Rappel des conditions d'exercice de la garantie légale du transporteur (art. L. 132-8 C. com.)

Le voiturier peut, sur le fondement de l’article L. 132-8 du Code de commerce, agir en paiement du prix du transport contre le destinataire des marchandises, garant du paiement au même titre que l’expéditeur, sans avoir à justifier du non-paiement par son donneur d’ordre ni, le cas échéant, à déclarer sa créance au passif de la procédure collective de ce dernier.

Le paiement du prix du transport réclamé par le voiturier au destinataire sur le fondement de l’article L. 132-8 du code de commerce, qui n’est que l’exécution d’une obligation légale de garantie, ne peut constituer un préjudice indemnisable.

Issue de la loi n° 98-69 du 6 février 1998 tendant à améliorer les conditions d’exercice de la profession de transporteur routier, dite loi « Gayssot », l’article L. 132-8 du Code de commerce dispose :

« La lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l’expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

Cette disposition, d’ordre public, prévoit ainsi l’action directe en paiement du transporteur, lui permettant d’obtenir le paiement du prix par son donneur d’ordre et par le destinataire.

Dans un arrêt rendu le 4 juillet 2018, la Cour de cassation vient rappeler les conditions d’exercice de cette garantie de paiement au profit du transporteur, prévue à l’article L. 132-8 du Code de commerce.

En l’espèce, une société (le « Donneur d’ordre ») a confié à une autre société (ci-après le « Transporteur ») des prestations de transport à destination de différents établissements.

A la suite, le Donneur d’ordre été placé en redressement judiciaire.

Se disant non payée de ses factures par le Donneur d’ordre, le Transporteur a réclamé une société (ci-après le « Destinataire »), en sa qualité, selon elle, de destinataire des marchandises, le paiement d’une certaine somme due au titre de factures impayées, sur le fondement de l’article L. 132-8 du Code du commerce.

Le Destinataire contestant le bien-fondé de cette demande et s’opposant au règlement, le Transporteur l’a fait assigner en paiement.

Le Destinataire a été condamné en première instance et en appel à payer au Transporteur une certaine somme correspondant aux factures demeurées impayées afférentes à 63 transports que lui a confiés le Donneur d’ordre.

Pour condamner le Destinataire, la Cour d’appel de Paris avait notamment relevé que si les lettres de voiture litigieuses n’indiquaient pas la dénomination précise du Destinataire, il apparaissait, au vu du cachet apposé sur ces lettres de voiture, que le Destinataire avait reçu et accepté la livraison des marchandises en tant que mandataire.

Contestant l’arrêt d’appel, le Destinataire a formé un pourvoi en cassation.

1) Au titre de son premier moyen, le Destinataire soutenait « qu’il incombe au voiturier qui réclame le bénéfice de la garantie de paiement à l’encontre du destinataire des marchandises de rapporter la preuve de la certitude de sa créance et notamment de la défaillance du donneur d’ordre ». Selon le Destinataire, la Cour d’appel de Paris aurait dû rechercher, comme il lui était demandé, si le transporteur justifiait du caractère certain de sa créance portant sur lesdits transports et de la défaillance du donneur d’ordre, au regard de l’article L. 132-8 du Code de commerce.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et énonce que « le voiturier pouvant, sur le fondement de l’article L. 132-8 du code de commerce, agir en paiement du prix du transport contre le destinataire des marchandises, garant du paiement au même titre que l’expéditeur, sans avoir à justifier du non-paiement par son donneur d’ordre ni, le cas échéant, à déclarer sa créance au passif de la procédure collective de ce dernier ».

Ce faisant, la Cour de cassation conforte sa jurisprudence puisqu’elle avait déjà juger, notamment dans un arrêt de cassation au visa de l’article L. 132-8 du Code de commerce en date du 17 novembre 2003, « que l’action directe du transporteur n’est pas subordonnée à la déclaration de sa créance au passif du donneur d’ordre » (Cass. com., 17 déc. 2003, n° 02-12.891).

De même, la Cour d’appel de Paris avait déjà retenu dans un arrêt en date du 18 décembre 2003 que l’exercice de l’action directe n’était pas subordonnée à une réclamation préalable auprès du donneur d’ordre ou à un défaut de paiement de celui-ci (CA Paris, 18 déc. 2003, n° 2003/02575). Cette action peut donc être exercée sans avoir à justifier préalablement d’un obstacle définitif au recouvrement de la créance du transporteur à l’encontre de son donneur d’ordre.

2) Au titre de son second moyen, le Destinataire reprochait à la Cour d’appel de Paris d’avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts, sans avoir recherché, comme cela lui était demandé, « si le transporteur n’avait pas commis une négligence fautive en effectuant les transports demandés par le donneur d’ordre dont il connaissait les difficultés, qui ne payait plus depuis neuf mois quand les factures devaient être réglées dans le délai de trente jours, sans même lui adresser de mise en demeure et sans pratiquer de rétention ».

Selon le Destinataire, cette circonstance justifiait une obligation du Transporteur à réparer le préjudice subi par le Destinataire du fait de sa condamnation à payer lesdits transports en application de l’article L. 132-8 du Code de commerce.

Sans surprise, ce moyen est également rejeté par la Cour de cassation, qui relève que les juges du fond, après avoir constaté que le Destinataire réclamait une indemnité du même montant que celui de sa condamnation au titre de sa garantie en invoquant la négligence fautive du Transporteur, ont énoncé exactement que « le paiement du prix du transport réclamé par le voiturier au destinataire sur le fondement de l’article L. 132-8 du code de commerce, qui n’est que l’exécution d’une obligation légale de garantie, ne peut constituer un préjudice indemnisable ».

Ce faisant, la Cour de cassation confirme encore sa jurisprudence sur les conditions d’exercice de l’article L. 132-8 du Code de commerce. Elle s’était en effet déjà prononcée sur ce dernier point, en jugeant même que « la circonstance que le transporteur ait connu les difficultés de trésorerie de son donneur d’ordre ne lui interdit pas d’exercer l’action directe prévue par l’article L. 132-8 du code de commerce » (Cass. com., 7 avr. 2009, n° 08-12.919). Même en cas d’imprudence avérée, le transporteur n’est donc pas privé de l’action directe à l’encontre du destinataire des marchandises.

Cass. com., 4 juil. 2018, n° 17-17.425

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