entente

Action en réparation et notion d’entreprise au sens du droit de la concurrence

Les membres d’une entreprise responsable d’une entente ne peuvent agir à l’encontre des autres membres de cette même entreprise aux fins de voir indemnisés leur préjudice subi du fait de l’achat de produits cartellisés. 

Le 19 mars 2014, la Commission Européenne a sanctionné six fabricants de roulements de l’industrie automobile pour avoir formé une entente anticoncurrentielle visant à répercuter à leurs clients des hausses du prix de l’acier sur une période allant du 8 avril 2014 au 27 juillet 2011 (connu sous l’appellation « cartel des roulements à billes »). 

L’un des fabricants cartellistes était en l’occurrence la société SNR, devenue NTN-SNR, qui de 1946 à 2007 avait pour unique actionnaire la société Renault SAS. A compter d’avril 2008, NTN-SNR a été placée sous le contrôle du groupe NTN. 

Or, durant la période infractionnelle, les sociétés du groupe Renault s’approvisionnaient en produits cartellisés auprès de ce fabricant. 

À la suite de la publication de la décision de sanction de la Commission Européenne, les sociétés du groupe Renault ont donc entendu faire valoir, auprès de leur fournisseur, leur droit à réparation du préjudice résultant des pratiques sanctionnées, sur le fondement de la directive Dommages, en assignant les sociétés du groupe NTN devant le Tribunal de commerce de Lyon. 

Les sociétés du groupe NTN soulèvent alors que l’action est irrecevable pour défaut d’intérêt à agir dans la mesure où Renault faisait partie de l’unité économique cartelliste et a donc participé même indirectement à l’infraction. 

De son côté Renault considérait que l’appartenance à un ensemble considéré comme une unité économique n’affecte pas par principe son intérêt à agir et que rien en droit français ou européen ne justifiait qu’un groupe de société ayant subi un préjudice soit empêché d’agir en réparation au motif qu’il entretenait auparavant des liens capitalistiques ou appartenait à une même entité économique. 

Faisant droit aux moyens de défense des sociétés du groupe NTN, le Tribunal de commerce de Lyon considère en ce sens que c’est bien : « L’ensemble de l’entreprise et pas uniquement l’entité contrevenante qui doit être considérée comme responsable des pratiques infractionnelles de ses membres. (…) Ainsi, il appartient à l’unité économique globale, donc à l’entreprise Renault, de réparer tout préjudice causé par une entente et pas seulement à l’entité qui est concernée par la commission de l’infraction sanctionnée par la Commission européenne. Le fait que Renault se soit approvisionnée en produits cartellisés ne lui confère pas un intérêt à agir spécifique, les demanderesses ne pouvant exciper de leur propre turpitude, – ici en raison de leur participation indirecte à l’infraction -, pour revendiquer un intérêt à agir particulier contre une ancienne filiale. En conséquence, Renault (…) doit être considérée comme responsable des infractions commises. ». 

Les juges déduisent de ce qui précède que les sociétés Renault sont dépourvues de tout intérêt à agir à l’encontre des sociétés du groupe NTN et qu’ainsi leur action est irrecevable. 

Si ce jugement n’est pas définitif puisque les sociétés du groupe Renault ont interjeté appel, cette solution fait sens si l’on considère que du temps du cartel, Renault s’est enrichi du fait de la participation de son unité économique à l’entente.  

Aussi, accéder à la demande d’indemnisation de Renault semble difficilement envisageable : 

– d’une part, cela participerait sans doute à un enrichissement sans cause : 

– d’autre part, cela signifierait que la responsabilité d’une entente ne pèse que sur une personne morale et non sur une entreprise au sens de la concurrence, ce qui serait contraire au principe d’effectivité.  

Notons enfin que le tribunal a retenu le caractère abusif de l’action intentée par Renaud et l’a condamné à verser des dommages et intérêts à ce titre. 

(Tribunal de commerce de Lyon, 8 novembre 2023, n°2019J00489)

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