Enseignes étrangères : faut-il délivrer un DIP et un contrat en français ?
Existe-t-il un risque à délivrer un DIP et un contrat rédigé en langue étrangère à un franchisé français ?
Des enseignes d’origine étrangère remettent à leurs candidats desdocuments d’information précontractuelle (DIP) rédigés en français, et leur font signer des contrats rédigés en langue étrangère. Cette pratique est-elle valide et quelles peuvent être les risques associés à une telle pratique, au regard du droit français ?
A moins qu’une disposition légale ou réglementaire exige un écrit ou une formalité spécifique devant être rédigé ou accomplie en langue française, le principe en droit français pour les contrats commerciaux conclus entre personnes de droit privé est la liberté d’établissement et la liberté de preuve. Ils peuvent donc être établis en langue étrangère.
En matière de contrats de franchise, ou de distribution en général, qui sont des contrats commerciaux seulement si ils sont conclus entre commerçant pour contrat de franchise , il n’existe pas de dispositions légales ou réglementaires imposant l’usage de la langue française. En particulier, les articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce, relatifs àl’information précontractuelle et au DIP ne précisent pas en quelle langue les informations doivent être fournies. L’article L.330-3 du Code de commerce précise simplement que le document remis doit permettre au candidat de « s’engager en connaissance de cause ». Plus généralement, à défaut de comprendre les informations fournies durant la phase précontractuelle et/ou le contenu du contrat qu’il signe, le franchisé pourrait faire valoir un vice du consentement et obtenir l’annulation du contrat conclu.
Il est donc primordial pour l’enseigne de s’assurer que le candidat comprend la langue dans laquelle les informations et le contrat lui sont proposés, et d’en conserver la preuve. C’est d’ailleurs ce que prévoit le Code européen de déontologie de la franchise. Il indique que les contrats remis à un franchisé doivent l’être dans la langue officielle de son pays ou dans une langue que le franchisé déclare formellement comprendre.
Au-delà de la validité du contrat conclu dans une langue étrangère, il est nécessaire d’anticiper la question de sa production dans le cadre d’un contentieux. Cela dépendra en particulier des modalités de règlement des litiges choisies. En cas d’arbitrage, il est possible de choisir la langue dans laquelle aura lieu l’arbitrage et de choisir des arbitres maitrisant cette langue. En cas de procédure devant des tribunaux étatiques, il conviendra de se référer aux règles de procédures et aux règles applicables en matière de preuve devant ces tribunaux.
Pour ce qui concerne les tribunaux français, l’ordonnance du 25 aout 1539 sur le fait de la justice, dite Ordonnance de Villers-Cotterêts, impose le français comme langue des jugements et langue de procédure. Toutefois, en matière commerciale, la preuve est libre, le juge appréciant souverainement les preuves fournies. De plus, l’article 23 du Code de procédure civile dispose que « Le juge n’est pas tenu de recourir à un interprète lorsqu’il connaît la langue dans laquelle s’expriment les parties. ». La Cour de cassation s’est prononcée en particulier dans un arrêt du 27 novembre 2012 en indiquant que « si l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539 ne vise que les actes de procédure, le juge, sans violer l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales [NDLR : article relatif au droit à un procès équitable] est fondé, dans l’exercice de son pouvoir souverain, à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, faute de production d’une traduction en langue française. » La signature d’un contrat en langue étrangère impliquera donc, en cas de contentieux porté devant les tribunaux français, de faire traduire le document en français, ce qui peut impliquer le cas échéant des risques d’interprétation en cas de traduction inexacte ou imprécise.
Si le contrat est rédigé en plusieurs langues ou a fait l’objet de traduction, il est important de prévoir quelle version fait foi entre les parties. Là aussi le choix dépendra du mode de règlement des litiges choisis et des tribunaux compétents dans le cas d’un contrat international. Ces clauses peuvent, selon le cas, être considérées comme constitutives d’un déséquilibre significatif au sens de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ou encore au titre de l’article 1171 du Code civil tel que résultant de la réforme du droit des obligations entrée en vigueur le 1er octobre 2016.
Ainsi, la DGCCRF a rendu le 8 mars 2016 un avis sur les contrats de franchise de 12 enseignes dans le domaine de la restauration rapide, dans lequel elle considérait que la clause prévoyant que seule la version anglaise ferait foi pouvait être constitutive d’un déséquilibre significatif.
Dès lors, s’il est possible au regard du droit français que les DIP, contrats ou documents remis en exécution de ces derniers à des distributeurs français soient rédigés en langue étrangère, les enseignes étrangères devront veiller à utiliser de tels documents avec prudence. Ainsi, si les contrats sont conclus par une société de droit français, avec des franchisés français, soumis au droit français et devant être soumis à des tribunaux ou un arbitrage tenu en France, rien ne justifierait l’emploi de documents en langue étrangère. Si un contexte international justifie l’emploi d’une langue étrangère, il conviendra au minimum que les enseignes s’assurent et conservent la preuve que le candidat maitrise suffisamment la langue concernée et a bien accepté le cas échéant d’avoir à exécuter le contrat dans une autre langue que le français. Pour des enseignes souhaitant réellement se développer en France, disposer de DIP et contrats en français à remettre aux candidats pour qu’ils s’engagent en connaissance de cause ne peut être que recommandé.
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