Le point de départ du délai de préavis est fonction de l’expression de l’intention claire et non équivoque de l’auteur de la rupture de ne plus poursuivre les relations commerciales établies à une date précise

La société Gutenberg Networks (l’agence), une agence de production publicitaire, et la société Conforama France (Conforama), spécialisée dans l’ameublement, ont entretenu des relations commerciales sans discontinuité pendant 44 ans.

Le 15 avril 2011, la société Conforama a informé l’agence qu’elle mettait fin à leurs relations avec une durée de préavis comprise entre 9 et 12 mois avec un point de départ du préavis au 14 septembre 2010.

Le Tribunal de Commerce de Paris a dit recevable la demande de l’agence sur le fondement de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce et a apprécié la rupture en considérant qu’elle était brutale. Toutefois, elle a débouté l’agence de sa demande d’indemnisation au motif que cette dernière ne rapportait pas la preuve de son préjudice.

Sur les relations commerciales établies, en l’espèce, elles ne sont pas contestées par les parties qui ont collaboré ensemble pendant plusieurs décennies.

Sur la rupture brutale, il convient d’apprécier si, eu égard aux relations commerciales établies entretenues par les parties, l’un des cocontractants pouvait légitimement espérer une poursuite des relations commerciales.

En l’espèce, il apparait notamment que l’auteur de la rupture s’était opposé à ce que son cocontractant réponde à un appel d’offre d’un concurrent et lui avait adressé des courriers mettant en exergue sa volonté de faire évoluer les missions de ce dernier. Ainsi, la rupture était imprévisible et donc brutale.

Sur le point de départ du préavis, la Cour rappelle que le délai de préavis commence à courir au jour de l’expression de l’intention claire et non équivoque de l’auteur de la rupture de ne plus poursuivre les relations commerciales établies à une date précise.

En l’espèce, le courrier électronique envoyé par la société Conforama le 14 septembre 2010 à l’agence indiquait que cette première entendait « en synthèse, poursuivre notre collaboration (…) pour gérer l’ensemble des prestations de prépresse des brochures, de la PLV et des médias, après calage de nos procès internes et renégociations du montant de vos prestations ».

Ainsi, il ne résultait pas, au titre des informations contenues dans le courrier électronique précité, que la société Conforama avait informé sa partenaire de son intention claire et non équivoque de ne plus poursuivre les relations commerciales à une date précise, mais a entendu tout au plus modifier l’activité annexe de l’agence.

Par conséquent, il convenait de prendre comme point de départ du préavis le 20 avril 2011, date de réception de la lettre recommandée par laquelle la société Conforama a sans ambiguïté notifié la rupture de leurs relations à l’agence, et a fixé des dates de fin de relations, une date pour chaque branche d’activité.

Sur la durée du préavis, il convient d’apprécier si, eu égard à la durée des relations et aux circonstances de l’espèce (nature des affaires, volume des affaires et sa progression, investissements effectués, accord d’exclusivité, objet de l’activité, dépendance économique), un délai suffisant a été laissé à la société pour se réorganiser. En l’espèce, la cour a considéré qu’un délai de 12 mois devait être laissé, alors que la société a bénéficié en pratique d’un préavis d’une durée comprise entre 3 et 5 mois.

Sur l’indemnisation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture, elle correspond à la marge brute que le distributeur aurait réalisé pendant la durée du préavis non-effectuée. En l’espèce, la Cour a procédé à la détermination chiffrée de celle-ci s’élevant à 1.523.648 euros.

Retrouvez ici un autre article relatif au délai de préavis dans le cadre d’une rupture brutale de relations commerciales établies.

Décision de la Cour d’appel de Paris du 5 juin 2015, RG 13/24905.

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