
La prise de contrôle exclusif par Carrefour de deux supermarchés
L’Autorité de la concurrence a autorisé, sous réserve de la mise en œuvre d’engagements, la société Carrefour Supermarchés France à prendre le contrôle exclusif de deux fonds de commerce de distribution à dominante alimentaire avec station-service
L’acquisition d’un point de vente sous contrat d’enseigne par sa tête de réseau, comme cela est le cas dans la présente opération, est susceptible de réduire la concurrence préexistante à l’opération, tant en termes de prix que de qualité et de diversité des assortiments de produits offerts à la vente. Par définition, une telle opération ne modifie pas la concurrence inter-marques.
Dans le cas où l’enseigne dispose, sur le marché concerné, d’une position importante, l’Autorité de la concurrence examine si l’opération est susceptible de réduire la concurrence intra-marque lorsque le point de vente cible disposait d‘une autonomie commerciale par rapport à sa tête de réseau.
Par ailleurs, en présence d’une position importante d’une enseigne sur le marché concerné, l’acquisition d’un point de vente sous contrat d’enseigne par sa tête de réseau est susceptible de supprimer la concurrence inter-marques potentielle (i.e. la possibilité d’une enseigne concurrente de conclure un contrat d’enseigne avec le point de vente cible) si elle conduit à créer, ou à renforcer, un verrouillage du marché au profit de l’enseigne.
1. S’agissant du magasin de Baraqueville (Carrefour Market)
L’Autorité considère que, compte tenu de la part de marché relativement modérée du Carrefour Market, et de l’existence d’enseignes concurrentes qui constituent des alternatives crédibles, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution de produits à dominante alimentaires dans la zone du magasin de Baraqueville.
2. S’agissant du magasin de Réquista (Carrefour Market)
Seule la prise de contrôle du supermarché de 2 000 m2 situé dans la zone de chalandise de Réquista soulevait un problème de concurrence.
A la suite de la présente opération, Carrefour était susceptible de se trouver en position de monopole dès lors que, :
- d’une part, le contrat de location-gérance en vertu duquel le supermarché cible était exploité n’était pas de nature à conférer le contrôle dudit magasin au locataire gérant et,
- d’autre part, que le seul autre point de vente situé dans un rayon de 15 minutes en voiture était également un magasin sous enseigne Carrefour — Carrefour Contact — d’une surface de 650 m2, situé dans la même commune.
a) Analyse de la concurrence inter-marques
Déjà, avant l’opération, l’alternative offerte aux consommateurs sur ce marché local était limité à un supermarché Carrefour Market (74,7%) – lequel ne disposait pas d’une autonomie commerciale par rapport au groupe Carrefour – et un supermarché Carrefour Contact (25,3 %), de sorte qu’à l’issue de l’opération, le groupe Carrefour contrôlera, exclusivement ou conjointement, ces deux supermarchés.
L’opération n’avait donc pas pour effet de modifier la concurrence inter-marques sur ce marché.
b) Analyse de la concurrence potentielle intra-marques.
S’agissant de la concurrence intra-marque, l’opération se traduit par la prise de contrôle, par le groupe Carrefour, d’un magasin exploité sous l’une de ses enseignes en vertu d’un contrat de franchise (Carrefour Market).
Or, l’Autorité rappelle qu’un franchisé disposant d’une autonomie commerciale suffisante par rapport à sa tête de réseau peut exercer une pression concurrentielle sur les magasins sous une même enseigne, qu’ils soient détenus en propre par la tête de réseau ou également franchisés.
Par exemple, en l’absence de clause de non-concurrence, le distributeur peut décider de sortir du réseau afin d’adhérer à un réseau concurrent à l’expiration de son contrat de franchise.
L’Autorité de la concurrence relève qu’avant l’opération, le franchisé disposait de la possibilité, à l’expiration du contrat de franchise, en 2021, ne pas renouveler le contrat et, le cas échéant, de sortir du réseau Carrefour pour exploiter le fonds de commerce sous une enseigne concurrente.
Or, à l’issue de l’opération et de la prise de contrôle par le groupe Carrefour de la société qui détient le fonds de commerce, le locataire gérant, qui exploite le fonds, ne disposera plus de la possibilité d’exploiter le magasin de Réquista sous une enseigne concurrente à moyen terme, faisant ainsi disparaître la situation de concurrence potentielle qui aurait prévalu en 2021, date à laquelle le contrat de franchise Carrefour Market doit expirer.
Pour l’Autorité, la disparition de cette concurrence potentielle inter-marques soulève des doutes sérieux d’atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution à dominante alimentaire dans la zone de Réquista.
D’où les engagements proposés par Carrefour et jugés suffisants par l’Autorité pour éliminer les risques d’atteinte à la concurrence résultant de l’opération.
En substance, l’engagement proposé est mixte : il est d’ordre structurel et comportemental.
Dimension structurelle : l’engagement pris par Carrefour prévoit la cession, à un repreneur indépendant, du capital de la société qui exploite l’unique magasin concurrent du point de vente acquis, le supermarché de 650 m2.
Dimension comportementale : l’engagement pris par Carrefour implique la conclusion d’un contrat d’enseigne — en l’occurrence l’enseigne Proxi Super — lequel doit permettre au repreneur de sortir, s’il le souhaite, du réseau Carrefour au terme de la durée initiale de trois ans du contrat, sans clause de non-concurrence, soit en 2021 ou en 2022.
Pour l’Autorité, cette combinaison d’engagements est de nature à maintenir une concurrence potentielle inter-marques dans la zone de Réquista.
Autorité de la concurrence – Décision n° 18-DCC-65 du 27 avril 2018
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