Prescription de l’action en requalification d’un bail statutaire
lundi 23 janvier 2023

Prescription de l’action en requalification d’un bail statutaire

L’action en requalification n’a pas le même délai de prescription que l’action en constatation du bail statutaire

Un propriétaire conclut avec une société un bail dérogatoire portant sur des locaux commerciaux pour une durée d’un an.

Ce bail est reconduit pour une nouvelle période d’un an dans le cadre d’un acte comprenant une clause stipulant, qu’à défaut de dénonciation par la locataire avant une certaine date, la convention se « transformera automatiquement en bail commercial de trois ans ».

La locataire dénonce le bail, restitue les clefs et libère les locaux. 

Plus de deux années après la date d’effet de la dénonciation, la bailleresse, se prévalant d’un défaut de respect de la date contractuelle avant laquelle la dénonciation devait être effectuée, assigne la locataire en paiement des loyers jusqu’à l’expiration de la période de trois ans.

La Cour d’appel de Bordeaux déclare la demande de la bailleresse irrecevable car prescrite.

La bailleresse se pourvoit alors en cassation en prétendant que :

- Les parties à un bail dérogatoire peuvent décider que leur contrat se transformera en bail commercial à défaut de dénonciation du contrat par l’une des parties dans le délai contractuellement fixé ;

- L’action en paiement des loyers commerciaux relève de la prescription quinquennale de droit commun ;

- La demande tendant à faire constater l’existence d’un bail soumis au statut qui résulte du seul effet d’une clause d’un bail dérogatoire n’est pas soumis à la prescription biennale.

La haute juridiction rejette le pourvoi formé par la bailleresse.

Elle relève que la Cour d’appel de Bordeaux a :

- Par motif adoptés, constaté que la locataire avait quitté les lieux avant le terme du bail dérogatoire et relevé que l’action de la bailleresse en paiement de loyers jusqu’à l’extinction de la période triennale était fondée sur l’application du statut des baux commerciaux du fait de l’inobservation par la locataire du délai contractuel de préavis stipulé au bail ;

- Fait ressortir que l’action de la bailleresse visait à la requalification du bail dérogatoire en bail commercial par l’effet d’une clause contractuelle et non à la constatation de l’existence d’un bail soumis au statut par l’effet de l’article L.145-5 du Code de commerce ;

- Exactement déduit que l’action était soumise à la prescription biennale de l’article L.145-60 du Code de commerce ;

- Par motifs adoptés, constaté que le délai de prescription avait couru à compter de la conclusion du bail, et que l’assignation délivrée plus de trois années après cette conclusion était donc tardive car l’action était prescrite.

Observations : 
Cet arrêt permet de distinguer deux types d’action :

i) L’action en requalification tend à requalifier en bail commercial en un contrat d’une autre nature tel qu’un contrat de location-gérance, une convention d’occupation précaire ou de toute autre nature. Le délai est de deux ans et court à compter de la signature du contrat initial (Cass.Com, 11 juin 2013, n°12-16103). 

Ce délai et ce point de départ sont justifiés. Il s’agit en effet de requalifier la convention initiale en bail commercial statutaire.

ii) L’action en constatation de l’existence d’un bail commercial tend à faire reconnaître une situation juridique, formée indépendamment de la volonté des parties.

La Cour de cassation, dans une décision en date du 1er octobre 2014, malgré des jurisprudences antérieures contraires, a adopté une solution différente de celle donnée en matière de requalification.

Elle a considéré que l’action tendant à faire constater l’existence d’un bail commercial à raison du maintien en possession du preneur à l’issue d’un bail dérogatoire est soumise à la prescription quinquennale (Cass. 3ème Civ, 1er octobre 2014, n°13-16806).

Dans l’arrêt commenté, l’action de la bailleresse visait à requalifier un bail dérogatoire en bail commercial par l’effet d’une clause contractuelle. Il ne s’agissait pas de constater l’existence d’un bail soumis au statut des baux commerciaux. 

Cass Civ, 3ème ,28 septembre 2022 n°21-17.907

 

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