
Franchiseurs, attention lorsque vous agissez en qualité de mandataire des franchisés !
Engage sa responsabilité vis-à-vis du franchisé, le franchiseur qui donne instruction à son avocat de former un recours, au nom du franchisé, contre une décision administrative autorisant l’implantation d’un concurrent, et de s’en désister sans consulter le franchisé.
L’arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2017 est l’occasion de rappeler qu’il appartient aux franchiseurs de faire preuve de la plus grande prudence lorsqu’ils agissent en qualité de mandataire de leurs franchisés.
Dans cet arrêt, un franchisé d’un réseau de bricolage prend connaissance d’une décision de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) autorisant la création, à proximité immédiate de son point de vente, d’un important centre commercial comprenant un magasin concurrent, et en informe son franchiseur.
Ce dernier demande à son conseil de former, au nom du franchisé, un recours contre cette décision auprès de la CDAC, puis de s’en désister, sans avoir avisé le franchisé de ce désistement.
Suite à l’implantation du concurrent, le franchisé connaissait un résultat déficitaire.
Reprochant à son franchiseur, qui ne l’avait pas avisé du désistement, de lui avoir fait perdre une chance d’obtenir l’annulation de l’autorisation d’implantation du magasin concurrent, le franchisé assigne son franchiseur en réparation du préjudice subi.
La Cour d’appel d’Orléans a jugé dans son arrêt du 12 mai 2016 que le franchiseur, ayant agi en qualité de mandataire du franchisé, avait commis une faute en donnant instruction à son avocat de se désister du recours, que le franchisé disposait d’une chance sur deux d’obtenir l’annulation de la décision de la CDAC, qu’il existait un lien de causalité entre la faute commise par le franchiseur et le préjudice subi par le franchisé, et ordonnait, avant-dire droit, une expertise sur ce préjudice en accordant au franchisé une provision.
Le franchiseur forme un pourvoi en cassation contre la décision de la Cour d’appel, en faisant valoir notamment :
– qu’aucun mandat n’aurait été caractérisé, faute pour la cour d’appel d’avoir caractérisé les éléments dont il aurait résulté que le franchisé aurait donné pouvoir au franchiseur de saisir un avocat pour former un recours ou aurait ratifié la décision prise à la seule initiative du franchiseur d’introduire ce recours ;
– que, pour estimer que le franchisé disposait d’une chance sur deux d’obtenir l’annulation de la décision de la CDAC, la Cour d’appel n’avait ni identifié ni analysé les moyens qui auraient été susceptibles d’entraîner l’annulation de la décision de la CDAC, et qu’il lui appartenait d’autant plus de s’expliquer sur le contenu des moyens susceptibles d’entraîner cette annulation dès lors qu’une telle annulation n’aurait pas empêché le concurrent de réitérer sa demande et d’obtenir une nouvelle autorisation d’implantation, et que cet élément était de nature à rendre la perte de chance alléguée purement théorique ;
– que pour avoir jugé qu’il existait un lien de causalité entre la faute du franchiseur et le préjudice subi par le franchisé, la Cour d’appel a seulement constaté que le résultat déficitaire du franchisé n’avait d’autre explication que l’ouverture du magasin concurrent, sans s’interroger, comme elle y était invitée, sur le fait de savoir si le résultat franchisé ne résultait pas de décisions de gestion interne, dans la mesure où le chiffre d’affaires n’avait pas baissé.
S’agissant du premier moyen, la Cour de cassation constate que la Cour d’appel a légalement justifié sa décision en retenant que le franchiseur avait commis une faute en prenant l’initiative du désistement, après avoir donné instruction à son conseil d’exercer un recours au nom du franchisé, et que la Cour d’appel n’était pas tenue de répondre à un moyen que ses constatations sur la faute ainsi commise rendaient inopérant.
S’agissant du second moyen, la Cour de cassation juge que la Cour d’appel a suffisamment caractérisé la perte de chance certaine subie par le franchisé, en constant d’abord que le recours contre la décision litigieuse de la CDAC faisait une analyse de la conformité de l’autorisation délivrée par celle-ci, en relevant ensuite que les arguments qui y étaient présentés n’apparaissaient pas dénués de sens au regard des critères légaux de l’aménagement du territoire et du développement durable, et en observant enfin qu’une autorisation d’installation dans une commune voisine d’un magasin similaire avait, sur recours, été annulée.
Enfin, s’agissant du troisième et dernier moyen, la Cour de cassation juge d’une part que la Cour d’appel n’était pas tenue de vérifier que l’ouverture du concurrent avait entrainé une baisse du chiffre d’affaires du franchisé, que le franchiseur tenait lui-même pour inévitable. La Cour de cassation juge d’autre part que la Cour d’appel a caractérisé l’existence d’un lien de causalité entre la faute du franchiseur et le préjudice du franchisé en ayant relevé que l’ouverture du magasin concurrent, installé dans un hypermarché drainant une clientèle nombreuse, à proximité immédiate du franchisé, dans une zone de chalandise réduite, sur laquelle existait une concurrence non négligeable, et qui était trois fois plus petit que celui du franchisé, avait nécessairement eu un impact négatif sur l’activité du franchisé.
La Cour de cassation rejette en conséquence le pourvoi et confirme l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans.
Il appartient donc aux enseignes de faire preuve de la plus grande prudence lorsqu’elles agissent en qualité de mandataire de leurs affiliés, que ce soit à l’initiative de l’enseigne elle-même, comme c’était le cas en l’espèce semble-t-il, ou à la demande de leurs affiliés, et de n’agir alors que conformément aux instructions de l’affilié mandant, qu’il convient le cas échéant de recueillir préalablement.
Cass.Com., 8 novembre 2017, n°16-19035
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