
Déséquilibre significatif : les apports de l’arrêt Pizza Sprint
Cette décision très attendue apporte des précisions utiles, mais soulève également des critiques, en lien avec la notion de déséquilibre significatif et l’action du ministre de l’économie et des finances.
On s’en souvient, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 janvier 2022 (n°20/00737) rendu dans cette affaire avait suscité de nombreux commentaires, notamment pour avoir annulé une clause d’intuitu personae non réciproques au motif qu’elle constituerait un déséquilibre significatif. La clause des contrats Pizza Sprint, comme celle de la plupart des contrats de franchise, prévoyait en effet qu’elle s’appliquait au franchisé, mais pas au franchiseur.
Sur ce point la Cour de cassation apporte une précision utile en relevant que la cour d’appel « ne s’est pas bornée à déduire l’existence d’un déséquilibre significatif du seul fait que la clause litigieuse ne prévoyait pas de réciprocité ». Ce qui a été déterminant dans l’annulation de la clause du contrat Pizza Sprint était l’imprécision des termes utilisés. En effet, la clause prévoyait l’agrément préalable du franchiseur pour tout projet ayant « une incidence » sur la répartition du capital ou l’identité des dirigeants, et la faculté pour le franchiseur de résilier en cas de non-respect de cette obligation. L’imprécision du terme « incidence » ne permettait pas au franchisé « d’appréhender la nature et le degré de l’effet du projet sur l’actionnariat ou la personne du franchisé susceptible de motiver, de la part du franchiseur, la résiliation anticipée du contrat. »
En d’autres termes, on doit comprendre que les clauses d’intuitu personae peuvent ne pas être réciproques, sous réserve que les hypothèses de mises en œuvre de la clause soient précisément définies.
Deux autres points sont à relever dans cet arrêt.
Tout d’abord, la cour de cassation précise que « la conclusion d’une transaction entre des partenaires économiques n’a pas pour effet de priver le ministre des pouvoirs qu’il tient de l’article L.442-6-III devenu l’article L.442-4 du Code de commerce ». Pour mémoire, en cas de déséquilibre significatif, deux actions sont possibles :
– une action du ministre pour obtenir la sanction des pratiques, par le biais d’une amende civile, et la modification des contrats concernés, outre la publication de la décision ;
– une action de la partie victime du déséquilibre significatif, pour obtenir la nullité de la clause et l’indemnisation du préjudice subi.
La Cour de Cassation a donc confirmé qu’une transaction conclue entre les cocontractants et relative aux intérêts civils des parties ne mettait pas fin à l’action du ministre. Sans toutefois se prononcer sur la nature publique de l’action du ministre.
Ensuite, la Cour de Cassation s’est prononcée sur la prescription de l’action du ministre. Elle indique ainsi : « la prescription de l’action du ministre, qui ne fait pas l’objet de règles spéciales et est dès lors régie par l’article 2224 du code civil (…) ». La prescription de l’action du ministre est donc de cinq années. Mais le problème est que ce délai de prescription « a pour point de départ le jour où ce dernier, qui est titulaire d’un droit d’agir, a connu ou aurait dû connaitre les faits qui, caractérisant une pratique restrictive, lui permettent d’exercer ce droit ». Et non pas la conclusion des contrats litigieux. Cela aboutit à ce que l’action du ministre soit imprescriptible, sauf à appliquer l’article 2232 du code civil qui empêche de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de 20 ans. Mais même dans ce cas, le déséquilibre significatif serait traité aussi sévèrement qu’un crime en matière pénale, ce qui semble tout à fait disproportionné.
Il aurait été plus adapté de considérer que le point de départ était la conclusion du contrat et que la réalisation d’actes d’enquêtes avant la survenance de la prescription suspendait cette dernière.
(Cass. com. 28 février 2024, n°22-10.314)
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