Les droits du franchiseur sur le fichier client doivent être organisés
lundi 19 septembre 2022

Les droits du franchiseur sur le fichier client doivent être organisés

Il est interdit au franchiseur d’utiliser le fichier client du franchisé à l’issue du contrat de franchise lorsque le contrat de franchise ne prévoit pas une telle utilisation et confère au franchisé la pleine propriété sur le fichier client. 

A la suite d'un plan de sauvegarde de l'emploi de 2018, la société Jules, exploitant l’enseigne de prêt-à-porter masculin du même nom, a, en avril 2019, annoncé à ses franchisées la fin du modèle traditionnel de distribution et sa volonté (i) d'adopter un système de commission-affiliation et (ii) de fusionner les concepts Jules et Brice en proposant au sein des magasins Brice des produits Jules. Or, chaque contrat de franchise Jules attribue des zones d'exclusivité.

Plusieurs franchisés n'ayant pas répondu à cette proposition se sont vu notifier la rupture des relations contractuelles.

Par ordonnance du 8 septembre 2020, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille a enjoint à la société Jules de respecter les clauses d'exclusivité des franchisées jusqu'au terme du préavis consenti.

En mars et avril 2021, certains franchisés ont sollicité de la société Jules une copie des fichiers clients arguant du fait que cet élément était essentiel et indispensable à la poursuite de leur activité.

En réponse, la société Jules a indiqué aux franchisés qu’elle ne s'opposait pas en soi à la restitution des fichiers mais qu'un délai supplémentaire de traitement lui était nécessaire, et que les franchisées recevraient « dans les tous prochains jours » les fichiers clients.

Par acte d'huissier en date du 28 mai 2021, les franchisés concernés ont saisi le tribunal de commerce de Lille Métropole afin d'obtenir la restitution des fichiers clients.

Le jour de l'audience, la société Jules a transmis aux franchisés, par courrier recommandé avec accusé de réception, une clé USB contenant les fichiers clients sollicités. 

Par ordonnance du 8 juillet 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole a notamment (i) ordonné à la société Jules de restituer aux franchisés l'intégralité des fichiers clients leur appartenant, dans un format exploitable, et ce, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance, et (ii) interdit à la société Jules d'utiliser les fichiers clients appartenant aux franchisés et toutes données les constituant, à compter du 31 juillet 2021, date de fin des contrats defranchise, et ce, sous astreinte de 5000 euros par infraction constatée.

Sur le premier point relatif à la restitution des fichiers clients, les franchisés se plaignant de la qualité et de l’incomplétude des fichiers reçus, la cour d’appel, rappelant les circonstances particulières de l’espèce, confirme l’ordonnance déférée.

Sur le second point relatif à l'utilisation des fichiers clients, la cour relève que le contrat de franchise contient des stipulations claires et précises qui (i) encadrent l’utilisation du fichier client par le franchisé (ii) prévoient que le franchisé conservent la pleine propriété du fichier-client et que le franchiseur dispose du droit d'usage et de jouissance de ce fichier. Le contrat précise par ailleurs les conditions auxquelles le franchiseur pourra exercer un droit de préemption sur la cession du fichier client.

Rappelant, qu’il n'appartient pas à la cour statuant en référé d'interpréter ces clauses, au demeurant claires et précises, en conférant à ce fichier client le caractère de base de données, qui n'existait pas lors de la conclusion des contrats, et dont la société Jules serait producteur et responsable de traitement eu égard aux investissements qu'elle a réalisés. 

En effet, aux termes de l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle, qui transpose la directive 96/9/CE du 11 mars 1996, le producteur d'une base de données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel. Cette protection est indépendante et s'exerce sans préjudice de celles résultant du droit d'auteur ou d'un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs. (CA Lyon, 16 déc. 2021, n°16/05564).

En définitive, la cour relève qu’aucune clause contractuelle ne permet au franchiseur d'accéder aux fichiers-clientsde ses franchisés à la fin du contrat de franchise et cet accès ne peut pas plus être justifié par les droits garantis par la RGPD dès lors que le franchiseur n'est pas propriétaire des fichiers clients aux termes des contrats conclus entre les parties.

La cour confirme donc l’ordonnance déférée en ce qu'elle a fait interdiction à la société Jules d'utiliser les fichiers clients appartenant aux franchisés à compter de la date de fin descontrats de franchise.

Cette espèce illustre, s’il en était besoin, la nécessité pour le franchiseur d’organiser clairement le sort du fichier client pendant l’exécution du contrat et après sa cessation.

(Cour d'appel, Douai, 2e chambre, 1re section, 9 juin 2022 – n° 21/04131)

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