
Publication d’un jugement et concurrence déloyale
La publication d’un jugement de condamnation pour contrefaçon peut-il constituer un acte de concurrence déloyale ?
En matière de contrefaçon, le Code de la propriété intellectuelle prévoit que la juridiction peut ordonner la publication du jugement, selon les modalités qu’elle détermine, aux frais du contrefacteur. Ainsi en matière de brevet l’article L.615-7-1 alinéa 2 du Code la propriété intellectuelle dispose qu’en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner : « toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise. » Des dispositions similaires existent en matière de marques (CPI, art. L.716-5) ou encore en matière de droits d’auteur (CPI, art. L.331-1-4).
Au-delà de ces dispositions spécifiques, la justice est publique et les décisions rendues par les tribunaux, sauf exceptions spécifiquement prévues, sont librement accessibles.
sont publiques, les dispositions spécifiques aux mesures de publication pouvant être prononcées par les tribunaux n’empêchent pas du droit pour la victime de procéder à ses propres frais à toute autre mesure de publicité. Toutefois, comme l’exercice de tout droit, l’exercice de celui-ci ne saurait être abusif. Toutefois, il s’avère au cas d’espèce que la reproduction du dispositif par la victime dans la publication qu’elle avait réalisée n’était pas totalement complète. Si une première exception a été considérée comme n’étant pas de nature à tromper le public sur la portée de la décision ou ses motifs, il a été considéré par la Cour d’appel qu’une deuxième exception augmentait l’impact donné à cette publicité « au-delà des limites résultant des termes mêmes de son dispositif ». La Cour d’appel a donc souverainement apprécié que la société Newmat avait « commis une faute constitutive de concurrence déloyale au profit de la société Normalu ».
La publication d’un jugement favorable peut donc effectivement constituer un acte de concurrence déloyale s’il est réalisé d’une manière telle qu’il peut amener les tiers à se méprendre sur les motifs ou la portée d’une condamnation. La faute résulte de l’abus de son droit de communiquer sur la décision obtenue, celle-ci ayant omis certains éléments modifiant l’appréciation que les tiers pouvaient porter sur la décision. L’appréciation de l’existence d’actes de concurrence déloyale est toujours réalisée au cas par cas mais il est donc nécessaire, pour éviter tout risque de condamnation, de rester objectif et mesuré dans les communications pouvant être faites à la suite de condamnations favorables.
Dès lors, comment la publication par une partie à un litige d’un jugement condamnant la partie adverse pour contrefaçon pourrait-elle constituer un acte de concurrence déloyale ? C’est la question qui a été soumise à la Cour de cassation au cas d’espèce. La société Normalu est condamnée pour contrefaçon d’un brevet portant sur une pièce métallique servant à l’accrochage de plafonds tendus et appartenant à la société Newmat. La juridiction prononçant la condamnation avait ordonné la publication du dispositif du jugement dans trois journaux ou périodiques au choix de la société Newmat et aux frais de Normalu. En lieu et place, Normalu publie sur son site Internet un document reprenant le dispositif du jugement. La société Normalu assigne alors la société Newmat en concurrence déloyale, considérant que cette publication était constitutive de dénigrement à son encontre et réclamait en conséquence des dommages et intérêts.
Rappelons que la concurrence déloyale est basée sur le mécanisme général de responsabilité civile selon lequel « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » (Code civil, art. 1240, anc. art. 1382).
Cass. com., 18 oct. 2017, n°15-27.136
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