mardi 19 avril 2016

Distribution sélective et interdiction de vente en ligne : une limitation possible


Dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, la tête de réseau peut interdire à ses distributeurs la revente des produits en ligne si cette limitation est justifiée par des critères objectifs en rapport avec la nature du produit et n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire.


Le fait que l’interdiction absolue de vente en ligne faite aux distributeurs soit considérée comme une restriction caractérisée est désormais bien établie (CJUE, 13/10/2011, C-439/09, Pierre Fabre Dermo-cosmétique).

La Cour d’appel de Paris avait cependant considéré que cette interdiction pouvait être justifiée tant par la nature du produit concerné que par les exigences d’une bonne commercialisation de ce dernier (CA Paris, 13/03/2014, RG n°2013/00714, Bang & Olufsen).

Aux termes de l’arrêt rendu le 13 janvier 2016 (n° 13/11588), la Cour d’appel de Paris vient confirmer cette position.

En l’espèce, un distributeur ayant pour activité le commerce de détail d’appareils électroménagers quasi-exclusivement en ligne sous l’enseigne « super10count » et ayant quelques magasins et locaux pour le dépôt et retrait des marchandises, a été informée, en février 2011, par le fournisseur exclusif en France des produits Liebherr, avec lequel elle entretenait des relations commerciales depuis peu, de la  mise en place d’un réseau de distribution sélective pour la distribution de certains produits de la marque Liebherr.

Il avait donc été demandé au distributeur de cesser toute commercialisation de ces produits, hors écoulement des stocks, dans l’attente de son éventuel agrément.

Un (1) mois plus tard, le distributeur demandait à ce dernier de pouvoir continuer la vente des produits tout en « refondant son site internet pour répondre aux critères sélectifs et soumettre sa demande d’agrément ».

Jusqu’au mois de juin 2011, le fournisseur a continué à livrer les commandes au distributeur puis a cessé de satisfaire aux commandes du distributeur à compter de la fin du mois d’août.

En octobre 2011, le distributeur a confirmé sa volonté de participer au réseau de distribution sélective et a sollicité une période transitoire de six (6) mois pour se mettre en conformité avec le contrat de distribution.

En réponse, le fournisseur l’a mis en demeure de cesser toute commercialisation des produits sous huit (8) jours.

Peu de temps après, le distributeur assigne le fournisseur à titre principal, pour pratiques anticoncurrentielles, et à titre subsidiaire pour rupture brutale des relations commerciales établies.

En première instance, ses demandes sont rejetées.

La Cour d’appel confirme pour l’essentiel le jugement rendu.

Elle rappelle tout d’abord que :

-    « le réseau de distribution sélective ne saurait être prohibé lorsque le fournisseur choisit les commerçants en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, sans discrimination et sans limitation quantitative injustifiée, sous réserve que les critères retenus soient en rapport avec la nature du produit et ne dépassent pas ce qui est nécessaire » ;
-    « les fournisseurs peuvent exiger des distributeurs et de leur personnel des qualités professionnelles, soumettre les points de vente à des conditions de localisation de standing, d'environnement, exiger des qualités de services ».

Elle relève ensuite que :

-    « les produits Liebherr combinent haute qualité et fiabilité » ce qui n’est pas contesté par le distributeur ;
-    pour répondre aux exigences de la société Liebherr, il est demandé aux distributeurs de « satisfaire un certain nombre de conditions : que les magasins physiques doivent avoir une enseigne haut de gamme, une équipe de vendeurs qualifiés, réaliser un affichage de nombreuses informations concernant le produit, proposer des catalogues de la marque, disposer de stocks suffisants et de conditions de stockage, proposer des services pour la livraison, l'installation, le service après-vente ; que le site en ligne doit avoir également un aspect attractif et répondre à des conditions précises de personnel d'affichage, de stocks, de services » ;
-    les conditions exigées par le fournisseur répondent à la qualité des produits Liebherr ;
-    en l’espèce, le distributeur n'a jamais répondu aux critères qu'il connaissait parfaitement :
o    il propose une enseigne comportant le mot «Discount»,
o    dispose de simples hangars ou entrepôts et non d'un magasin,
o    il n'a pas de surface de vente suffisante,
o    les étiquettes font valoir le prix discount avant le produit lui-même,
o    le site internet comporte une enseigne comportant le mot « Discount »,
o    le site internet qu'il a créé n'a jamais été en état de fonctionnement,
o    les conditions générales de vente qu’il propose ne satisfont pas aux conditions demandées,
o    il n'y a pas toujours de disponibilité immédiate des produits,
o    la reprise de l'ancien matériel n'est pas gratuite,
o    le service après-vente est défaillant.

En conséquence, la Cour d’appel de Paris estime que le refus d’agrément du distributeur était justifié.

Concernant la rupture brutale des relations commerciale, la Cour considère qu’il n’y a en l’espèce « ni relations commerciales établies, ce qui suppose une certaine durée, ni rupture brutale ».

La Cour d’appel de Paris ordonne enfin :

-    Au distributeur de vendre ou prétendre vendre en magasins ou sur internet les produits de la gamme Exclusive de Liebherr ;
-    La publication d’un extrait de la décision non seulement dans des revues spécialisées mais également sur la page d’accueil du site internet du distributeur.

La limitation de la revente des produits sur internet peut donc être admise si cette limitation est justifiée par des critères objectifs en rapport avec la nature du produit et n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire. Les têtes de réseau ont donc tout intérêt à encadrer la revente des produits sur Internet.

Décision de la Cour d’appel de Paris du 13 janvier 2016, RG n° 13/11588.

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