mardi 11 octobre 2016

Exclusivité d’implantation et notion d’établissement

L’installation ponctuelle d’un camion aux couleurs du réseau sur le territoire d’un autre franchisé pour prester les services caractérise la violation d’une exclusivité d’implantation.

La chambre commerciale de la Cour de cassation vient rappeler dans son arrêt du 20 septembre 2016 une jurisprudence constante aux termes de laquelle le franchiseur engage sa responsabilité contractuelle à l’égard du franchisé dès lors qu’il n’intervient pas pour protéger l’exclusivité consentie à son franchisé.

Si cette décision n’est pas nouvelle, les faits d’espèce ont néanmoins conduit la Cour d’appel à prendre une décision originale, cassée par la Cour de cassation, concernant la caractérisation de la violation de l’exclusivité contractuelle du franchisé.

La société A, franchisé d’un réseau de servies d’entretien et de réparation pour véhicules automobiles, bénéficie d’une exclusivité d’implantation sur un territoire sur lequel est situé un supermarché, stipulé comme suit : « le [Franchiseur] s’engage vis-à-vis du [Franchisé] à ne pas accepter l’implantation, la création ou la transformation d’un point de vente aux couleurs de Point S dans la zone d’exclusivité, sauf circonstances particulières ».  

Le supermarché contacte la société B, franchisé dudit réseau, situé hors du territoire de la société A, pour qu’elle vienne réaliser des opérations promotionnelles sur son parking, à l’aide d’un camion aux couleurs du réseau.

Considérant que la venue d’un franchisé d’un territoire voisin sur son propre territoire pour démarcher la clientèle constitue une violation de son exclusivité territoriale, la société A informe le franchiseur et lui demande de protéger son exclusivité. Le franchiseur n’empêchera pas la venue de la société B sur le territoire de la société A.

Suite à la résiliation de son contrat par le franchiseur, la société A assigne le franchiseur, notamment sur le fondement d’un manquement à son obligation de faire respecter l’exclusivité territoriale qu’il lui a consenti.
 
Dans son arrêt, la Cour d’appel de Lyon a jugé que la société B n’était pas à l’initiative de l’opération puisqu’elle avait été contacté par le supermarché, et qu’elle n’avait fait que répondre à une demande émanant de clients, non pas du réseau, mais du supermarché. Elle a ainsi considéré que les ventes faites à cette occasion ne pouvaient s’analyser comme des ventes actives, mais comme des ventes passives, qui ne peuvent être interdites, conformément aux règles du droit de la concurrence.

La Cour d’appel a considéré en outre que le franchiseur n’était pas fondé à intervenir contre la société B dès lors qu’elle n’avait pas implanté un établissement de manière habituelle sous les couleurs de l’enseigne sur le territoire de la société A. La Cour estimait à ce titre que les prestations de la société B n’étaient effectuées que ponctuellement sur le parking du supermarché, et que l’utilisation d’un camion pour ce faire ne pouvait permettre de caractériser une implantation d’un établissement permanent.

La Cour d’appel a donc considéré qu’il n’y avait pas de violation de l’exclusivité de la société A, de sorte qu’il pouvait être reproché au franchiseur de ne pas être intervenu pour protéger l’exclusivité consentie à cette dernière.

Saisie sur pourvoi de la société A, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en faisant valoir que la société B, en proposant des prestations dans le cadre d’opérations promotionnelles sur le territoire de la société A, avec un camion aux couleurs du réseau,  prospectait une clientèle déterminé à l’intérieur du territoire de la société A et procédait ainsi à des ventes actives.

La Cour de cassation estime ainsi que l’implantation ponctuelle d’une camionnette aux couleurs du réseau caractérise l’implantation d’un point de vente aux couleurs du réseau.

La Cour de cassation considère donc que la société B a violé l’exclusivité territoriale d’implantation de la société A, et que le franchiseur, parfaitement informé du manquement, a engagé sa responsabilité contractuelle en ne faisant pas respecté l’exclusivité concédée :

« Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartient au fournisseur de faire respecter l'exclusivité qu'il a concédée, la cour d'appel, qui a constaté que des employés de l'entreprise tierce participaient au montage de pneumatiques à l'aide d'une camionnette portant l'indication Point S dans la zone territoriale réservée à M. X..., n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés » ;

La Cour de cassation sanctionne ainsi l’interprétation extensive de la clause d’exclusivité faite par la Cour d’appel de Lyon, laquelle risquerait de réduire à néant l’exclusivité consentie aux franchisés  du réseau.

Une définition contractuelle de la notion de point de vente, dans les hypothèses où, comme en l’espèce, ceux-ci sont susceptibles d’être mobiles, apparaît donc nécessaire lorsqu’une exclusivité d’implantation est concédée.

La Cour considère en outre qu’il est indifférent que la société B n’ait pas été à l’initiative de l’opération en cause, dès lors qu’elle a effectivement démarché activement des clients qui étaient situés sur le territoire de la société A.

Au-delà, elle rappelle qu’il est de la responsabilité du franchiseur de protéger l’exclusivité de ses franchisés.

(Cass. Com., 20 septembre 2016, n°13-15935)

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