise toujours la relation commerciale. Or il ne s’instaure pas une relation commerciale avec de tels professionnels.
S’agissant de la durée de la relation commerciale, elle reste clairement le critère déterminant. La Cour d’Appel de Paris avait pourtant critiqué le fait que ce critère s’applique essentiellement. Pour elle, il était mauvais car seul importait la facilité ou la difficulté pour l’entreprise victime de la rupture, de se retourner. C’est en effet la motivation de l’existence de ce texte que de permettre à l’entreprise victime de préparer l’avenir après la rupture de la relation commerciale.
Le gouvernement n’en a cependant pas tenu compte.
Dans l’ancien texte de l’article L.442-6 I 5° du Code de Commerce, le texte visait un préavis écrit respectant la durée minimale compte tenu de la durée de la relation commerciale.
Le nouveau texte exige, à l’article L.442-1 II du Code de Commerce, un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
Certains relèvent que dans le droit antérieur, la durée du préavis était le critère exclusif et que désormais l’adverbe « notamment » le rend non exclusif. Pour autant, cela ne change rien puisque la jurisprudence de longue date prenait en compte d’autres critères. Elle raisonnait par faisceau d’indices et prenait en compte la dépendance économique, outre l’ancienneté des relations, le volume d’affaires et la progression du chiffre d’affaires, les investissements spécifiques effectués non amortis, la relation d’exclusivité organisée par contrat ou encore la spécificité des produits ou des services en cause.
Les préavis spéciaux tels que ceux pour les MDD – marques de distributeur – qui étaient doublés, ont disparus.
En fait, la grande innovation de cette réforme est une présomption de non-responsabilité dès lors que le préavis offert est d’une durée de 18 mois. Il y a donc désormais un plafond. Une absence de responsabilité si vous offrez un préavis de 18 mois.
Dans le projet, c’était 12 mois. Cela aurait été plus de sécurité juridique et puis en droit positif, il était extrêmement rare que les juges dépassent 24 mois.
D’ailleurs, dans la Lettre de la distribution qui établit chaque année un rapport sur les décisions judiciaires en matière de ruptures brutales, les préavis supérieurs à 18 mois étaient extrêmement rares. Sur 90 espèces étudiées, seules 6 décisions pour des relations supérieures à dix années avaient accordé un délai supérieur à 18 mois soit 6,6% du contentieux. On voit là que ce n’est pas la révolution et qu’il aurait été préférable de fixer un préavis présumé légalement suffisant par tranche. Exemple : en-dessous de 10 ans = 6 mois de préavis, de 10 à 20 ans = 15 mois, au-delà de 20 ans = 18 mois.
Voilà, donc finalement cette réforme de la rupture brutale des relations commerciales établies a presque accouché d’une souris et les apports sont extrêmement limités.
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Rupture d'une relation commerciale
On peut toujours rompre une relation commerciale, mais la rompre brutalement engage la responsabilité de celui qui est à l’origine de la rupture.
La liberté du commerce implique de pouvoir choisir ses fournisseurs et donc de demeurer ou non client d’un fournisseur.
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