
Accords verticaux: restriction de la concurrence par objet ou par effet
Une clause de priorité contenue dans un contrat de distribution ne saurait constituer une restriction par objet, à moins qu’elle présente un degré de nocivité suffisante à l’égard de la concurrence.
La Cour de justice de l’Union européenne a été saisie d’une question préjudicielle par une cour administrative régionale de Lettonie dans le cadre d’un litige opposant l’autorité de la concurrence lettone à la société Visma Enterprise en raison de la violation du droit de la concurrence letton.
Bien que le litige n’avait pas d’incidence sur le commerce entre les états membres, la Cour s’est déclarée compétente pour statuer sur ces demandes, afin d’éviter des divergences d’interprétation futures, car les dispositions lettones en question étaient alignées sur celles de l’article 101 du TFUE.
L’autorité de la concurrence avait sanctionné la société, au motif que son contrat de distribution, portant sur la vente de logiciels de comptabilité, contenait une clause de priorité restreignant la concurrence par son objet : en effet le distributeur était tenu d’enregistrer dans la base de données du fournisseur toutes les transactions potentielles avec un client final, et il bénéficiait ainsi pendant six mois d’une priorité pour réaliser l’opération. L’autorité de la concurrence considérait que cela limitait la concurrence entre les distributeurs, en procédant à une répartition de la clientèle, et limitait ainsi la possibilité pour le client final d’obtenir des conditions plus intéressantes.
Il était demandé à la Cour :
• si cette clause pouvait être considérée comme étant une entente au sens de l’article 101 §1 TFUE ;
• si, dans ce cas, elle pouvait bénéficier d’une exemption au titre du §3 ;
• si l’existence d’une entente est exclue lorsque l’autorité a apprécié différemment la responsabilité des parties à l’infraction.
La Cour apporte dans sa décision des précisions visant à guider la juridiction de renvoi dans son interprétation, afin que cette dernière puisse trancher le litige.
– Concernant la première question, elle rappelle que pour qu’un accord soit interdit en vertu de l’article 101§1 du TFUE, il doit avoir pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser de manière sensible la concurrence dans le marché intérieur.
Les restrictions par objet sont celles présentant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, et pour lesquelles il n’est pas nécessaire d’en prouver les effets. En l’espèce, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier les objectifs poursuivis par la clause, en tenant compte du contexte économique et juridique dans lequel elle s’insère, et aussi éventuellement de l’intention des parties.
Les restrictions par effet sont celles qui empêchent, restreignent ou faussent le jeu de la concurrence de manière sensible, par des effets réels ou potentiels. En l’espèce il appartient à la juridiction de renvoi, dans l’hypothèse où l’accord ne constitue pas une restriction par objet, d’examiner si un tel accord constitue une restriction par effet, et pour ce faire de prendre en considération le contexte économique et juridique dans lequel il s’insère, et les conditions réelles du fonctionnement du marché et de sa structure, mais aussi notamment la nature et la quantité limitée, ou non, des produits concernés, la position et l’importance des parties, ainsi que le caractère isolé ou pas de l’accord.
– Concernant la deuxième question, la Cour rappelle qu’un accord contraire au § 1 de l’article 101 TFUE peut faire l’objet d’une exemption au titre du §3 s’il satisfait à ses conditions cumulatives, comprenant l’obligation de contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits, ou promouvoir le progrès technique ou économique.
En l’espèce il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si l’amélioration présente des avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients qu’il comporte, sur le marché pertinent, et selon les spécificités du secteur.
– Concernant la troisième question, la Cour indique que la question de l’existence d’un accord interdit en vertu de l’article 101 TFUE est différente de celle de l’imputation de la responsabilité, laquelle vise les conséquences de ladite violation. Ainsi l’existence d’une entente ne saurait être exclue pour la seule raison que l’autorité de la concurrence a procédé à une appréciation différentiée concernant l’imputation aux parties de la responsabilité de l’infraction.
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