
Coopératives : attention aux modalités de sortie
A l’occasion du retrait d’une coopérative la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur deux questions : l’effectivité d’un retrait non notifié et l’existence d’une rupture brutale de relations commerciales établies avec le fournisseur référencé.
Une coopérative regroupant des exploitants de supermarchés négocie avec une autre société, grossiste alimentaire, les conditions commerciales applicables aux achats des coopérateurs. Une société adhérente bénéficie des conditions d’achats offertes par la coopérative mais n’exploite pas son magasin sous l’enseigne de la coopérative (G20). Adhérente depuis 2006, elle cesse en 2020 de s’approvisionner auprès du grossiste référencé et adhère à un autre réseau, en l’occurrence Monoprix, sans avoir adressé la moindre notification, ni à la coopérative, ni au grossiste.
Deux questions étaient posées à la Cour d’appel de Paris. En premier lieu, celle de l’effectivité du retrait et la nature des sommes dues en cas de retrait non conforme aux stipulations des statuts de la coopérative. En deuxième lieu, l’existence ou non d’une rupture brutale de relations commerciales établies et dans ce cas, l’indemnité due considérant le très faible volume perdu par le grossiste du fait de cette rupture.
Sur le premier point, l’exploitant considérait qu’il n’était pas adhérent au motif qu’il n’exploitait pas son supermarché sous l’enseigne de la coopérative. Ce point est écarté, l’exploitant ayant bien souscrit des parts sociales de la coopérative, étant en outre relevé par la Cour qu’il n’y avait pas d’obligation d’exploiter le magasin sous l’enseigne de la coopérative. L’exploitant fait ensuite valoir que la simple adhésion au réseau Monoprix n’emportait pas retrait de la coopérative, dans la mesure où il n’avait notifié aucune volonté de se retirer. La Cour analyse les statuts et relève que la seule formalité mentionnée en cas de retrait est une notification préalable avec un préavis de 6 mois, celle-ci n’étant toutefois pas requise pour formaliser le retrait. Elle en conclut que la cessation de toutes commandes auprès du fournisseur et le passage sous enseigne Monoprix matérialise sans conteste un retrait de la coopérative. L’exploitant n’a toutefois pas respecté le préavis prévu. Il est dès lors condamné à verser la clause pénale prévue dans les statuts de la coopérative en cas de non-respect du délai de préavis, n’ayant pas réussi à en démontrer le caractère excessif.
Sur le deuxième point, à savoir l’indemnisation du fournisseur, il n’existait aucune convention écrite, en violation des textes en vigueur. L’exploitant du supermarché tentait d’en tirer argument pour faire valoir qu’il n’y aurait pas eu de relation commerciale établie. La Cour rejette cet argument rappelant que les conditions de la rupture brutale de relations commerciales établies sont indépendantes du formalisme prévu pour les conventions entre fournisseurs et distributeurs.
La Cour relève ensuite que la relation a duré plus de 14 ans. La part du chiffre d’affaires réalisé avec cet exploitant était par contre de moins d’un pourcent du chiffre d’affaires total du fournisseur. Compte tenu de la faiblesse de la part de chiffre d’affaires, la Cour d’appel évalue à 4 mois la durée du préavis que l’exploitant aurait dû laisser au fournisseur.
Sur le montant de l’indemnité, la Cour d’appel rappelle la position clairement établie désormais, à savoir que le préjudice est constitué de la marge sur coûts variables, c’est-à-dire le chiffre d’affaires dont la victime a été privé sous la déduction des charges qui n’ont pas été supportées du fait de la baisse d’activité résultant de la rupture. La Cour précise toutefois que compte tenu du très faible volume représenté par cet exploitant dans l’activité du fournisseur, il sera retenu la marge commerciale telle qu’elle ressort des soldes intermédiaires de gestion, le fournisseur « n’ayant pas de coût évité avec la très faible baisse d’activité que représente la perte de son client ».
Ce deuxième point permet d’illustrer comment les divers critères utilisés pour apprécier le préavis à laisser en cas de rupture de relations commerciales établies peuvent se combiner, la durée des relations n’étant pas l’unique critère. Comme nous l’avions rappelé dans une précédente chronique, les principaux critères sont l’ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d’affaires réalisé, la progression du chiffre d’affaires, les investissements effectués, les relations d’exclusivité et la spécificité des produits en cause.
CA Paris, 22 novembre 2023, n°22/01703
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