Le déséquilibre significatif et Google : une histoire d’application
lundi 13 juin 2022

Le déséquilibre significatif et Google : une histoire d’application

Que retenir de la décision du tribunal de commerce de Paris concernant Google et son contrat avec les développeurs d’application 

Le Ministre de l’Économie avait assigné Google au début de l’année 2018, au motif que le contrat conclu par Google avec les développeurs français pour leur permettre de proposer leurs application sur la plateforme Google Play comportaient des stipulations révélant l’imposition d’obligations constituant un déséquilibre significatif au sens de l’article L. 442-6 1, 2° du code de commerce (aujourd’hui devenu L. 442-1 I, 2° du Code de commerce). Dans le cadre de cette action, le Ministre a poursuivi Google Inc (devenue Google LLC) société de droit américain, Google Ireland Limited, Google Commerce Limited (sociétés de droit irlandais également) et Google France.

Le tribunal de commerce de Paris, dans un arrêt du 28 mars 2022, a considéré que les clauses suivantes étaient constitutives d’un déséquilibre significatif et a ordonné à Google la cessation des pratiques, outre une amende de 2 millions d’euros :

- La clause imposant aux développeurs de fixer le prix de leurs applications dans une fourchette définie par Google, que Google pouvait faire varier à discrétion et imposant une rémunération de 30% versée à Google ;
- La clause conférant à Google une faculté de modification unilatérale du contrat ;
- La clause conférant à Google une faculté de suspension unilatérale du contrat ;
- La clause imposant des conditions de résiliation du contrat asymétriques ;
- La clause définissant les règles de confidentialité des informations et leur utilisation au seul bénéfice de Google ;
- La clause relative à l’utilisation des signes distinctifs des Parties ;
- La clause d’exclusion de toute responsabilité et garantie de Google.

Au-delà, plusieurs points sont à retenir de cette décision.

En premier lieu, Google avait soulevé une fin de non-recevoir fondée sur le défaut de qualité à défendre de Google France et Google Ireland Ltd au motif que la relation contractuelle n’était qu’entre Google Inc et le développeur d’application. Le tribunal a admis la fin de non-recevoir pour Google France, qui n’est pas partie au contrat, au motif qu’elle n’a joué aucun rôle d’intermédiaire et n’est pas intervenue dans le cadre du suivi des développeurs. Elle a écarté la fin de non-recevoir pour Google Ireland Ltd cependant, au motif qu’elle était « en charge de la politique européenne en matière de relation avec les développeurs français », alors même qu’elle n’était pas partie au contrat signé par les développeurs. 

Ce point peut sembler discutable dans la mesure où la Cour de cassation avait indiqué en 2018 que la notion de partenaire commercial impliquait des « échanges commerciaux conclus directement entre les parties. » (Cass. Com. 31 janv. 2018, n° 16-24.063). En outre, le nouveau texte ne fait plus référence à la notion de partenaire commercial, mais à « l’autre partie ». Le tribunal est toutefois conforme à sa pratique développée avec l’arrêt Subway.

En deuxième lieu, Google avait soulevé une fin de non-recevoir liée à l’application du règlement « Platform to Business » ou « P2B » du 20 juin 2019. Le tribunal a écarté cette fin de non-recevoir au motif que le règlement ne serait pas rétroactif (les contrats dataient de 2015 ou 2016) et que celui-ci était en toute hypothèse applicable sans préjudice des règles nationales sanctionnant des pratiques dont les aspects pertinents ne sont pas régis par le règlement. Or d’une part les pratiques avaient perduré après l’entrée en vigueur du règlement puisqu’il était demandé leur cessation. Ensuite cette solution semble incohérente avec d’autres décisions qui ont pu être retenues dans le cadre de conflits avec d’autres normes (relatives aux GIE, aux sociétés coopératives ou aux baux commerciaux). 

En troisième lieu, la décision insiste sur la question de la preuve de la soumission et se fonde pour cela sur le fait que Google était un « partenaire incontournable » disposant d’une « puissance incontestable », empêchant les développeurs de proposer leurs produits ailleurs, Google représentant 65% des systèmes d’exploitation utilisés en France. Il relève encore que le très grand nombre de contrats conclus (700.000 développeurs juste pour Google Play à destination de la France) imposait un contrat d’adhésion, sans faculté de négociation. Il ne sanctionne pas le fait que Google ait recouru à des contrats d’adhésion mais le fait qu’au sein de ceux-ci figuraient des clauses constitutives de déséquilibre significatif.

Enfin, en quatrième lieu, sur la question des abus tarifaires, l’argumentation du tribunal aborde sans réelle distinction deux sujets pourtant distincts : l’un est la pratique de prix imposé par la fixation unilatérale d’une fourchette de prix de vente au public, l’autre est la question de la contrepartie des services payés par les développeurs. Sur ce deuxième point, l’argumentation semble plus contestable en ce qu’elle est très lapidaire et ne caractérise pas réellement l’absence de contreparties. 

(T. com. Paris 15e ch. 28 mars 2022, n° 2018017655)

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