Le silence gardé suivant une demande d’informations sanctionné pour obstruction

L’Autorité de la concurrence condamne la société MCG et sa société mère pour obstruction à une enquête, faute de répondre à la demande d’informations émise suivant des Opérations de Visite et de Saisie (OVS). 

Dans l’arrêt commenté du 21 décembre 2023, la Cour d’appel de Paris est invitée à statuer, tout d’abord, sur le bien-fondé d’une amende prononcée par l’Autorité de la concurrence, sanctionnant l’obstruction à une enquête par la société MCG, et ensuite, sur l’imputabilité de ce comportement à sa société mère. 

En l’occurrence, disposant d’indices transmis par la DGCCRF, l’Autorité de la concurrence avait ouvert en 2018 une enquête sur des suspicions de pratiques anticoncurrentielles commises par les services portuaires de Mayotte, et notamment ceux gérés par la société Mayotte Channel Gateway (MCG).  

Après des opérations de visite et saisie autorisées par la justice, l’Autorité avait adressé à la MCG, en décembre 2020, une demande de renseignements, accordant un délai de réponse à six semaines. En janvier 2021, la société MCG n’y avait toujours pas répondu de sorte que l’Autorité la relançait une première fois. Malgré un délai supplémentaire accordé par les services d’instructions à la demande de la MCG et malgré plusieurs relances, la société MCG n’a pas répondu à la demande d’informations et s’est contentée de renvoyer l’Autorité aux saisies réalisées lors des OVS de 2019. Lui rappelant les termes des articles L450-8 et L464-2 du code de commerce et accordant de nouveaux délais, MCG s’est maintenue dans son silence.  

C’est dans ces circonstances que l’Autorité a qualifié cette non-coopération d’obstruction délibérée et répétée aux investigations et a décidé de sanctionner la société MCG, solidairement avec sa société mère, au paiement d’une amende de 100 000 euros pour ne pas avoir répondu à une demande d’informations.  

Contestant le bien-fondé de cette amende de procédure, la société MCG et sa société-mère, la société Neil Import-Export (SNIE) ont saisi la Cour d’appel de Paris pour discuter la qualification d’obstruction retenue par l’Autorité, ainsi que la présomption d’imputabilité du comportement fautif de la MCG à la maison mère. 

S’agissant de la qualification d’obstruction, la Cour rappelle qu’aucune coopération active ne saurait résulter des pièces de l’enquête diligentée par la DGCCRF – laquelle constitue une autorité distincte de l’ADLC – ni des pièces afférentes aux OVS : l’obstruction doit être appréhendée au regard de la mesure d’instruction empêchée par les appelantes, à savoir, la demande d’informations.  

Pour justifier leur silence, les appelantes ont invoqué le caractère disproportionné de la demande d’informations au regard des nécessités de l’enquête – faisant ainsi écho aux jurisprudences Slovak Telecom et Roquette Frères bien connues en la matière1. L’argument est écarté faute de preuve de cette disproportion. 

Par ailleurs, elles invoquent des irrégularités et atteintes aux droit de la défense, mais ces griefs ne seront ni caractérisés, ni retenus par la Cour. 

En outre, elles font valoir une impossibilité matérielle de répondre à la demande de renseignements, se prévalant du contexte sanitaire et du confinement lors de la crise Covid-19, de l’ancienneté et de l’indisponibilité de certains documents, d’une panne du disque dur de la MCG et d’une inondation. Sur ces arguments, la Cour relève que les délais accordés étaient suffisants et considère notamment que les circonstances factuelles alléguées dénotaient un manque d’entretien incompatible avec l’obligation légale faite aux entreprises de veiller à la conservation de leurs pièces pendant dix ans. Aussi, la Cour écarte l’existence d’une « cause étrangère, imprévisible, extérieure et irrésistible », dont les requérantes se prévalaient. 

Sur la question de la responsabilité de la société mère, les requérantes contestaient la décision de l’Autorité en ce qu’elle présume l’existence d’une influence déterminante et donc condamne solidairement la maison mère, alors que la SNIE ne détenait que 90% du capital de la MCG. 

Mais, après avoir rappelé qu’il n’existait pas de seuil fixé de détention des parts pour écarter ladite présomption, et que la présomption n’était pas absolue, la Cour retient la présomption d’exercice d’une influence déterminante de la SNIE sur la MCF. Elle confirme alors la décision de l’Autorité et la condamnation solidaire de la maison mère.   

Ce qu’il faut retenir de cette décision : 

– Tout d’abord, cette décision intéresse par la nature de la mesure à laquelle il est fait obstruction : une demande d’informations. En effet, le contentieux est plus abondant s’agissant d’obstruction à une OVS

– Elle rappelle aux entreprises que le silence face à une mesure d’instruction de l’Autorité peut coûter cher, jusqu’à 1% du CA mondial du groupe auquel la société fautive appartient ; sans compter la sanction au fond si la pratique anticoncurrentielle était effectivement caractérisée. 

– Sur la question de la responsabilité solidaire, il doit être relevé que la présomption de responsabilité de la mère du fait des agissements anticoncurrentiels de sa fille est ici appliquée à une pratique d’obstruction, en se fondant sur le même critère d’influence déterminante. La Cour se contente de rappeler la jurisprudence en la matière, le caractère réfragable de cette présomption – bien que l’on sait qu’il est surtout théorique, et l’absence de seuil de détention capitalistique pour caractériser l’existence d’une influence déterminante.  

– Sur ce dernier point, on s’étonne que les débats n’aient pas plus portés sur l’extension de la présomption habituellement appliquée en présence d’agissements anticoncurrentiels à la pratique d’obstruction.

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Et les ressources sur le même thème : "Contrôles Autorité de la concurrence – DGCCRF"

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